Accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne

Accord de libre-échange entre le Mercosur-UE
Description de l'image Eu U Mercosur GEDC5552.jpg.
Type de traité Accord de libre-échange
Signature
Lieu de signature Bruxelles, Drapeau de la Belgique Belgique
Parties Mercosur (Drapeau de l'Argentine Argentine, Brésil, Drapeau de la Bolivie Bolivie Drapeau du Paraguay Paraguay et Uruguay),
Drapeau de l’Union européenne Union européenne

L'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne est un projet d'accord de libre-échange en négociation depuis l'an 2000. Suspendues en 2004, les négociations reprennent en .

Bien qu'un accord de principe ait été trouvé le , les textes définitifs ne sont ni finalisés, ni votés, ni ratifiés et ne sont donc pas entrés en vigueur. S'ils étaient ratifiés, cet accord constituerait le plus grand accord commercial conclu par l'UE et le Mercosur en nombre de citoyens concernés. L'accord commercial s'inscrit dans le cadre d'un accord plus général d'association entre les deux blocs, en cours de négociation.

Histoire

La question d'un accord de libre-échange entre les deux blocs fait suite à un accord-cadre interrégional de coopération entre le Marché commun du Sud (Mercosur) et l'Union européenne signé le [1].

Le début des négociations pour un accord de libre-échange commence en 1999, avant de s'arrêter à partir de 2004[2]. Les problèmes lors de ces négociations sont notamment la difficulté pour l'Union européenne d'inclure les produits agricoles et agro-industriels dans cet accord et d'inclure la question des subventions à l'agriculture. Dans l'autre sens, le Mercosur avait des difficultés à abaisser fortement ses droits de douane, et le caractère imparfait de la zone de libre-échange du Mercosur posait également problème. D'autres questions comme le droit d'auteur, le secteur automobile ou encore les normes phytosanitaires ont également pesé lors des négociations[3].

Malgré des annonces répétées en 2006 et 2008, appelant à son redémarrage[3], les négociations n'ont repris par la suite qu'en 2010[4], lors d'un sommet entre les deux blocs[5], avant de s'arrêter à nouveau en 2012[6]. Au total entre 2010 et 2012, 9 séries de négociations ont eu lieu entre les deux blocs[7].

Les négociations reprennent une nouvelle fois, à partir de [8], avec une première réunion de négociations du 10 au [9]. Avec le retour du protectionnisme aux États-Unis, à la suite de l’élection de Donald Trump, la Commission européenne est devenue décidée à obtenir un accord avant la fin de l'année 2018[10]. Plusieurs réunions de négociations ont lieu notamment en mars et en [6]. La quatrième réunion de négociations, depuis le redémarrage des discussions, a lieu à Brasilia du 2 au [11]. Une nouvelle réunion de négociations a lieu entre le 6 et à Brasilia[6].

Les raisons du blocage portaient principalement sur l'exportation du bœuf et de l'éthanol. Pour débloquer les négociations, la Commission européenne a modifié son offre en acceptant l’entrée sur son marché de 70 000 tonnes de viande bovine et de 600 000 tonnes d’éthanol[12].

Le , l'Union européenne et le Mercosur annoncent avoir finalisé leurs négociations et être parvenus à un accord de principe[13],[14]. Toutefois, le 2019, le président français Emmanuel Macron annonce qu’il considère que le président du Brésil Jair Bolsonaro « a menti sur ses engagements en faveur de l’environnement » et annonce que dans ces conditions la France s’oppose à l’accord[15]. Le 21 août 2020, la chancelière allemande Angela Merkel indique ne plus vouloir signer l'accord en raison de son impact environnemental[16]. En octobre 2020, le Parlement européen vote contre « sa ratification en l’état »[17]. Le processus de ratification, qui devait commencer le 9 novembre 2020, est repoussé sous la pression de l'opinion publique : selon un sondage publié le 10 septembre 2020, et réalisé dans quatre pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas et Espagne), près de 80 % des personnes interrogées veulent que cet accord soit abandonné[18],[19].

En décembre 2023, le sommet qui devait entériner une renégociation de l'accord est annulé[20],[21].

Contenu de l'accord

Contenu au cours de la négociation

Crédit image:
Alan Santos/PR
licence CC BY 2.0 🛈
Conférence de presse entre responsables du Mercosur et de l'Union européenne en marge du sommet du G20 de 2019 à Osaka (Japon).

Dans un premier temps en 2016, l'Union européenne avait exclu la viande bovine et l'éthanol de l'accord de libre-échange[22].

