Rue du Faubourg-Saint-Martin
La rue du Faubourg-Saint-Martin traverse le 10e arrondissement de Paris du sud au nord, reliant la porte Saint-Martin au boulevard de la Villette près de la rotonde de la Villette.
Situation et accès
Ce site est desservi par les stations de métro Strasbourg - Saint-Denis, Château d'Eau, Gare de l'Est, Château-Landon, Louis Blanc et Stalingrad.
Origine du nom
La rue du Faubourg-Saint-Martin doit son nom au fait qu'elle traversait le hameau situé à l'extérieur de la porte Saint-Martin du mur d'enceinte qui desservait l'abbaye Saint-Martin-des-Champs et qu'elle est tracée dans le prolongement de la rue Saint-Martin. Le faubourg est primitivement un quartier « fors le bourg » (de l'ancien français « fors », issu du latin foris, « en dehors » et de borc, « bourg », forsborc vers 1200, forbours vers 1260[1]).
Historique
Le tracé de cette rue est celui de la voie romaine qui partait de Lutèce en allant vers le nord en passant les actuelles rues du Château-Landon, Philippe-de-Girard, de la Chapelle, pour arriver à Saint-Denis.
Elle est citée sous le nom de « Grand rue du faulxbourg Saint Martin » et de « rue du faulxbourg Saint Laurens » dans un manuscrit de 1636.
Elle porta le nom de rue du « Faubourg Saint-Martin », entre le boulevard Saint-Denis et la rue du Château-d'Eau, du fait de sa proximité de la porte et « rue du Faubourg Saint-Laurent » au-delà c'est-à-dire de l'église Saint-Laurent à la barrière Saint-Laurent.
Ces deux parties ont été réunies sous le nom actuel pendant la Révolution, en portant momentanément le nom de « Faubourg du Nord ».
Une décision ministérielle du 28 messidor an V (), signée Pierre Bénézech, confirmée par une ordonnance royale du , a fixé la moindre largeur de cette voie publique à 18 mètres et la plus grande à 36 mètres.
À la suite d’une souscription lancée par des propriétaires du quartier, 30 fontaines, une centaine de candélabres et des urinoirs ont été installés, en 1849, tout le long de la rue. Faute d’entretien, les édicules disparurent vers 1900. Une fontaine a été conservée dans le jardin Villemin - Mahsa Jîna Amini, et deux autres, place Sainte-Croix à Orléans[2].
-
Fontaine au cygne (photo de Charles Marville, 1875).
-
Urinoir (photo de Charles Marville, 1875).
-
Crédit image:licence CC BY-SA 3.0 🛈
La rue du Faubourg-Saint-Martin (2011) en direction de la porte Saint-Martin. -
Crédit image:licence CC BY-SA 3.0 🛈
La rue vue en arrière-plan de la porte Saint-Martin.
Bâtiments remarquables et lieux de mémoire
- Au début de la rue, avant les nos 1-2, porte Saint-Martin :
- no 10 : Le restaurant Distrito Francés Saint Martin, où le vidéaste Jhon Rachid a tourné en une interview parodique de Pablo Escobar en compagnie de Kemar (second rôle) et Fianso (figurant) notamment.
- no 11 :
- Le café Le Batifol[3], près de la porte Saint-Martin, était le rendez-vous des artistes et chanteurs dans les années 1950. Par la suite, dans les années 1960, un club d’échecs et une salle de billard se trouvèrent au 1er étage.
- Le compositeur Vincent Scotto y a vécu et y est mort en 1952 ;
- entrée de service du théâtre Comédia, anciennement l'Eldorado. L'entrée principale est située boulevard de Strasbourg[4].
- No 48 : Mistinguett et Maurice Chevalier se produisirent au théâtre Le Splendid, qui fut transformé en salle de cinéma, puis à nouveau en salle de spectacle dans les années 1980, avec la troupe du Splendid et les Bronzés[5].
- No 61 : à cette adresse était l’armurerie « La fine lame » dans laquelle Herschel Grynszpan a acheté le pistolet qu’il utilisa, le 7 novembre 1938, pour tuer le diplomate allemand Ernst vom Rath[6].
- No 62 : passage du Marché ouvert en 1858, propriété privée accessible au public.
- No 64 : lieu de naissance de Josée Laval (1911-1992)[7].
- No 65 : emplacement de 1722 à 1787 de la barrière d'octroi appelée « Fausse-Porte Saint Martin ». Elle était placée à l'endroit où la rue franchissait le Grand Égout.
