Idées reçues sur l'énergie nucléaire civile
Les idées reçues sur l'énergie nucléaire civile sont les idées reçues répandues au sujet du fonctionnement et des effets de l'énergie nucléaire civile qui peuvent être inexactes ou fausses[1]. Ces idées reçues sont souvent dues à un manque de connaissances, les questions énergétiques étant assimilées à des problèmes complexes. Il faut distinguer les différentes opinions issues du débat sur l'énergie nucléaire des idées reçues qui ne sont pas issues d'une information factuelle sur le sujet.
Les principales idées reçues sur le nucléaire civil développées dans l’article sont les suivantes :
- le nucléaire civil émettrait beaucoup de CO2 ;
- les centrales nucléaires rejetteraient beaucoup de radioactivité dans l’environnement ;
- de nombreux décès seraient imputables au nucléaire civil ;
- le nucléaire civil causerait plus de décès que les autres sources d’énergie ;
- les centrales nucléaires n’auraient une durée de vie que de 40 ans ;
- le démantèlement complet des centrales nucléaires ne serait pas possible ;
- les déchets nucléaires ne seraient pas suffisamment gérés ;
- le coût de l'énergie produite par le nucléaire civil serait particulièrement élevé et tendrait à augmenter dans le futur ;
- les ressources en uranium de la planète ne dépasseraient pas quelques dizaines d’années ;
- le nucléaire civil serait en voie d’abandon dans le monde.
Contexte
L'énergie nucléaire civile fournit 10,1 % de l'électricité mondiale en , la plaçant au troisième rang des méthodes de production d'électricité derrière le thermique à flamme (63,9 %) et l'hydroélectricité (16,2 %)[2][source secondaire nécessaire].
En 2018, le nucléaire a produit 2710,4 TWh d'électricité dans le monde. Sur ce total, 379,5 TWh ont été produits en France, en faisant le pays le plus nucléarisé du monde. 70,6 % de son électricité est d'origine atomique en 2019[2][source secondaire nécessaire]. Du fait de la place du nucléaire dans son mix énergétique, en 2021, 9 % de la production française d'énergie provient d'énergies fossiles, contre 35 % pour l'Espagne, 41 % pour le Royaume-Uni, 44 % pour l'Allemagne, et 60% pour les États-Unis[3], 68 % pour la Chine et 96,5 % en Israël[source secondaire nécessaire].
Enjeux écologiques
Émissions de CO2
Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat du 6 octobre 2018, intitulé « Résumé pour les décideurs », confirme toutefois que le nucléaire est l'une des grandes solutions permettant de limiter le dérèglement climatique, du fait de sa faible émission en gaz à effets de serre[4]. Si elle émet bien du CO2, et contribue ainsi à l'effet de serre, elle en génère comparativement beaucoup moins que la plupart des autres énergies[5]. Le GIEC recommande ainsi l'augmentation de la production d'énergie nucléaire dans ses meilleurs scénarios, couplé avec l'augmentation des renouvelables[6].
D'après plusieurs études du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le nucléaire est l'une des énergies qui émet le moins de gaz à effet de serre sur l'ensemble de son cycle de vie. Dans un rapport de 2014, il chiffre les émissions pour chaque type de production d'électricité à 12 g de CO2 par KWh produit par le nucléaire, contre 11 g pour l'éolien, 48 g pour le solaire, 490 g pour le gaz et 820 g pour le charbon[7].
En 2022, une étude d'EDF, validée par un panel d'experts indépendants, confirme que l'électricité d'origine nucléaire émet moins de CO2 par Kwh que toute autre source d'électricité produite en France, contrairement aux idées reçues exprimées dans les sondages[8].
Émissions d'hexafluorure de soufre
Le nucléaire peut émettre des gaz nocifs pour l'environnement via des fuites d'hexafluorure de soufre, un puissant gaz à effet de serre. Ces fuites observées en France par l'ASN, ne sont pas spécifiques aux centrales nucléaires mais concernent potentiellement toute centrale électrique ou industrie utilisant ce gaz isolant dans le poste d'évacuation d'énergie et les tableaux électriques[9],[10].