En , l'accord prévoyait un contingent de 70 000 tonnes de viandes bovines, dont 35 000 tonnes de produits frais et 35 000 tonnes de produits congelés, qui ne seraient plus soumis aux droits de douane de l'Union européenne, sur les 185 000 tonnes de bœufs que le Mercosur exporte en Europe[23]. L'accord devait également contenir la possibilité d'exportation par le Mercosur de 600 000 tonnes d'éthanol libres de droits de douane[23],[24]. Cependant le Mercosur n'était pas satisfait par les volumes proposés[25]. L'accord devait également inclure un contingent de 200 000 tonnes de viandes de volailles, exemptés de droits de douane sur le marché européen[26].

Dans le sens inverse, l'accord devait inclure la suppression des droits de douane du Mercosur, particulièrement élevés, sur les exportations européennes pour le secteur automobile, le secteur de la chimie, de la pharmacie et des cosmétiques[23], de manière progressive sur une durée de 10 ans, au lieu de 15 ans lors de précédentes négociations[27]. L'accord devait inclure également la reconnaissance par les pays du Mercosur de 357 produits ayant une indication géographique protégée[26].

Contenu de l'accord finalisé

En , le contenu de l'accord à la fin des négociations est publié. Il comporte une baisse de près de 90 % des droits de douane entre les deux blocs[14],[28] de manière progressive sur 10 ans, seuls quelques secteurs voient leurs droits de douane baisser sur une durée étalée de 15 ans comme le secteur automobile[29]. Ainsi, les droits de douane du Mercosur sont supprimés dans les domaines de l'automobile, passant de 35 % à 0 % sur 15 ans dans la limite d'un quota de 50 000 véhicules[30], dans l'industrie chimique, le textile et dans l'industrie pharmaceutique[14],[28].

Dans le domaine agro-alimentaire, les baisses de droits de douane sont du même ordre et concernent un certain nombre de produits alimentaires comme les alcools, l'épicerie sucrée, les produits de la pêche[14],[28] ou encore certains fruits et l'huile d'olive[29]. Les produits laitiers accèdent à des quotas d'importation sans droits de douane[28]. L'Union européenne instaure des quotas pour des importations à droits de douane réduits de bœuf pour un total de 99 000 tonnes (équivalent carcasses dans le cas de la viande désossée), des quotas à droits nuls sur le sucre de 180 000 tonnes, sur la volaille de 180 000 tonnes (équivalent carcasses), sur la viande de porc de 25 000 tonnes, sur l'éthanol de 650 000 tonnes, sur le riz de 60 000 tonnes et sur le miel de 45 000 tonnes[29]. Des quotas de droits de douane entre les deux blocs sont instaurés sur le fromage avec un quota de 30 000 tonnes, sur le lait en poudre avec un quota de 10 000 tonnes et sur le lait pour bébé avec un quota de 5 000 tonnes[29].

L'accord inclut la reconnaissance par les pays du Mercosur de 357 produits ayant une indication géographique protégée[14]. Il inclut également un chapitre sur l'environnement, le développement durable, la gestion des forêts et les droits des travailleurs. Enfin il inclut l'accès des entreprises des deux blocs aux marchés publics[14].

Avant de pouvoir entrer en application, l'accord UE-Mercosur va devoir passer plusieurs étapes législatives. Il va d'abord être soumis à l’approbation des États membres dans le cadre du Conseil de l'Union européenne, où l'unanimité des 28 (27 après le départ du Royaume-Uni) est nécessaire. Puis le traité sera soumis d'abord au vote du Parlement européen, puis au vote des parlements nationaux des États membres de l'UE. [31]. La Commission européenne peut choisir de séparer le volet commercial du reste de l'accord, les accords commerciaux relevant exclusivement de sa compétence[32] en le soumettant au Conseil pour accord à la majorité qualifiée.

Impact environnemental

La commission d’experts formée par le gouvernement français indique dans son rapport, remis en septembre 2020, que l'accord devrait provoquer une hausse de la déforestation provoquée principalement par la création de pâturages, pour augmenter la production de bœuf, à un rythme annuel de 5 % pendant les six années suivant sa mise en application, soit un total de 700 000 hectares. La commission souligne également que le coût environnemental mesuré à partir des émissions supplémentaires de CO2 peut être considéré comme plus élevé que les bénéfices économiques[33].

Le président brésilien Jair Bolsonaro, climatosceptique, est suspecté de laisser faire les responsables des mises à feu de la forêt amazonienne voire de les encourager[34]. Établir un accord sans exiger un changement de politique du Brésil serait vu comme un signe que l’Union Européenne ne se soucie ni des droits humains des indigènes, ni du climat[34].

