Loi des Trois ans

Loi des Trois ans
Loi de Trois ans
Loi Barthou
Description de cette image, également commentée ci-après
Discours de Jean Jaurès au Pré-Saint-Gervais, lors de la manifestation contre la loi des Trois ans (). Photo de Maurice-Louis Branger dans L'Illustration.
Présentation
Titre Loi du modifiant les lois des cadres de l'infanterie, de la cavalerie, de l'artillerie et du génie, en ce qui concerne l'effectif des unités, et fixant les conditions du recrutement de l'armée active et la durée du service dans l'armée active et ses réserves.
Pays France
Adoption et entrée en vigueur
Régime IIIe République
Législature Xe législature ()
Gouvernement Gouvernement Louis Barthou
Adoption
Promulgation
Publication

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assemblee-nationale.fr

La loi des Trois ans ou loi de Trois ans, dite aussi loi Barthou, est une loi française de augmentant la durée du service militaire de deux à trois ans en vue de préparer l'armée française à une guerre éventuelle avec l'Allemagne, laquelle surviendra l'année suivante et deviendra la Première Guerre mondiale.

Contexte

En , le service militaire en France durait deux ans, depuis la loi du , dite loi Berteaux, du nom du député Maurice Berteaux qui en a été le rapporteur au nom de la commission de l'Armée en [1],[2].

Après la crise de Tanger () et celle d'Agadir (), un conflit avec l'Empire allemand est apparu, aux yeux d'une partie de l'opinion publique, de plus en plus inévitable, tandis que la droite nationaliste et une partie de la gauche républicaine revendiquait la Revanche contre le vainqueur de . Néanmoins, toute une partie de la gauche, des radicaux-socialistes à la SFIO, s'y opposait, au nom de l'antimilitarisme et de la négociation diplomatique avec l'Allemagne visant à éloigner le spectre de la guerre. Cette loi fut ainsi l'un des débats majeurs de l'année .

Débats

Le projet de loi visant à porter la durée du service militaire à trois ans avait d'abord vu le jour sous le cabinet Briand. Une fois celui-ci renversé en , il fut repris par son successeur le gouvernement Barthou avec l'appui du président de la République, Raymond Poincaré.

Si les socialistes de la SFIO étaient opposés à cette loi, le sénateur radical Clemenceau, en revanche, la soutenait. Bien qu'éloigné de tout revanchisme, il craignait particulièrement l'éclatement d'une guerre avec l'Allemagne, et ce depuis la crise de Tanger de [3]. Dans son journal L'Homme libre, il ne cesse ainsi d'avertir l'opinion publique du danger provoqué par la menace allemande (« Pour la défense nationale », [4] ; « Vouloir ou mourir », [5] ; « Ni défendus ni gouvernés », [6], etc.).

Le , Poincaré reçoit ainsi Clemenceau à l'Élysée : ce signe était destiné à la Chambre des députés, l'avertissant que si celle-ci renversait le gouvernement, Clemenceau, plutôt que Joseph Caillaux, serait nommé président du Conseil[3]. L'Humanité voit rouge, et publie une caricature se moquant de cette réconciliation entre ces deux adversaires[7].

En effet, Jean Jaurès, député de la SFIO et pacifiste, était résolument contre cette loi et comptait sur l'internationalisme ouvrier pour empêcher l'éclatement d'une guerre, tout en préférant la voie diplomatique et à long terme concernant l'Alsace-Lorraine. Le , la SFIO organise une manifestation contre la loi au Pré-Saint-Gervais, qui réunit de 70 000 (selon L'Homme libre de Clemenceau) à 150 000 personnes (selon L'Humanité)[3], avec des dizaines d'orateurs, dont Jaurès. L'antimilitarisme était alors largement partagé à gauche, entre autres en raison de l'utilisation constante de l'armée française pour réprimer les grèves (Draveil en , Languedoc en , etc.). Jaurès défend ainsi une proposition alternative, visant à mettre en place des milices citoyennes (voir ci-dessous).

Agitation dans les casernes

Lorsque les appelés de la classe apprennent que leur temps de service va, sans délai, être prolongé d'un an, le mécontentement est fort. De Toul à Rodez[11], une vague d'agitation parcourt les casernes françaises entre le et le . Les soldats manifestent, chantent L'Internationale, bousculent les officiers, tentent parfois de quitter collectivement la caserne[12].

Le général Paul Pau, chargé de mener l'enquête, attribue ce mouvement à l'action antimilitariste de la CGT et des anarchistes, qui s'opposent fermement à la loi de trois ans. Il s'ensuit une vague de perquisitions et d'arrestations dans les milieux révolutionnaires, l'emprisonnement d'une vingtaine de responsables de la CGT et un procès début . Certains, comme le linguiste Paul Passy, fondateur de l'Union des socialistes chrétiens, perdent leur poste de professeur en raison de leur participation à la campagne de protestation.