Radioactivité dans l'environnement des centrales nucléaires
En 2017, Forbes soulignait que le lobby gazier finançait des campagnes à l'encontre du nucléaire en le dépeignant comme dangereux pour l'environnement du fait de radiations nucléaires[11].
Enjeux sanitaires
Les risques d'accident nucléaire sont pris en compte à la conception, à la construction et à l'exploitation des installations concernées, de plus ces installations sont régulièrement contrôlées par l'autorité de sûreté nucléaire afin d'assurer le respect de la réglementation et de ses évolutions. Ces risques sont aussi mis en avant par les anti-nucléaires et certains mouvements écologiques.
La production d'électricité civile d'origine nucléaire a connu trois accidents majeurs :
- Three Mile Island (1979)
- Tchernobyl (1986)
- Fukushima (2011)
Mortalité liée aux accidents nucléaires
Accident nucléaire de Tchernobyl
L'accident nucléaire de Tchernobyl est la conséquence d'« une combinaison fatale entre des erreurs humaines, de la part des opérateurs de la centrale, et (d')une conception déficiente du réacteur accidenté »[12],[13].
L'OMS estimait en 2005 que « jusqu’à 4.000 personnes au total pourraient à terme décéder des suites d'une radio‑exposition consécutive à l'accident » de Tchernobyl[14]. Le bilan proposé la même année par l'AIEA est de 47 morts directes, et au total 4 000 décès futurs[15].
Ce bilan a toutefois été critiqué par Angelika Claussen, présidente de la section allemande de l'Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW). Elle a déclaré dans Le Monde[15] que « ces chiffres [étaient] sous-estimés et absolument faux ». Cette même association IPPNW rendait public le 6 avril 2006 un autre rapport, intitulé « Conséquences de Tchernobyl sur la santé », qui a été réalisé avec la Société pour la protection contre les rayonnements (GSF). Toutefois, du propre aveu de l'IPPNW, des estimations précises sont « impossibles à obtenir pour des raisons de méthode »[15]. Selon ce rapport IPPNW-GSF : « plus de 10 000 personnes [seraient] atteintes d'un cancer de la thyroïde et 50 000 cas supplémentaires [seraient] attendus à l'avenir » (contre 4 000 cancers de la thyroïde répertoriés par des agences de l'ONU[16]). « En Europe, il y a eu 10 000 malformations chez les nouveau-nés en raison de Tchernobyl et 5 000 décès chez les nourrissons ». Par ailleurs, « plusieurs centaines de milliers de membres des équipes d'intervention [sur le site] sont de nos jours malades des suites des radiations, plusieurs dizaines de milliers sont morts ». « Il est très cynique de reprocher aux personnes en Ukraine, en Biélorussie et en Russie une mentalité de victime et de leur recommander de mieux se nourrir et d'avoir un style de vie plus sain », ajoutait Angelika Claussen en référence aux critiques de la prétendue passivité de la population locale[15].
Accident nucléaire de Fukushima
Selon l'UNSCEAR (2020), l'accident nucléaire de Fukushima n'a provoqué aucun mort [17], confirmant ainsi les rapports précédents[18]. Dix ans après l'accident, les taux de cancer globaux n'ont pas augmenté dans les régions touchées par l'accident de Fukushima, et il est « très peu probable » qu'on n'observe jamais le moindre effet sanitaire, la radioactivité ayant depuis plusieurs années rejoint les niveaux d'exposition naturelle[19]. Ce point de vue est néanmoins à relativiser sachant que quatre ans après la catastrophe, la pêche demeurait interdite dans la préfecture de Fukushima, la pollution radioactive des sédiments marins est très importante (elle atteint par endroits 5 000 becquerels par kilo (Bq/kg))[20]. En 2021, quinze États maintiennent des restrictions sur les importations de produits alimentaires de la région de Fukushima, depuis la catastrophe de 2011[21].
À la date de mars 2013, les seuls décès survenus sont ceux des travailleurs sur le site (7 pour 25 000 travailleur). Aucune mort n'est attribuable à une exposition à des rayons ionisants[22]. Une soixantaine de personnes alitées sont décédées lors de l'évacuation de la zone des 20 km[23]. Une étude publiée en août 2012 indique que le stress consécutif à l'évacuation forcée a été la cause principale de 34 morts, principalement des personnes âgées troublées par la perturbation apportée à leur condition de vie[24].
