Raymond Radiguet
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Cimetière du Père-Lachaise, Grave of Radiguet () |
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Raymond Maurice Radiguet |
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Raymond Radiguet est un écrivain et poète français né le à Saint-Maur-des-Fossés (Seine) et mort le à Paris.
Talent très précoce, il a écrit deux romans ayant connu un grand succès critique et populaire, Le Diable au corps et Le Bal du comte d'Orgel, publiés alors qu'il abordait la vingtaine.
Biographie
Premières années
Aîné de sept enfants, Raymond Maurice Radiguet est le fils de l'illustrateur humoristique Maurice Radiguet (1866-1941) et de Jeanne Marie Louise Tournier (1884-1958). Après l'école communale, il passe l’examen des bourses et entre au lycée Charlemagne à Paris. Considéré d'abord comme un bon élève sauf dans les disciplines artistiques, il obtient ensuite des résultats scolaires médiocres qui le décident à quitter le lycée en 1914 pour faire l’école buissonnière. Il s’adonne entièrement à la lecture dans la bibliothèque familiale, dévorant les écrivains des XVIIe et XVIIIe siècles, notamment La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, puis Stendhal, Marcel Proust, et enfin les poètes Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud, Lautréamont[1].
En , Raymond Radiguet rencontre Alice Saunier (1893-1952), jeune institutrice de neuf ans son aînée, voisine de ses parents qui la chargent de lui donner des leçons particulières[2]. Elle est fiancée avec Gaston Serrier[3], alors au front, et la liaison de l'adolescent de 14 ans avec Alice alors que le conjoint de celle-ci est dans les tranchées lui inspire plus tard Le Diable au corps[4], publié en 1923. Cette liaison ne dure qu'un an et, à partir de 1918, il s’éloigne peu à peu de la jeune femme.
Vie à Montparnasse
À 15 ans, Radiguet abandonne définitivement ses études et se lance dans le journalisme. En portant les dessins de son père au journal L'Intransigeant, il rencontre son rédacteur en chef, le poète André Salmon, et lui soumet quelques poèmes[1]. Il se lie avec Max Jacob, Pierre Reverdy, François Bernouard (futur éditeur, en 1920, de ses poèmes Les Joues en feu). Il fait également la connaissance des peintres Juan Gris, Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Jean Hugo, et fréquente les jeunes compositeurs, dont Darius Milhaud (avec qui il crée plus tard la pantomime célèbre Le Bœuf sur le toit), Georges Auric, Francis Poulenc, Arthur Honegger.
Aux débuts du Canard enchaîné, il signe quelques contes sous le pseudonyme de Rajky[7] et publie, sous le même pseudonyme, quelques dessins humoristiques dans L'Intransigeant et Le Rire[8]. Tout en étant journaliste pour L'Éveil et L’Heure, il continue à composer des poèmes[9]. Il en publie quelques uns, sous son pseudonyme puis sous son nom, dans la revue SIC entre et [10].
Rencontre avec Jean Cocteau
En juin 1919[11], Radiguet fait une rencontre qui exerce sur sa future carrière une influence capitale : on le présente à Jean Cocteau, lequel aussitôt devine — « À quoi ? Je me le demande », écrit-il plus tard dans La Difficulté d’être — un talent caché. Enthousiasmé par les poèmes que Radiguet lui lit, Cocteau le conseille, l’encourage et le fait travailler. Il l’aide ensuite à publier ses vers dans les revues d’avant-garde, notamment dans SIC et dans Littérature et le présente au secrétaire général du Quai d'Orsay, son ami Philippe Berthelot.
