Karmapa

Le 16e Karmapa
Drapeau du Karmapa

Karmapa (tibétain : ཀརྨ་པ་, Wylie : karma pa) est un mot tibétain venant du sanskrit[1] signifiant « celui qui accomplit l'activité des bouddhas »[2] et le titre du chef de l'école karma-kagyu du Tibet, issue de la lignée kagyüpa, l'une des quatre traditions majeures du bouddhisme tibétain. Il est parfois surnommé le lama à la coiffe noire[3]. C'est aussi une lignée de réincarnations d'un maître spirituel, la première à avoir vu le jour, le premier karmapa étant né en l'an 1110. Parfois appelé chef de l'école du chapeau noir du bouddhisme tibétain, il est une importante personnalité religieuse tibétaine, comme le dalaï-lama[4].

Historique

Origine de la lignée

Appartenant à une tradition de transmission plus large, la lignée des karmapas remonte au 1er karmapa, Düsum Khyenpa (1110-1193), fils spirituel du grand maître tibétain Gampopa. La source de la lignée de transmission orale du mahamudra remonte traditionnellement au Bouddha Vajradhara et fut transmise par une chaîne ininterrompue de maîtres à disciples. La lignée débute par deux maîtres indiens, Tilopa (989-1069) et Naropa (1016-1100), suivis de maîtres tibétains : Marpa le traducteur et Milarépa. Ces précurseurs de la lignée Kagyu et la branche Karma-kagyu sont collectivement appelés le rosaire d'or.

Düsum Khyenpa a atteint l'illumination à l'âge de 50 ans, en pratiquant le yoga du rêve. Il est donc considéré comme le 1er karmapa, une manifestation d'Avalokitesvara (Chenrezig), dont la venue fut prédite dans le Samadhiraja Sutra [5] et le Lankāvatāra sūtra[6].

Le 2e Karmapa, Karma Pakshi (1204-1283), fut la première personne reconnue en tant que tulkou ou lama réincarné[7]. Le 1er karmapa est le premier lama tibétain à avoir introduit cet aspect important du bouddhisme tibétain[8]. Les karmapas laissent généralement une lettre comportant des prédictions pour aider les recherches de leurs tulkous[9].

Le grand campement des karmapas

Thangka représentant le 8e karmapa, dans le style Karma Gardri, XIXe siècle, Rubin Museum of Art
Le grand campement représenté par le 8e karmapa

Le grand campement des karmapas (Karmé Garchèn), qui fut instauré par le 4e karmapa et détruit par les forces mongoles sous le 10e karmapa, permit aux karmapas successifs de se déplacer, accompagnés d'une importante communauté itinérante. Le grand campement des karmapas visait à proposer l'enseignement du dharma dans les lieux les plus réceptifs. Institution culturelle, elle comprenait à son apogée un institut d'étude philosophique (shédra), un collège tantrique et 500 retraitants itinérants. Un grand nombre de traités philosophiques et de manuels de méditations furent écrit par les karmapas dans le grand campement. Dans ce campement fut célébré le Kagyu Mönlam Chenmo à partir du 7e karmapa, qui fonda le Kagyu Mönlam. Tout au long de son existence, le grand campement des karmapas fut complètement végétarien. Le campement comprenait des ateliers mobiles pour les artistes et offrit un terrain favorable à la création artistique. Une des 3 écoles principales de peinture tibétaine, le style du campement du karmapa, Karma Gardri (tibétain : ཀརྨ་སྒར་བྲིས་, Wylie : karma sgar bris), y vit le jour. Fondé par le 4e karmapa, il atteignit son apogée sous le 7e karmapa. Il fut réduit pour faciliter la gestion par le 8e. Sous le 10e, il fut attaqué par les forces mongoles (en guerre contre le roi des Tsang) et ses occupants furent assassinés, mais le 10e karmapa parvint à s'enfuir. Après la destruction du grand campement, les karmapas résidèrent principalement au monastère de Tsourphou[10].

Fin annoncée de la lignée

Un terma de Guru Rinpoché déclare qu'il y aurait en tout 21 karmapa[11].

Selon la tradition bouddhiste, notre ère cosmique verra la manifestation de 1 000 bouddhas. Le Bouddha Shakyamouni en fut le 4e, tandis que le Bouddha Maitreya en sera le 5e. Le 21e karmapa est, dit-on, destiné à être le 6e bouddha. L'un des régents du karmapa, Taï Sitou Rinpoché, est considéré comme une émanation de Maitreya[12].

La coiffe noire

Les karmapas sont les détenteurs de la coiffe noire (tibétain cod-pan) et sont ainsi parfois connus comme les lamas au "chapeau noir" (tibétain zhwa-nag). Cette coiffe, rangjung chopen (la coiffe apparue d'elle-même), aurait été tissée par les dakinis à partir de leurs chevelures et offerte au karmapa en reconnaissance de sa réalisation spirituelle. On dit que la seule vue de cette coiffe peut éveiller le plus profond potentiel de l'esprit et même apporter l'illumination. La coiffe physique portée par les karmapas fut offerte au 5e karmapa par l'empereur chinois Yongle comme une représentation matérielle de la coiffe spirituelle. Elle est actuellement conservée à Rumtek au Sikkim, qui était la dernière demeure du 16e karmapa[13].

Mantra du Karmapa

Crédit image:
His Holiness the 17th Gyalwang Karmapa Ogyen Trinley Dorje
licence CC BY 2.0 🛈
Karmapa khyènno calligraphié par le 17e karmapa Orgyen Trinley Dorje sur un album de Kesang Marstrand.

Karmapa tchènno (tibétain : ཀརྨ་པ་མཁྱེན་ནོ།, Wylie : karma pa mkhyen no, THL : Karmapa khyènno) est le mantra du karmapa, introduit initialement par le 8e karmapa, Mikyö Dorje, dans le contexte d'un enseignement à propos de la tradition de l'« Appel du Lama au loin »[14].

Liste des Karmapas

  1. Düsum Khyenpa (1110 - 1193)
  2. Karma Pakshi (1204 - 1283)
  3. Rangjung Dorje (1284 - 1339)
  4. Rolpe Dorje (1340 - 1383)
  5. Deshin Shekpa (1384 - 1415)
  6. Thongwa Dönden (1416 - 1453)
  7. Chödrak Gyatso (1454 - 1506)
  8. Mikyö Dorje (1507 - 1554)
  9. Wangchuk Dorje (1556 - 1603)
  10. Chöying Dorje (1604 - 1674)
  11. Yeshe Dorje (1676 - 1702)
  12. Changchub Dorje (1703 - 1732)
  13. Dudul Dorje (1733 - 1797)
  14. Thekchok Dorje (1798 - 1868)
  15. Khakyab Dorje (1871 - 1922)
  16. Rangjung Rigpe Dorje (1924 - 1981)
  17. Orgyen Trinley Dorje (1985 - ) et/ou Trinley Thaye Dorje (1983-) (voir la page à propos de la controverse les touchant)

Controverse sur l'identité du karmapa actuel

Notes et références

  1. Bernard Baudouin, Initiation au bouddhisme, Presses du Châtelet, 2007, (ISBN 2845925034)
  2. Entretien avec sa sainteté le 17e gyalwang karmapa (1/2), Sagesses bouddhistes, 5 mars 2017
  3. (Douglas et White 1976)
  4. (en) Tsering Namgyal, Profile: Tibetan Buddhism's Karmapa Lama, Asia Sentinel , 11 mars 2013.
  5. Khenchen Thrangu Rinpoche. King of Samadhi Sutra: Oral commentaries given in Rinpoche's monastery in Boudhanath, Nepal, January 1993
  6. (en) Surendra Man Bajracharya, Buddhist Heritage of Northern Nepal: An Introduction, p. 99 : « He was henceforth regarded as the Karmapa, a manifestation of Avalokitesvara, whose coming was predicted in the Samadhiraja Sutra and the Lankavatara Sutra. »
  7. (en) « Karmapa Concept Encyclopedia Analysis », Collab.itc.virginia.edu (consulté le )
  8. Diana Finnegan, Karmapa 1110-2010, 900 ans, 2011, [1]
  9. Francesca Yvonne Caroutch, La fulgurante épopée des Karmapas - les enfants de l'éveil, Dervy, 2000, p. 209.
  10. Diana Finnegan, Karmapa 1110-2010, 900 ans, 2011, p. 78-79
  11. (en) Zhanag Dzogpa Tenzin Namgyal, A Few Accounts about the Wondrous Activities of His Holiness the XVIth Gyalwa Karmapa, Rangjung Rigpe Dorje
  12. (en) The Importance of Lineage
  13. Mick Brown, 2004, The Dance of 17 Lives : The Incredible True Story of Tibet's 17th Karmapa, p. 34. Bloomsbury Publishing, New York and London. (ISBN 1-58234-177-X).
  14. Billion Mantra Initiative

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Nik Douglas et Meryl White, Karmapa: The Black Hat Lama of Tibet, London, Luzac, , p. 84
  • (en) Mick Brown, The Dance of 17 Lives: The Incredible True Story of Tibet's 17th Karmapa, Bloomsbury Publishing, New York and London, 2004, (ISBN 1-58234-177-X).
  • Francesca-Yvonne Caroutch, La fulgurante épopée des Karmapas, les enfants de l'éveil, Dervy, 2000, 316 p. , (ISBN 2-84454-063-5)
  • (en) Eric D. Curren, Buddha's not smiling. Uncovering Corruption at the Heart of Tibetan Buddhism Today, Motilal Banarsidass Publishers, Delhi, 2008, 339 p. (ISBN 9788120834200)
  • Arnaud Dotézac, Les lamas se cachent pour renaître, préface Françoise Bonardel, Xenia, 2008, 253 p., (ISBN 978-2-88892-060-1)
  • Nik Douglas & Meryl White, Karmapa, le Lama à la coiffe noire du Tibet (1976), traduction de l’anglais par Georges Driessens), Édition Archè, Milan, 1979, (ISBN 88-7252-067-3)
  • Lama Kunsang & Marie Aubèle, L'Odyssée des Karmapas. La grande histoire des lamas à la coiffe noire, Éd. Albin Michel, coll. "Spiritualités", 2011, 420 p., (ISBN 978-2-226-22150-6)
  • Lahana Roger, Karmapa Tchenno. Fragments de rencontres avec Rangjung Rigpé Dorjé, XVIe Karmapa, Les Editions du Puits de Roulle, 2021, 122p., (ISBN 978-2-36782-108-5)
  • Charles Manson, The Second Karmapa, Karma Pakshi: Tibetan Mahasiddha (2022), Shambhala.
  • Michele Martin, Une Musique venue du ciel. Vie et œuvre du XVIIe Karmapa (2003), trad. Christiane Buchet et Cheuky Sèngué, Claire Lumière, série « Tsadra », 2005, 414 p., (ISBN 2-905998-73-3)
  • Jean-Paul Ribes, Karmapa, Éd. Fayard, (2000), 276 p., (ISBN 2-213-60680-3 et 978-2-213-60680-4)
  • Ann Riquier, La légende des Karmapas, Plon, 2000, 217 p., (ISBN 2-259-19308-0)
  • (en) Karma Thinley, The History of the Sixteen Karmapas of Tibet (1980), Shambala, 2001, 164 p.
  • Gilles Van Grasdorff, La fabuleuse évasion du petit Bouddha, Éd. Michel Lafon, 2000, 237 p., (ISBN 2-84098-578-0).
  • Sylvia Wong, Les Prophéties de Karmapa, de l'histoire à l'actualité, Éd.Rabsel, 2011, 624 p., (ISBN 978-2-9537216-2-1).

Articles connexes

Liens externes

Du Karmapa Orgyen Trinley Dorje :

  • http://www.karmapa-europe.net Voir dans la partie dédié au 17e Karmapa les lettres importantes des chefs de la lignée et entre autres celle du Dalai-Lama.

Du Karmapa Trinley Thaye Dorje :