Pour Malcolm Grimston, chercheur de l'Imperial College, ces constatations sont cohérentes avec ce qui avait été relevé lors de l'accident nucléaire de Three Mile Island et de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl : en dehors des cas bien documentés de cancer de la thyroïde et de la sur-mortalité constatée chez les liquidateurs, plus difficile à analyser, l'effet sur la population n'est pas tellement le risque de cancer, impossible à mettre en évidence, mais bien la perturbation psychologique entraînée par les circonstances de l'accident. Pour lui, « si l'approche à retenir est d'abord de ne pas nuire, il vaudrait peut-être mieux ne pas faire du tout d'évacuation obligatoire, surtout quand des tablettes d'iode sont disponibles »[24].
Une autre source de stress tient à l'absence de préparation à l'éventualité d'un accident nucléaire dans le contexte japonais où prévalait le mythe de la sûreté, la rupture de ce mythe lors de l'accident constitua un bouleversement psychologique et social supplémentaire[25].
En octobre 2015, le gouvernement japonais reconnaît un premier cas de cancer (une leucémie) d’un des ouvriers du chantier comme lié aux radiations. Trois dossiers sont alors encore en cours d'examen, alors que plusieurs autres dossiers ont été écartés. L’ex-ouvrier en question a travaillé d’octobre 2012 à décembre 2013 à la centrale Fukushima Daiichi, après avoir passé plusieurs mois auparavant sur un autre site nucléaire[26]. Finalement, le ministère de la santé, du travail et de la sécurité sociale reconnaît que l’exposition aux radiations est responsable de la maladie de quatre employés de Fukushima[27], et qu’un employé de la centrale nucléaire est mort des suites d’une exposition aux radiations ayant provoqué un cancer du poumon, diagnostiqué en février 2016[27].
En 2019, concernant les travailleurs de la centrale, on dénombre un mort et cinq malades associés aux rayonnements, contre 10 morts n'étant pas associées aux rayonnements et 16 blessés en raison des explosions[28].
Gain de vie
Une étude[29] publiée dans la revue scientifique Environmental Science & Technology et qui émane de sources crédibles et indépendantes de tout lobby nucléaire estime que « l'énergie nucléaire a permis de sauver 1,84 million de vies, de 1971 à 2009 ». De plus, « se basant sur les scénarios de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) sur les années 2010-2050, les scientifiques estiment qu'il y aurait 4,39 millions à 7,04 millions de morts en plus si l'énergie actuellement produite par le nucléaire était compensée par du charbon »[30].
Enjeux technologiques
Démantèlement des centrales en fin de vie
Certaines associations mettent en avant les difficultés de démantèlement des installations nucléaires[31]. Des militants antinucléaires ont pu affirmer que l'on ne sait pas comment démanteler les centrales[32].
En France, le démantèlement des réacteurs de deuxième génération (réacteurs REP) est plus facile à réaliser que celui des réacteurs de première génération (installations de la filière uranium naturel graphite gaz)[32]. Cela tient à plusieurs facteurs comme la disponibilité des techniques, des compétences y compris pour la gestion des déchets, ou encore à une conception des installations plus favorable[33]. Des centrales récentes ont pu être démantelées, aux États-Unis comme en France, sans dépassement de budget[32].
Selon l'IRSN, à partir de l’expérience acquise sur les réacteurs REP déjà déconstruits, le démantèlement complet est possible en une vingtaine d’années. Pour la seule cuve du réacteur et ses internes, les opérations peuvent être réalisées sur une durée qui peut varier de quelques mois à quelques années selon les modalités retenues : gestion monobloc, découpe en grosses pièces ou découpe en petits morceaux[33].
En 2021, neuf réacteurs de quatre technologies différentes sont en cours de déconstruction sur les sites des centrales nucléaires françaises[34] :
- Brennilis (réacteur nucléaire à eau lourde),
- Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Saint-Laurent, A1 et A2 (réacteurs nucléaires à uranium naturel graphite gaz),
- Chooz A (réacteur nucléaire à eau pressurisée),
- Creys-Malville (réacteur nucléaire à neutrons rapides).