Radiguet et Cocteau deviennent inséparables et fondent en Le Coq, une petite revue d’allure fantaisiste et de caractère essentiellement avant-gardiste à laquelle collaborent, entre autres, Georges Auric, le peintre Roger de La Fresnaye, Paul Morand et Tristan Tzara. Radiguet fait paraître dans le premier numéro un article qui débute par ces mots imprimés en capitales : « DEPUIS 1789 ON ME FORCE À PENSER. J’EN AI MAL À LA TÊTE. » Cocteau y publie des vers et cette critique de la critique : « La critique compare toujours. L’incomparable lui échappe. »
D'orientation hétérosexuelle[12], Radiguet eut au moins cinq liaisons confirmées, parallèlement à celle, amicale, avec Cocteau : l'institutrice Alice Saunier, qui a inspiré le personnage de Marthe du Diable au corps ; Beatrice Hastings après la rupture de celle-ci avec Modigliani ; en 1919, la peintre Irène Lagut, qu'il cachait à Cocteau[13] ; enfin en 1923, Bronia Perlmutter, mannequin chez Poiret et future épouse de René Clair[14],[15]. Radiguet a été l'intime, de manière platonique ou non, de plusieurs femmes : Valentine Hugo, que Jean Cocteau lui présente le , lors du bal qui suivit la première de Pulcinella, Thora de Dardel, Marcelle Meyer, Mary Beerbohm, et Bolette Natanson. Plusieurs femmes ont parrainé sa brève carrière dans le milieu littéraire et artistique : Eugénie Cocteau, la mère de Jean, Misia Sert et Coco Chanel[16].
Vers 1921, Radiguet abandonne la vie déréglée qu’il menait depuis quelques années et s’impose une forte discipline intérieure. « Rien de moins ordonné que sa vie extérieure », écrit plus tard son ami Joseph Kessel, « mais rien de plus harmonieux, de plus équilibré, de mieux construit et de mieux protégé que sa vie intérieure. Il peut traîner de bar en bar, ne pas dormir des nuits entières, errer de chambre en chambre d’hôtel, son esprit travaillait avec une lucidité constante, une merveilleuse et sûre logique. »
Œuvre littéraire
En , à Piquey, loin de Paris, où l’avait entraîné Jean Cocteau, Radiguet termine Le Diable au corps. L’année suivante, au Lavandou cette fois, toujours avec Cocteau et ses amis, il écrit son deuxième et dernier roman, Le Bal du comte d'Orgel.
Le Diable au corps
En 1923, Bernard Grasset lance Le Diable au corps de façon spectaculaire, sur le thème : « le premier livre d’un romancier de 17 ans ». Devant une telle publicité, qu’elle juge de mauvais goût, la critique est surprise, voire moqueuse et hostile. Mais, après la publication, Radiguet reçoit de chaleureuses félicitations d’écrivains tels que Max Jacob, René Benjamin, Henri Massis et Paul Valéry.
Le jeune écrivain écrit dans Les Nouvelles littéraires le jour même de la publication de son roman, le , un article dans lequel il affirme que son roman qui puise pourtant dans sa vie est « une fausse biographie » :
« Ce petit roman d'amour n'est pas une confession […] On y voit la liberté, le désœuvrement, dus à la guerre, façonner un jeune homme et tuer une jeune femme […] le roman exigeant un relief qui se trouve rarement dans la vie, il est naturel que ce soit justement une fausse biographie qui semble la plus vraie[18]. »
Le livre, écrit dans un style très simple, dépouillé de tout effet[19], est un grand succès de librairie et plus de cent mille exemplaires sont vendus en trois mois[20].
Mort
À la suite d'une baignade (dans la Seine selon certaines sources[21] mais en fait dans le bassin d'Arcachon[22]), Raymond Radiguet meurt emporté par une fièvre typhoïde mal diagnostiquée par le médecin de Cocteau[9], le [23].
Il est enterré à Paris au cimetière du Père-Lachaise (56e division).
Le Bal du comte d'Orgel
Le Bal du comte d'Orgel est publié en 1924 par Bernard Grasset, à titre posthume. Le roman raconte un triangle amoureux entre un jeune aristocrate et un couple à la mode. L'intrigue s'inspire de la déception de l'auteur avec la peintre Valentine Hugo[19]. La figure du comte est inspirée par son ami le comte Étienne de Beaumont qui donnait des ballets et des fêtes somptueuses connues du Tout-Paris.
