Charles de Vernie

Charles Auguste Thaddeus de Vernie est un poète français né à Paris le 22 juin 1892 et mort à Paris le 2 octobre 1916.

Admirateur de Georg Trakl, son œuvre, très courte (il meurt à l'âge de 24 ans) est un formidable exemple de l'expressionnisme français. Jamais publié, ses poésies sont découvertes peu à peu. On en connait aujourd'hui une dizaine dont La mort du Sylphe qui reste de loin la plus représentative de ses créations. Pacifiste, il refuse de participer à la Grande Guerre et se cache jusqu'en 1916 où, dans la nuit du 1er au 2 octobre, il est sauvagement assassiné sur dénonciation par un groupe de fanatiques. Son corps, jeté dans la Seine, ne sera jamais retrouvé.

La Mort du Sylphe

Dès à présent je vois l’aube qui s’élève.
Dispersant ses doux rayons sur ma peau grise,
La couvrant d’une sereine chaleur maternelle.
Voyez ! Un sourire s’esquisse.
C’est là la fin;
C’est là le bonheur.
J’exulte.
Merci, Dieu, de ne pas m’avoir laissé le choix.
Désormais je vis,
Je pleure;
La joie chasse la terreur,
La brume se dissipe,
Les abîmes se font moins clairs.
Voilà ! Je respire !
Et ce doux courant chaud qui envahit mon cou, suivant ses contours;
Cela est si doux.
C’est à peine si je tiens debout.
Chancelant, luttant malgré tout,
Non, c’est trop beau !
Voici mon âme qui s’élève.
Et voici la Lumière,
Flavescente,
Insoutenable.
Mes yeux se ferment.
Ce doux flux chaud, en ma poitrine,
Je le connais.
Aveugle et muet,
Me voilà Être parfait.
Ce transport je le connais.
Je ne touche plus terre, uni à l’air.
La voici donc la Vérité,
Je suis mort de n’avoir su aimer;
A nouveau.
Mon cœur durcit s’était depuis longtemps fait le tombeau
De ce transport que maintenant je reconnais;
C’était le nôtre.

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