- No 67 : en 1784 est créé le premier grand magasin de Paris, Au Tapis Rouge [1].
- 1784 : Au Tapis Rouge ouvre ses portes et présente un assortiment unique de marchandises venues des quatre coins de l'Europe, et avec lui commence l'ère des grands magasins qui feront la gloire de Paris.
- 1870 : situé au cœur d'un quartier vivant et central, Au Tapis Rouge n'échappe cependant pas aux tourmentes de l'Histoire durant la Commune : ses rayons seront la proie des flammes le , pendant la Semaine sanglante. Mais quatre mois à peine après l'incendie, de nouveaux locaux sont présentés au public lors d'une inauguration en grande pompe le .
- 1910 : coup de théâtre, l'activité du grand magasin change, il se nomme dorénavant « Compagnie générale de l’ameublement », mais le nom de Au Tapis Rouge demeure.
- 1914 : un certain monsieur Congy exploite là un hôtel de la Renaissance, il n'est plus question du Tapis Rouge.
- 1944 : les jouets Bern s'installent au Tapis Rouge.
- 1975 : transformation du Tapis Rouge en une usine de fabrication de mailles, La Chaumière aux Tricots.
- 1985 : travaux de rénovation et de transformation en centre de congrès.
- 1989 : fin des travaux. Réouverture sous le nom d'Espace Tapis Rouge, en mémoire de son passé.
- Actuellement[Quand ?], le bâtiment est occupé par une salle de congrès et d'évènementiels d'entreprise.
- Nos 72 au 78 : mairie du Xe arrondissement située sur l'emplacement de l'ancienne caserne Saint-Martin occupée, en 1821, par les 1re et 2e compagnies de la gendarmerie royale de la ville de Paris.
- Nos 78 et 80 : aboutissement de la rue Hittorf, ouverte vers 1890/1893 à l'emplacement de l'ancienne « cité Grange ».
- Nos 80 et 82 : maisons (XVIIIe siècle[8],[9] ), celle du no 82 avec une niche dans laquelle est placée une statue[10] figurant une Vierge à l'Enfant.
- Nos 85 au 87 : ancien magasin de meubles Lévitan.
- Le bâtiment était à l’origine un magasin de tissus. L’inscription d’origine : « Aux Classes Laborieuses » est encore visible sur la façade.
- Il devient ensuite le « magasin Lévitan », commerce de meubles.
- Celui-ci sert de camp d'internement en tant qu'annexe du Camp de Drancy durant la Seconde Guerre mondiale. Des biens spoliés aux Juifs y sont entreposés.
- Après la guerre, l’immeuble est reconverti en parking, puis en immeuble de bureaux pour l'agence BETC.
- No 95 : domicile, vers 1848, du graveur Eugène Leguay (né en 1822)[12]. Louise Clarac, deutéragoniste de l'affaire Cremet, y habite lors des faits[13].
- No 99 : ancien débouché de la « cour du Commerce » (avant 1877), ensuite nommée « cour des Vinaigriers » (supprimée)[10].
- No 119 : église et square Saint-Laurent.
- No 129 : siège d'Odysséa.
- Nos 146-154 : couvent des Récollets.
- No 158 : emplacement de la Société des Pneus Larue en 1895.
- No 162 : emplacement de la maison et lieu de décès de Pierre-Alexandre Monsigny (1729-1817).
- No 165 : emplacement de l'hospice du Saint-Nom-de-Jésus fondé par Vincent de Paul en 1653.
- Nos 129-175 : gare de Paris-Est dont elle longe partiellement le côté est. L’extension de la gare, entre 1925 et 1931, a entraîné la destruction des immeubles qui longeaient la rue dans cette partie[14].
- No 206 : emplacement de la maison natale du photographe galeriste Eugène Druet (1867-1916).
- No 234 : ancienne fabrique de corsets Claverie, fondée en 1860 par Auguste Claverie. La boutique, de style Art Déco (classée monument historique depuis le ), fut fréquentée par Arletty, Joséphine Baker et Mistinguett.
- no 236 : ancien domicile de Louis Rimbault (1877-1949), membre de la bande à Bonnot ;
- No 247 : ancienne fabrique de chocolats et, depuis 2003, siège du parti Europe Écologie Les Verts, dit « La Chocolaterie[15] ».
Une annexe du camp de Drancy
Pendant l’occupation nazie, l’immeuble du magasin Lévitan, situé aux nos 85-87, a été réquisitionné par la Dienststelle Westen ; le propriétaire du magasin, Wolf Lévitan (1885-1965), était juif. À l’été 1943, le magasin Lévitan est devenu le Lager-Ost (camp est), annexe parisienne de Drancy. Cent vingt internés du camp de Drancy y ont été transférés le [Note 1],[16].