Dans sa préface, Jean Cocteau, qui a pris part à la correction des épreuves, évoque la mort de son jeune ami :
« Voici ses dernières paroles :
« Écoutez, me dit-il le 9 décembre, écoutez une chose terrible. Dans trois jours, je vais être fusillé par les soldats de Dieu. » Comme j’étouffais de larmes, que j’inventais des renseignements contradictoires : « Vos renseignements, continua-t-il, sont moins bons que les miens. L’ordre est donné. J’ai entendu l’ordre. »
Plus tard, il dit encore : « Il y a une couleur qui se promène et des gens cachés dans cette couleur. »
Je lui demandai s’il fallait les chasser. Il répondit : « Vous ne pouvez pas les chasser, puisque vous ne voyez pas la couleur. »
Ensuite, il sombra.
Il remuait la bouche, il nous nommait, il posait ses regards avec surprise sur sa mère, sur son père, sur ses mains.
Raymond Radiguet commence. »
Œuvres
Romans
- Le Diable au corps, 1923
- 1926 : avec des lithographies de Maurice de Vlaminck, Paris, M. Seheur[24]
- 1948 : avec des illustrations en couleurs de Suzanne Ballivet, gravées à la pointe sèche par F. Nourisson, Paris, éditions de l'Odéon[25]
- 1954 : avec des compositions en couleurs de Paul-Émile Bécat, Paris, G. Guillet[26]
- 1958 : avec une lithographie originale de Valentine Hugo, préface de Jacques de Lacretelle, Monte-Carlo, A. Sauret[27]
- 1961 : avec des lithographies originales de Gabriel Dauchot, Paris, Pierre de Tartas[28]
- Le Bal du comte d'Orgel, 1924
- 1925 : avec des bois de P. François, Paris, J. Ferenczi et fils, coll. « Le Livre moderne illustré », n° 28[29]
- 1926 : avec des illustrations de Guy Dollian, Paris, Les Exemplaires[30]
Poésie
- Les Joues en feu, 1920
- Devoirs de vacances, 1921
- Vers libres, 1926 (publication posthume)
- Jeux innocents (publication posthume)
Théâtre
- Les Pélican, 1919, comédie bouffe en 2 actes
- 1921 : avec des eaux-fortes d'Henri Laurens, Paris, éditions de la Galerie Simon[32]
- Le Gendarme incompris, 1921 Critique bouffe en un acte de Jean Cocteau et Raymond Radiguet, musique de Francis Poulenc, mise en scène de Pierre Bertin, montée au théâtre Michel.
Divers
- Denise, illustré de lithographies de Jean Gris, Paris, éditions de la Galerie Simon, 1926[33]
Éditions posthumes
- Œuvres complètes de Raymond Radiguet, éditions Grasset & Fasquelle, 1952, comprenant : Le Diable au corps, Le Bal du Comte d'Orgel, Les Joues en feu et divers textes, ainsi qu'un dessin de Jean Cocteau et une photographie de l'auteur.
- Œuvres complètes, éd. Julien Cendres en collaboration avec Chloé Radiguet, éditions Stock, 1993 ; éditions Omnibus, 2012.
- Œuvre poétique, éd. Julien Cendres en collaboration avec Chloé Radiguet, préface de Georges-Emmanuel Clancier, coll. « La Petite Vermillon », éditions de la Table ronde/Gallimard, 2001.
- Lettres retrouvées[20] (correspondance de Radiguet), présentée par Chloé Radiguet et Julien Cendres, éd. Omnibus, 2012, 446 p.
Notes et références
- « Biographie de Raymond Radiguet (1903-1923) », sur alalettre.com.
- Micheline Dupray, Roland Dorgelès : Un siècle de vie littéraire française (biographie), Paris, Presses de la Renaissance, (réimpr. 2000, 2013), 537 p. (ISBN 2-85616-383-1, lire en ligne), p. 235.
- Alice Saunier et Gaston Serrier se marieront le à Paris 14e (Mairie de Saint-Maur-des-Fossés, Acte de naissance no 444 d'Alice Saunier avec mention marginale du mariage, sur Archives départementales du Val-de-Marne, (consulté le ), vue 686).
- « Association Culture Guinguette », sur archive.wikiwix.com (consulté le )
- Monte-Carlo, collection particulière.
- Collection Princeton University Art Museum.