Le coût de la déconstruction d’un réacteur à eau pressurisée (REP) est estimé par EDF entre 350 et 400 millions d’euros[34].
Le 29 juin 2020, la centrale nucléaire de Fessenheim a définitivement cessé de fonctionner, c'est le point de départ d’un démantèlement qui est prévu sur une durée de quinze ans et devrait débuter à l’horizon 2025[35].
Depuis l'arrêt des premières centrales les plus anciennes de conception soviétique et la décision confirmée du gouvernement allemand de sortie de l'énergie nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima, les exploitants mettent en œuvre le démantèlement depuis plusieurs années des centrales arrêtées et acquièrent un savoir-faire[36]. Les exploitants choisissent en général le démantèlement immédiat car il présente comme avantages de faire appel au personnel d'exploitation et à certains matériels et systèmes de la centrale.
Certains démantèlements ont connu des retards. Le démantèlement des cinq réacteurs de la centrale nucléaire de Greifswald a coûté quelques centaines de millions d'euros par réacteur donc à plusieurs milliards d’euros pour l'ensemble de la centrale et a déjà duré plusieurs dizaines d'années (6 milliards d'euros depuis 1995 date de début du démantèlement). Ces délais importants sont en partie liés au fait que les réacteurs sont d'ancienne génération (1973), et qu'ils sont de construction soviétique[37]. Au total, 25 réacteurs sont actuellement en démantèlement, 4 sont à l’arrêt. Les 3 derniers doivent s'arrêter fin 2022. Le groupe Eon a provisionné en 2009 12,2 milliards d’euros pour le traitement de son parc nucléaire. RWE a prévu 9,5 milliards et EnBW 4,7 milliards. Si cela ne suffit pas les finances publiques seront mises à contribution[38],[39].
Hors service depuis l'accident, la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi devra être démantelée pendant une durée initialement évaluée à quarante ans, une durée élevée due à la dégradation du site après l'accident[40].
Gestion des déchets radioactifs
L'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, pose la question de l’avenir de la filière du retraitement du combustible usagé des centrales nucleaires françaises. L'installation de conversion, seule usine au monde capable de « recycler » l’uranium déchargé des réacteurs nucléaires français, est située à Seversk, dans la région de Tomsk, en Sibérie, qui appartient au groupe russe Rosatom. Orano a continué à en envoyer de l'uranium usagé jusqu’en octobre 2022. Les stocks s’accumulent en France, pour environ 33 000 tonnes. En l'absence de retraitement, l’uranium issu des combustibles usé devrait être considéré comme un déchet supplémentaire à gérer[41],[42],[43].
Enjeux économiques
Vue générale
Les sorties du nucléaire en Europe ont fait augmenter les prix de l'énergie dans les pays concernés[44]. L'énergie nucléaire est parfois vue comme coûteuse car elle nécessite des investissements de départ importants, notamment en infrastructures ; l'énergie nucléaire est à ce titre une énergie de pays riches[44].
Coût du nucléaire en France
En , RTE a publié un rapport sur la trajectoire à adopter pour atteindre une électricité 100 % décarbonée en 2050. Le rapport prévoit que la consommation électrique de la France en 2050 sera entre 555 TWh/an (trajectoire de sobriété) et 755 TWh/an (ré-industrialisation profonde), le chiffre moyen est de 645 TWh/an. Pour atteindre cette production 6 mix électriques sont proposés dont 3 d'entre eux contiennent du nucléaire avec entre 26 et 50 % du mix. Or, d'après RTE, plus un mix contient du nucléaire et moins il est cher[45] :
- Le mix N03 avec 50 % de nucléaire et 50 % d'énergies renouvelables coûte 59 milliards d'euros par an,
- Le scénario M23 avec 0 % de nucléaire et 100 % d'énergie renouvelable coûte 71 milliards d'euros par an.
Ainsi, le scénario 100 % M23 coûte 12 milliards de plus que le scénario N03[46] alors qu'il s'agit du scénario 100 % énergies renouvelables le moins cher de tous. Le scénario 100 % énergies renouvelables M1 coûte même 21 milliards d'euros de plus par an que le scénario M23[45].