La journée, les détenus juifs travaillaient dans les étages au tri des objets qui arrivaient quotidiennement, et en grand nombre, en provenance des appartements des familles juives déportées. Les détenus vidaient les caisses, nettoyaient leur contenu et rangeaient méthodiquement l’ensemble du butin. Certains ont vu passer les biens de leurs familles ou de leurs proches. Le soir, ils dormaient et mangeaient au dernier étage. Parfois, ils étaient autorisés à se rendre sur la terrasse, seule possibilité pour eux de prendre l’air et de voir la lumière.
Le , les juifs qui n’avaient pas encore été déportés ont été évacués en autobus pour Drancy. Certains détenus se sont évadés durant le transport. Les autres furent finalement libérés le .
Après la Seconde Guerre mondiale, une plaque est apposée sur la façade : « De juillet 1943 à août 1944 cet immeuble, alors magasin Lévitan, a servi d'annexe au camp de Drancy. Ici les prisonniers étaient contraints de trier les meubles et les objets méthodiquement volés par les nazis dans les appartements des juifs. N’oublions jamais. »
-
Crédit image:licence CC BY-SA 3.0 🛈
Mairie du 10e arrondissement. -
Crédit image:licence CC BY-SA 3.0 🛈
Le Splendid en 2014. -
Nos 85-87, rue du Faubourg-Saint-Martin : ancien magasin Lévitan.
Annexes
Bibliographie
- Jean-Marc Dreyfus et Sarah Gensburger, Des camps dans Paris : Austerlitz, Lévitan, Bassano, -, Fayard.
- Philippe Verheyde, Au bonheur des meubles. Galeries Barbès, Bleustein & Lévitan (1880-1980), éditions de la Sorbonne, 2023.
Articles connexes
Notes et références
Notes
- Le camp faisait partie d'un réseau de camps d'internement annexe à celui de Drancy. Les lieux servirent à la Dienststelle Westen de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) d'entrepôt pour les objets d'ameublement saisis dans le cadre de l’Aktion M (Aktion Möbel, en français « opération » ou « action meubles ») dans les appartements abandonnés de Juifs déportés, expatriés ou entrés en clandestinité. Des prisonniers étaient réquisitionnés pour, note le conservateur de la BNF Olivier Jacquot, « trier, classer, réparer et emballer les objets pillés dans les appartements des juifs déportés ». Les meubles étaient ensuite donnés aux victimes allemandes des bombardements. À Paris, les principaux camps furent : le camp d'Austerlitz, 43 quai de la Gare, le camp Lévitan, situé 85-87 rue du Faubourg-Saint-Martin, le camp Bassano, situé 2 rue de Bassano, le palais de Tokyo, le musée du Louvre, le 60 rue Claude-Bernard. Un dépôt se trouvait aussi à Aubervilliers.
Références
- Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, 3 vol., 3e édition, Le Robert, 2006.
- « Les Fontaines de la rue du Faubourg-St-Martin ».
- [PDF] « Le Batifol », www.ledilettante.com.
- « Faubourg Saint-Martin, cinéma Eldorado », www.v2asp.paris.fr.
- « Le Splendid », www.evene.fr.
- « 1938 : les débuts de la Nuit de Cristal dans le 10e »
- Documentaire, Les carnets de Josée Laval, 2018, version longue TV, 4 min 13 s.
- « 80 rue du Faubourg-Saint-Martin » sur le site bercail.com.
- « 82 rue du Faubourg-Saint-Martin » sur le site bercail.com.
- Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, t. 1, éd. de Minuit, Paris, 1963, pp. 511-514.
- Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivants, exposés au Musée national du Louvre le 15 mars 1848, Vinchon, imprimeur à Paris, 1848.
- Bruno Fuligni (dir.), Dans les archives inédites des services secrets, Paris, Folio, (ISBN 978-2070448371)
- Michaël Darin, Paris d'un siècle à l'autre: 100 ans de transformations ordinaires maisons, immeubles, hôtels particuliers, Parigramme, (ISBN 978-2-37395-175-2).
- Geoffroy clavel, « EELV vend La Chocolaterie, son siège parisien depuis 2003 », Huffington Post, (consulté le ).
- Olivier Jacquot, « La BnF à l'emplacement d'un ancien camp nazi ? », sur bnf.fr, (consulté le ).