Vote de la loi

Le projet de loi est discuté à la Chambre des députés à partir du . Il est voté le [13], par 358 voix contre 204, avec l'appui de la droite contre les deux-tiers des députés radicaux-socialistes et la SFIO[3]. Le projet est ensuite discuté au Sénat, du au , alors que les Balkans sont à nouveau touchés par la guerre. Avec Paul Doumer comme rapporteur, le Sénat vote massivement le projet[14].

D'autres propositions ont été écartées : certains défendaient un service à 30 mois plutôt que 36[3], voire à 20 mois (proposition de Raoul Briquet[15]) tandis que Jaurès défendait une sorte de théorie des milices, proche de l'exemple suisse [3] : un service de 18 mois, un jour par mois d'exercice pour les jeunes de 17 à 21 ans, deux jours de manœuvre pour les réservistes par trimestre, et, à partir d', un an de service, puis six mois en [3].

Conséquences

L'abrogation de la loi des Trois ans est l'un des thèmes de la campagne des législatives d' – .

Celle-ci avait augmenté le nombre des soldats français de 480 000 à 750 000, alors que l'armée allemande était forte de 850 000 hommes. De nouveaux régiments sont créés, tels que le 49e régiment d'artillerie. L'armement demeure, toutefois, ancien.

Le député catholique conservateur Albert de Mun, ardent défenseur de la loi, entre à la commission du Budget pour y défendre son application, appuyant le projet d'un emprunt de 1 400 millions de francs à cette fin[16].

Références

  1. « Maurice Berteaux », sur Sycomore, base de données des députés de l'Assemblée nationale.
  2. Éric Thiers, « Le rapport parlementaire sur la Loi de deux ans () », Mil neuf cent : Revue d'histoire intellectuelle, no 33,‎ , p. 129–170 (DOI 10.3917/mnc.033.0129, S2CID 163712049, lire en ligne).
  3. a b c d e f et g Michel Winock, Clemenceau, Paris, Perrin, , 568 p. (ISBN 978-2-262-01848-1), p. 400–402.
  4. Georges Clemenceau, « Pour la défense nationale », L'Homme libre, no 17,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  5. Georges Clemenceau, « Vouloir ou mourir », L'Homme libre, no 20,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  6. Georges Clemenceau, « Ni défendus ni gouvernés », L'Homme libre, no 437,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  7. a et b « Embrassons-nous, Folleville », L'Humanité, no 3327,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  8. Henri-Paul Deyvaux-Gassier, « Généraux de la Mi-Carême », L'Humanité, no 3239,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  9. Henri-Paul Deyvaux-Gassier, « Les “troisannistes” s'en vont en guerre », L'Humanité, no 3278,‎ , p. 1 (lire en ligne)
  10. Affiche « Appel à la France » reproduite dans « La question du service de trois ans. — Une affiche de « l'Écho de Paris ». — Les arguments de M. Jaurès. — La réponse de M. de Mun. — Discours de M. de Montebello », La Revue hebdomadaire, vol. 22, t. 4, no 15,‎ , p. 294 (lire en ligne).
  11. « À Rodez, ce fut une véritable mutinerie militaire », Le Matin, no 10679,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  12. «  : Débuts de mutineries dans les casernes », Alternative libertaire, .
  13. Édouard Bonnefous et Georges Bonnefous, Histoire politique de la Troisième République, vol. 1 : L'avant-guerre (), Paris, Presses universitaires de France, , 2e éd., XXVI-458 p. (BNF 37534890), p. 349.
  14. Amaury Lorin (préf. Jean-Pierre Bel), Une ascension en République : Paul Doumer () d'Aurillac à l'Élysée, Paris, Dalloz, coll. « Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle », , XIX-600 p. (ISBN 978-2-247-12604-0), p. 170–173.
  15. « La proposition Briquet », L'Humanité, no 3328,‎ , p. 2 (lire en ligne).
  16. « Albert de Mun », sur Sycomore, base de données des députés de l'Assemblée nationale.

Voir aussi

Bibliographie

Documents d'époque :

  • Le prolétariat contre la guerre et les trois ans (compte-rendu du Congrès extraordinaire de la CGT tenu à Paris,  – ), Paris, Maison des Fédérations, , 105 p. (BNF 33555452, lire en ligne).
  • Jean Jaurès, Jean Jaurès et la défense nationale : Discours sur la loi de 3 ans prononcé à la Chambre des Députés par Jean Jaurès les et , Paris, L'Humanité, , 2e éd., 121 p. (BNF 32281437, lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes