Chantal Akerman

Chantal Akerman
Crédit image:
Mario De Munck
licence CC BY-SA 4.0 🛈
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Chantal Anne Akerman
Nationalités
Formation
Activités
Période d'activité
Conjoint
Autres informations
A travaillé pour
Représentée par
Marian Goodman Gallery ()
Distinction
Films notables
Archives conservées par
Œuvres principales

Chantal Akerman[1] est une cinéaste belge et française, née le à Etterbeek en Belgique et morte le dans le 20e arrondissement de Paris.

Considérée comme une des figures de proue du cinéma moderne, elle a eu une influence importante notamment pour Gus Van Sant, Todd Haynes et Michael Haneke.

Biographie

Famille et débuts

Née le à Etterbeek[2], Chantal Anne Akerman est issue d'une famille juive polonaise. Ses grands-parents maternels ainsi que sa mère, Natalia, ont été déportés à Auschwitz, et seule sa mère, Natalia, en est revenue[3]. Son père est Jacques Akerman et sa sœur, Sylviane Akerman, entretiendra sa mémoire[4].

Dans ses films, elle traite des relations mère-fille, de la vie des femmes, de leurs rapports, de la sexualité, de l'homosexualité et de l'identité féminines[3]. Selon Jean-Michel Frodon, sa relation au judaïsme traverse toute sa filmographie[5]. C'est pourtant à partir du film Histoires d'Amérique (1989) qu’émerge la conscience juive de la cinéaste, à travers des témoignages de Juifs ashkénazes d'Europe de l'Est émigrés aux États-Unis[3].

C'est Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard (1965) qui provoque sa vocation. Formellement, Michael Snow est sa deuxième profonde influence[6],[7]. Elle déclare le au centre Pompidou : « Godard m'a donné de l'énergie et les formalistes m'ont libérée. »

Le cinéaste André Delvaux la soutient dès son premier court métrage, Saute ma ville en 1968, un film pré-punk, anarchiste, dans l’air subversif du temps[8], où Akerman exprime de manière explosive son besoin vital de libération[réf. souhaitée].

New York

Après un court passage à l'Institut national supérieur des arts du spectacle en 1967-1968[1], dont elle claque la porte après trois mois[9], elle réalise en 1971 un moyen métrage resté inachevé, L'Enfant aimé ou Je joue à être une femme mariée, que la cinéaste estime raté parce que pas assez construit, précis, dirigé.

Akerman part ensuite avec Samy Szlingerbaum à New York où elle fréquente assidûment une cinémathèque dédiée au patrimoine cinématographique indépendant, l'Anthology Film Archives. Elle y découvre le cinéma expérimental américain (Michael Snow, Andy Warhol, Jonas Mekas, etc.) et rencontre Babette Mangolte, qui devient la photographe de ses films.

Vivant de petits boulots, elle parvient néanmoins à tourner plusieurs films. En 1972, La Chambre, un court métrage à base de lent panoramique horizontal balaie l'espace à 360 degrés plusieurs fois, et Hôtel Monterey, de 63 minutes, une suite de plans fixes précisément cadrés et de lents travellings dans les couloirs, puis la caméra sort de l'immeuble par le toit où un panoramique balaie l'horizon urbain. Enfin, en 1973, Hanging Out Yonkers, son premier essai de documentaire (sur des jeunes à problèmes fréquentant un centre social), resté inachevé et dont les rushes sont parfois projetés en cinémathèque ou lors de rétrospectives[réf. nécessaire].

Chantal Akerman vit ensuite à Paris. Elle retourne à New York en 1976, après sa reconnaissance internationale, pour réaliser News from Home (89 minutes)[3], une lecture des lettres inquiètes et plaintives que lui envoyait sa maman pendant son séjour, accompagnée par des plans monumentaux (façades, rues, métro) de la mégapole. Le film se clôt par un très long travelling arrière, la caméra posée sur un bateau s'éloignant des tours jumelles du World Trade Center. La cinéaste reviendra dans cette ville pour tourner Histoires d'Amérique en 1988[3] et Un divan à New York en 1996[3].

Jeanne Dielman et la reconnaissance internationale

Crédit image:
licence CC BY-SA 4.0 🛈
Chantal Akerman en octobre 2011 au FIFF de Namur pour la présentation de son film La Folie Almayer.

Dans le Nouvel Observateur en 1989, Chantal Akerman explique : « Je me retournais dans mon lit, inquiète. Et brusquement, en une seule minute, j'ai tout vu Jeanne Dielman[10]… »

Parmi les films de sa longue carrière, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975) est considéré comme son chef-d'œuvre, selon Kaganski[11] et reconnu en 2022 comme le meilleur film de tous les temps par la revue Sight and Sound du British Film Institute[12]. Il s'agit d'une description méticuleuse, en illusion de temps réel (proche de l'hyperréalisme) de l'aliénation, avec l'actrice Delphine Seyrig. D'une durée de plus de trois heures, le film condense trois jours de la vie de l'héroïne dans l'intimité quotidienne de son foyer modeste, où l'on suit chronologiquement presque chaque fait et geste, avec une succession presque « hypnotique » de longs plans fixes[12]. « C'est un film sur l'espace et le temps et sur la façon d'organiser sa vie pour n'avoir aucun temps libre, pour ne pas se laisser submerger par l'angoisse et l'obsession de la mort[13]. ».

Viennent ensuite parmi ses films les plus importants Les Rendez-vous d'Anna (1978) avec Aurore Clément, un très autobiographique road movie en train (d'Allemagne à Paris en passant par Louvain et Bruxelles) ; la comédie musicale Golden Eighties (1986) (une variation à la Jacques Demy de ses thèmes habituels avec Seyrig et Lio) ; sa tentative de comédie romantique américaine à la Ernst Lubitsch (ou à la Woody Allen) Un divan à New York (1996, avec William Hurt et Juliette Binoche), et La Captive (2000, avec Sylvie Testud et Stanislas Merhar), son adaptation, écrite avec Eric de Kuyper, de La Prisonnière de Marcel Proust, influencée par Vertigo d'Alfred Hitchcock[14] et les mélodrames morbides d'Evgueni Bauer.

En 2006, Chantal Akerman détourne une commande (un documentaire sur Israël) pour revenir à un travail plus personnel, son plus intime depuis les années 1970 (voix off autobiographique accompagnant des plans fixes hyperréalistes tournés en vidéo), tourné à Tel-Aviv et monté à Paris, sur l'exil, l'exil des autres, l'exil de soi-même, le repli sur soi, le déséquilibre mental, le temps, l'espace et les tâches ménagères qui deviennent des « actes héroïques de la vie quotidienne ». La conclusion de ce film, intitulé Là-bas[3], est : « Le paradis n'existe pas. »

Vie privée

Les sœurs franco-américaines Sonia Wieder-Atherton, violoncelliste, et Claire Atherton, monteuse, furent des amies et collaboratrices de Chantal Akerman. Sonia Wieder-Atherton fut sa compagne[15] et confidente de travail et de vie durant des années et en tira des expériences artistiques[16].

Mort

Crédit image:
licence CC BY-SA 4.0 🛈
Tombe de Chantal Akerman au cimetière du Père-Lachaise (division 49).

Souffrant de troubles bipolaires[17] et profondément affectée par la mort de sa mère, Natalia (1927-2014), un an et demi plus tôt, elle décide de mettre fin à ses jours[18] à l'âge de 65 ans, le , dans le 20e arrondissement de Paris[19],[20],[3].

Elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise (49e division).

Activités

Documentaire

La cinéaste a réalisé des documentaires (Un jour Pina a demandé..., 1983 ; D'Est, 1993 ; Sud, 1998 ; De l'autre côté, 2002) qui se distinguent par une recherche plastique et formelle[réf. nécessaire] et une attentive écoute humaniste[réf. nécessaire] (« Je suis comme une éponge qui écoute d'une manière flottante. »)

Art contemporain

Chantal Akerman a présenté une installation filmique intitulée Woman Sitting after Killing à la Biennale de Venise de 2001, From the Other Side à Documenta 11 (2002), et Now en 2015 à la Biennale de Venise.

À travers sa démarche artistique, Chantal Akerman mêle étroitement création filmique et installation vidéo. En 1995, elle réalise ainsi l'installation D'Est, au bord de la fiction à partir des images tournées pour le film documentaire D'Est (1993), œuvre qui prend pour thème la vie dans les rues d'Europe centrale et d'Europe de l'Est juste après la chute du mur de Berlin[21]. En 2015, Chantal Akerman présente Now à la biennale de Venise, installation en cinq écrans, où défilent à vive allure des paysages désertiques filmés en travelling.

Enseignement

Chantal Akerman a été professeure à l'European Graduate School de Saas-Fee (Suisse) où elle dirigeait un atelier de cinéma pendant l'été.

Elle a enseigné à l'université de la ville de New York[22] (City University of New York : CUNY).

Hommages

  • En 2016, l'UFR arts, philosophie, esthétique de l'université Paris VIII lui consacre une journée d'études : Chantal Akerman, retours sur l’œuvre[23]
  • En 2020, est inauguré un nouveau quartier à Bruxelles sur l’ancien site industriel Tour et Taxis. À cette occasion, 28 nouvelles voies sont créées et vont être dénommées, à partir des 1 397 propositions faites par des Bruxellois et l'une d'elle est la rue Chantal Akerman[24].
  • À Paris, l'allée Chantal-Akerman est créée par vote en dans le 20e arrondissement de la capitale française[25],[26].

Publications

Installations

Chantal Akerman est l'autrice de nombreuses installations artistiques.

  • D'Est au bord de la fiction, 1995
  • Vingt-cinquième écran, 1995
  • Autobiography/Selfportrait in Progress, 1998
  • Woman Sitting after Killing, 2001
  • From the Other Side, 2002
  • A Voice in the Desert / Une Voix dans le Désert, 2002
  • Marcher à côté de ses lacets dans un frigidaire vide, 2004
  • In the Mirror, 1971-2007
  • Je, tu, il, elle, the Installation, 2007
  • Femmes d’Anvers en novembre / Women from Antwerp in November, 2008
  • Maniac Summer, 2009
  • Tombée de nuit sur Shanghai, 2009 (reprise de son segment de 2007, cf. ci-dessous)
  • La Chambre, 1972-2012
  • Maniac Shadows, 2012
  • Now, 2015

Filmographie

Cinéma

Télévision

Postérité

Distinctions

Influence

Chantal Akerman est considérée comme une « figure de proue du cinéma moderne »[11],[32]. Elle a été une influence importante notamment pour Gus Van Sant, Todd Haynes et Michael Haneke[32],[33].

Notes et références

  1. a et b Parfois orthographié à tort Chantal Ackerman, cf. Dictionnaire du Cinéma, volume 1 - Jean-Loup Passek, p. 21, Larousse In Extenso, (ISBN 2-03-750001-7).
  2. Insee, « Acte de décès de Chantal Anne Akerman », sur MatchID.
  3. a b c d e f g et h Sandy Flitterman-Lewis (trad. Anaïs Dubreucq Le Bouffant), « Chantal Akerman », Dictionnaire des féministes, PUF,‎ , p. 14-16.
  4. « Sylviane Akerman : « Chantal était en avance, elle l’est toujours » », sur Le Soir, (consulté le )
  5. Jean-Michel Frodon, « Chantal Akerman: la mort avait toujours été là », sur slate.fr, 6 octobre 2015.
  6. Programme de la Cinémathèque royale de Belgique, septembre à novembre 2015, p. 88.
  7. « Femmes artistes et engagées », Society, no 225,‎ , p. 19.
  8. Jean-François Demay, « Chantal Akerman : retour sur la carrière d’une cinéaste influente », sur elle.fr, (consulté le ).
  9. Isabelle Regnier, « Chantal Akerman, cinéaste abrasive », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le ).
  10. Chantal Akerman, Le Nouvel Observateur, septembre 1989.
  11. a et b Selon Serge Kaganski sur les Inrocks.com..
  12. a et b Estelle Brun, « Ce drame, élu meilleur film de tous les temps, est diffusé ce soir à la télé », sur Télé-Loisirs par www.msn.com, (consulté le )
  13. Sylvie Braibant, « Chantal Akerman, cinéaste de l'invisible », sur TV5 Monde, .
  14. « Akerman », sur cineclubdecaen.com, Cinéclub de Caen.
  15. « Sonia Wieder-Atherton, violoncelliste : « La virtuosité peut écraser le sens et la beauté » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. « L’ombre de Chantal Akerman », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. « La cinéaste belge Chantal Akerman est décédée », sur dhnet.be.
  18. « Chantal Akerman est morte », sur lemonde.fr, Le Monde, .
  19. « Mort de la cinéaste Chantal Akerman », sur liberation.fr, Libération, (consulté le ).
  20. (en-US) Rachel Donadio et Cara Buckley, « Chantal Akerman, Whose Films Examined Women’s Inner Lives, Dies at 65 », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  21. « D'est, au bord de la fiction [From the East: bordering on fiction] - M HKA Ensembles », sur ensembles.mhka.be, Musée d'Art contemporain d'Anvers (consulté le ).
  22. Entretien avec Chantal Akerman et Marie Losier réalisé par Nicholas Elliot à New York le 16 août 2012, publié dans : Cahiers du cinéma, no 681, septembre 2012, p. 32.
  23. « Chantal Akerman, retours sur l’œuvre, journée d'étude », Esthétique, Sciences et Technologies du Cinéma et de l'Audiovisuel, sur estca.univ-paris8.fr, Université Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis.
  24. « Bruxelles: voici les noms des nouvelles rues de Tour et Taxis », sur rtbf.be, RTBF, (consulté le ).
  25. « Hommages publics de la ville de Paris & Nomenclature officielle 2014 – 2020 » [PDF], Commission de dénomination parisienne, sur paris.fr.
  26. « Rues, espaces verts et équipements publics : comment sont-ils dénommés à Paris ? », sur paris.fr (consulté le ).
  27. https://chantalakerman.foundation/works/new-york-new-york-bis/
  28. https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/23826_0
  29. « ina.fr/video/CPA84056455 »(Archive.org • Wikiwix • Archive.isGoogle • Que faire ?).
  30. « Le «meilleur film de tous les temps» est belge », sur Le Soir, (consulté le ).
  31. « “Jeanne Dielman” de Chantal Akerman sacré meilleur film de tous les temps », sur Les Inrockuptibles, (consulté le ).
  32. a et b (en) « Chantal Akerman, pioneering Belgian film director and theorist, dies aged 65 », sur theguardian.com, (consulté le ).
  33. Chantal Akerman, Whose Films Examined Women’s Inner Lives, Dies at 65 - The New York Times.

Voir aussi

Bibliographie

  • Philippe Reynert, Onze cinéastes belges pour les années 80 : Chantal Akerman, Cinéma Quatre-Vingt-Cinq, N°319-320, Fédération Française des Ciné-Clubs (FFCC) Paris, juillet-août 1985, p. 20, (ISSN 0045-6926)
  • Rétrospective intégrale au Centre Pompidou en 2004 en archive
  • Marion Roset, Chantal Akerman : à la recherche d'un temps perdu, Université Bordeaux 3, 2009, 75 p. (mémoire de master 2)
  • (en) Marion Schmid, Chantal Akerman, Manchester University Press, 2010, 192 p. (ISBN 978-0-7190-7716-6)
  • (en) Dieter Roelstraete et Anders Kreuger (dir.), Chantal Akerman : too far, too close, Museum of Contemporary Art, Antwerpen, Ludion, 2012, 110 p. (ISBN 978-94-6130044-7) (exposition)
  • (en) Marcelline Block et Jeremi Szaniawski (dir.), Directory of world cinema : Belgium, Intellect, Bristol, 2013, p. 71-101 et p. 282-295 (ISBN 978-1-7832-0008-5)
  • (en) Cybelle H. McFadden, Gendered frames, embodied cameras : Varda, Akerman, Cabrera, Calle, and Maïwenn, Fairleigh Dickinson University Press, Madison ; Rowman & Littlefield, Lanham (Md.), 2014, 233 p. (ISBN 978-1-611-47632-3)
  • Emma Dusong, « Chant contre champ, Chantal Akerman : Chanter, se libérer », Entrelacs. Cinéma et audiovisuel, no 11,‎ (ISSN 1266-7188, DOI 10.4000/entrelacs.1020, lire en ligne, consulté le )
  • Hommage à Chantal Akerman, Cahiers du cinéma n° 716, novembre 2015
  • (en) Chantal Akerman: La Passion de L’Intime / An Intimate Passion, Senses of Cinema n° 77, État de Victoria, décembre 2015.
  • Une dernière conversation avec Chantal Akerman par Esther Orner
  • Chantal Akerman, exposition Maniac Shadows à la Ferme du Buisson, 2016, lire la critique sur Slash-Paris.com
  • Ilaria Gatti, Chantal Akerman. Uno schermo nel deserto, Rome, Fefè Editore, 2019.
  • Céline Brouwez, Larta Ponsa, Laurence Rassel et Alberta Sessa (dir.), Chantal Akerman : Travelling, Bruxelles, Bozar-Palais des Beaux-Arts, Paris, Jeu de Paume, Tielt, Lannoo, 2024.

Articles connexes

Liens externes