Les scénarios prennent en compte la baisse probable du coût de l'énergie renouvelable, ainsi que le coût de la gestion des déchets nucléaires et du démantèlement des centrales nucléaires. L'organisme conclut ainsi que « construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique »[47].
L'économiste John Quiggin souligne que plusieurs centrales nucléaires ont fait l'objet de retards dans leur construction, alourdissant leur coût total[48].
Coût du nucléaire en Amérique du Nord
Aux États-Unis, l'énergie éolienne terrestre et l'énergie solaire sont les sources d'électricité les moins chères[49]. Aux États-Unis, nombre de centrales peinent à être compétitives[50].
Une étude du Ontario Energy Board au Canada en 2016 conclut que si l'énergie nucléaire demande des investissements importants à l'origine, en faisant une énergie disponible seulement pour les pays les plus avancés, le coût de l'énergie produite une fois les infrastructures construites est particulièrement faible[51].
Coût du nucléaire en Australie
Le CSIRO, organisme gouvernemental de la recherche scientifique australien, projette que les coûts en capital du nucléaire, même avec des modèles de petits réacteurs modulaires (ou SMR), serait supérieur à l'horizon 2030 et 2050 à ceux des énergies renouvelables[52].
Enjeux énergétiques
Statut d'énergie fossile
Certains associent l'énergie nucléaire à une énergie fossile[53].
Le nucléaire n'est pas une énergie renouvelable car l'uranium utilisé pour produire l'énergie n'est pas illimité et ne se renouvelle pas. Le nucléaire n'est cependant pas non plus une énergie fossile. En effet, le terme d'« énergie fossile » se rapporte à une forme particulière d'énergie chimique, produite à partir de combustibles riches en carbone et issus de la lente décomposition de matières organiques comme le charbon, le gaz et le pétrole[53].
Finitude des ressources en uranium
Des interrogations existent quant aux réserves disponibles d'uranium. La menace de la fin du stock d'uranium était déjà mobilisée dans les années 1970[54], et prévu pour les années 1980 ou 1990[55]. En 2007, l'ONG Energy Watch Group estimait qu'un pic d'uranium serait atteint au plus tard en 2025[56]. En 2008, Isabelle Chevalley, présidente du parti Écologie libérale suisse, annonçait que le manque d'uranium « limitera ainsi peu à peu l'utilisation d'une partie des centrales nucléaires », et ce dès 2015, ce qui provoquera un abandon du nucléaire dans les années qui suivent[57].
Comme toute ressource naturelle non renouvelable, les réserves énergétiques de la planète sont en effet limitées. Au rythme de consommation actuel, le pétrole va arriver à épuisement d'ici à 54 ans, le gaz d'ici à 63 ans et le charbon d'ici à 112 ans. Une étude d'EDF en 2015 montre toutefois que les réserves identifiées d'uranium permettent d'envisager un épuisement d'ici à 100 ans environ, à technologie constante[58]. Les estimations les plus larges, celles de la Nuclear Energy Agency américaine, vont jusqu'à 200 ans à utilisation constante (à partir de la consommation de 2009)[59].
Les réacteurs de quatrième génération permettraient peut-être[60] d'utiliser l'isotope 238 de l'uranium en le transformant en plutonium 239[61].
Les réacteurs de quatrième génération seraient capables d’utiliser directement l’uranium naturel ou appauvri et de produire 50 à 100 fois plus d’électricité avec la même quantité de minerai que les réacteurs nucléaires actuels.
Étant donné la quantité de limité d'uranium à haute teneur dans le monde, une échéance de 2040 à 2050 est évoquée pour cette nouvelle génération afin d'éviter une pénurie sur le marché de l'uranium[61].
Enjeux politiques
Les années 1950 sont marquées par un volontarisme lié à l'énergie nucléaire, avec la signature en 1957 du traité Euratom qui ambitionnait de bâtir une industrie nucléaire européenne. Les chocs pétroliers incitent les Etats riches à développer un programme nucléaire, avec le plan Messmer (1974) et le plan Carter (1976). En 1985, 42 réacteurs nucléaires sont mis en service.
Nucléaire civil en voie d'abandon ?