- Sa première œuvre, nommée Galanterie française, parut dans Le Canard enchaîné du sous ce pseudonyme de Rajky.
- Marie-Christine Movilliat, Raymond Radiguet, ou la jeunesse contredite, éd. Daniel Bradford / Bibliophane, 2000. Notamment dans L'Intransigeant du et Le Rire du .
- « Radiguet, le Diable au corps », documentaire d’Anaïs Kien dans l'émission La Fabrique de l'histoire sur France Culture, .
- SIC, revue fondée et dirigée par Pierre Albert-Birot, Paris, Jean-Michel Place, 1993, p. 230, p. 250, p. 322, p. 330 et p. 340.
- « Raymond Radiguet : le Diable au corps, sur 13 cahiers d'écolier », sur ActuaLitté.com (consulté le ).
- Raymond Radiguet, Le Diable au corps, Le Bal du comte d'Orgel, Paris, Éditions des Lumières, , 332 p. (ISBN 9782487102057), p. 13
- J. J. Marchand, « Jean Cocteau », La Quinzaine littéraire no 1000, p. 29, éditions Maurice Nadeau, Paris, (ISSN 0048-6493).
- (en) J. Richardson, A Life of Picasso: The Triumphant Years, 1917-1932, p. 251, Alfred A. Knopf, New York, (ISBN 978-0-307-26665-1).
- Pierre Barillet,, Bronia, dernier amour de Raymond Radiguet, La Tour verte,
- M.-Ch. Movillat, « Raymond Radiguet et les femmes », in P. Caizergues & M.-Ch. Movillat, Radiguet 1903-2003 - Colloque du centenaire, université Paul-Valéry-Montpellier, Montpellier, 2005.
- Musée des Beaux-Arts de Rouen.
- Cité par Clémence Camon.
- Emily Barnett, « Raymond Radiguet : retour sur le destin d’une étoile filante de l’histoire de la littérature », Les Inrockuptibles, (lire en ligne).
- Thierry Clermont, « Raymond Radiguet, jeune artilleur de l'esprit », Le Figaro, (lire en ligne).
- Ernest Hemingway, Mort dans l'après-midi, Gallimard, , p. 69.
- « Que reste-t-il de Raymond Radiguet ? : épisode • 4/4 du podcast Raymond Radiguet, trajectoire d'un météore », sur France Culture (consulté le )
- « Le dernier été de Raymond Radiguet à Piquey », sur ville-lege-capferret.fr, (consulté le )
- (BNF 32552840).
- (BNF 32552842).
- (BNF 41676288).
- (BNF 32552849).
- (BNF 33147370).
- (BNF 31170493).
- (BNF 31170494).
- (BNF 33147376).
- (BNF 31170501).
- (BNF 31170495).
Annexes
Bibliographie
- Pierre Barillet, Bronia, dernier amour de Raymond Radiguet, La Tour verte, 2012
- Kilien Stengel (dir.), Les Poètes de la bonne chère : anthologie de poésie gastronomique, éditions de la Table ronde, coll. « Petite Vermillon », 2008 (ISBN 2710330733)
- Julien Cendres en collaboration avec Chloé Radiguet, Raymond Radiguet, un jeune homme sérieux dans les années folles, éditions Mille et Une Nuits / Fayard, 2003
- Clément Borgal, Raymond Radiguet : la nostalgie, Paris, Presses universitaires de France, (ISBN 2-13-043867-9, lire en ligne )
- 1947 : Le Diable au corps de Claude Autant-Lara, avec Gérard Philipe et Micheline Presle
- 1970 : Le Bal du comte d'Orgel par Marc Allégret, avec Jean-Claude Brialy dans le rôle d'Anne d'Orgel
- 1986 : Le Diable au corps de Marco Bellocchio, avec Federico Pitzalis et Maruschka Detmers
Au théâtre
- Présence Radiguet, spectacle théâtral et musical écrit et mis en scène par Régis Moulu, en hommage à l'auteur avec les musiciens des Ateliers d'art coordonnés par Anne-Marie Darras, 2003, Ateliers d'art (commande de la mairie de Saint-Maur pour le centenaire de sa naissance.)
Liens externes
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