En 2020, selon l’Agence Internationale de l’Energie, environ 200 réacteurs seront arrêtés dans les deux prochaines décennies. Et dans le même temps, seuls 53 nouveaux réacteurs seront construits. Ce qui pose la question du futur de l'énergie nucléaire dans le monde[62].
Impacts de l'accident nucléaire de Tchernobyl
L'accident nucléaire de Tchernobyl et le contre-choc pétrolier causent une remise en question le développement du nucléaire civil[63]. Un moratoire est mis en place en Belgique et en Suède, et un renoncement en Italie et en Allemagne[44].
Impacts de l'accident nucléaire de Fukushima
L'accident de Fukushima a relancé le débat en Europe au début des années 2010, avec une opposition entre les pays favorables et les pays partisans du statu quo ou opposés. L'adhésion ou le rejet au nucléaire civil a également changé selon les alternances politiques[63]. Durant l'année 2011 sept nouveaux réacteurs démarrèrent tandis que dix-neuf ont été arrêtés[64].
Cas de Fessenheim
En France, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim a été décidée pour certains « pour des raisons qui ne tiennent pas à la sûreté »[65], pour d'autres « cette décision s’inscrit dans le cadre du projet du gouvernement de réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans la production d’électricité du pays d’ici à 2035 »[66]. La fermeture effective est l'aboutissement des positions politiques figurant dans un accord électoral entre le PS et EELV de 2011[67],[68]. Dans le débat de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle française de 2012, François Hollande déclare à propos de la fermeture de la centrale « Mais pourquoi Fessenheim ?” (…) C’est la plus vieille de France. Elle se trouve, en plus, sur une zone sismique, à côté du canal d’Alsace. ». En 2016, la ministre de l’environnement allemande estime que Fessenheim est « trop vieille » et « devrait être fermée le plus vite possible. « Mais, pour l’ASN, « il n’y a pas de raison de fermer » la centrale pour le moment. « Après, il y a des décisions de politique énergétique qui relèvent du gouvernement et qui peuvent conduire à des choix différents » »[69].
Croissance et décroissance du nucléaire civil
La production mondiale d'énergie nucléaire, en valeur absolue, n'a pas connu une croissance linéaire. Après une décennie d'augmentation, elle a chuté au niveau mondial après l'accident de Fukushima. Cela est la conséquence de la fermeture combinée de nombreux réacteurs au Japon et de l’accélération de la sortie du nucléaire de l'Allemagne. La production est passée de 2 629 TWh en 2010 à 2 346 TWh l'année suivante. Cette tendance s'est toutefois inversée après 2013, la production atteignant un pic historique en 2019 avec 2 657 TWh d'électricité d'origine atomique[70]. Les projets d'accroissement des capacités nucléaires sont ainsi en 2021en augmentation[44].
En 2020, ce sont 52 réacteurs qui sont en construction pour un puissance cumulée de 54,4 GW[71]. Afin de réduire ses émissions de CO2, la Chine a lancé un projet de construction d'un parc nucléaire de 200 GW d'ici à 2035[72] ; la France, en comparaison, possède 63 GW de nucléaire en 2018[73]. La Finlande cherche à faire augmenter la part du nucléaire de 30 % à 50 % à partir de 2021[74].
Le nucléaire est ainsi, en valeur absolue d'énergie générée, en croissance depuis la fin des années 2010. Au niveau mondial, l'AIEA estime que d'ici 2050 la capacité installée de nucléaire devrait être entre 392 GW dans son scénario « bas » (contre 393 GW en 2021) et 792 GW dans son scénario « haut »[75].
Énergie nucléaire et arme nucléaire
Le nucléaire civil (la génération d'énergie par le nucléaire) fait parfois l'objet de confusions avec le nucléaire militaire[76]. La proximité langagière entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire a entraîné une confusion entre les deux[77].
Le physicien australien Ian Lowe voit ainsi un lien entre la production d'énergie nucléaire et l'arme atomique, car « plus les gens utilisent la technologie nucléaire, plus le risque que le matériau fissile soit utilisé pour faire des armes est élevé »[78].
Notes et références
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Voir aussi
Articles connexes
- Centrale nucléaire
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