Sympathisants à l'accord

En France

Dans le contexte du Mouvement des agriculteurs de 2024 en France, le Mouvement des entreprises de France réaffirme être en faveur de l'accord de libre-échange avec le Mercosur[35]. Le Patrick Martin estime au micro de France 2 que la fin des accords de libre-échange de l'Union Européenne ferait perdre 20% de l'emploi français[36]. La Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) et certains acteurs du secteur laitier soutiennent l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, bien qu'ils s'expriment moins publiquement que d'autres filières. Ces secteurs estiment que l'accord pourrait ouvrir de nouvelles opportunités commerciales en facilitant l'accès à des marchés sud-américains prometteurs pour leurs produits, en réduisant les droits de douane et en augmentant leur compétitivité à l'exportation[32].

Allemagne

L'Allemagne soutenait l'accord en raison des nouveaux débouchés pour son industrie automobile[16].

Commission européenne

La Commission européenne est une fervente partisane et est prête à faire de grandes concessions pour arriver au plus vite à un accord.

« Tout le monde dit que le 'timing' est très important car l’an prochain, le Brésil, par exemple, sera occupé par ses élections et ce sera difficile de continuer les négociations » fait savoir le 13 novembre 2017 le vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen. »[37]

En effet, d'après ses analyses, l'accord apportera croissance et emplois pour l'Europe. En particulier, la France sera la première bénéficiaire économique en particulier pour son secteur agricole.

« Selon nos calculs et nos chiffres, la France serait l’un des plus grands bénéficiaires de cet éventuel accord. Cela donnerait des opportunités à l’industrie française et aussi à son secteur agricole. »[37]

Opposition à l'accord

Opposition étatique

En 2017, le gouvernement français est opposé à un tel accord, en raison des menaces qu'il pourrait induire sur le secteur agricole, secteur que la France défend particulièrement dans sa diplomatie économique[23],[38]. Par exemple, le ministre français de l'Agriculture, Stéphane Travert, a exprimé cette opposition[39], en plus du président de la République.

De manière parallèle, un groupe de onze États européens, composé de l'Autriche, la Belgique, la France, la Hongrie, l'Irlande, la Lituanie, le Luxembourg, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, s'oppose à l'insertion de quotas libres de droits de douane pour certains produits agricoles[11].

La position du gouvernement français évolue en 2018 avec un assouplissement des limitations sur les quotas libres de droits de douane des produits issus de la filière bovine. Cela provoque l'inquiétude de cette filière en France pour deux raisons principales : la concurrence accrue induite par des prix inférieurs dans les pays du Mercosur, et la réforme en profondeur de la politique agricole commune (PAC) qui doit être engagée parallèlement à ces négociations[40].

En août 2020, Angela Merkel indique ne plus vouloir signer l'accord[16].

En septembre 2020, le gouvernement français reste opposé à l'accord, mettant en avant des considérations environnementales à la suite de la publication d'un rapport sur celle-ci[41].

En avril 2021, l'Autriche réaffirme son opposition à l'accord de libre-échange, menaçant d'y mettre son veto[42].

Le 26 janvier 2024, en réponse au mouvement des agriculteurs de 2024 en France, le premier ministre français Gabriel Attal assure que la France « s’oppose » à la signature de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur[43].

En janvier 2024, la Commission européenne poursuit les négociations[44]. Si l'accord est finalisé il devra ensuite être soumis au vote des États membres puis des eurodéputés au Parlement européen. L'absence de clauses miroirs est un des points à l'origine de l'opposition de la France au traité[45],[46].

Pour passer outre aux oppositions en particulier de parlements nationaux dans l'Union Européenne, la Commission pourrait choisir de permettre l'adoption séparée du volet commercial de l'accord, les accords commerciaux relevant d'une compétence exclusive de la Commission européenne[32], en le délivrant au Conseil pour accord à la majorité qualifiée.

Opposition parlementaire

En novembre 2024, dans une tribune parue dans Le Monde, 600 parlementaires français affirment leur opposition à l'accord de libre échange et soulignent son incompatibilité avec l’accord de Paris sur le climat de 2015, notamment en matière de déforestation. Ils évoquent aussi un « fossé » dans les normes environnementales, sanitaires et de bien-être animal entre les pays du Mercosur et l'Europe. Il « présente un risque sanitaire sérieux pour les consommateurs européens » et « constitue une concurrence déloyale pour nos producteurs agricoles ». L’accord actuel ne respecte pas les critères démocratiques, économiques, environnementaux et sociaux fixés par l’Assemblée nationale et le Sénat[47],[48].

Opposition d'associations et syndicats

Greenpeace a, en , publié plusieurs documents liés aux négociations de cet accord, rappelant son opposition à cet accord. Greenpeace avait déjà publié des éléments des négociations lors des accords entre l'UE et le Japon, entre l'UE et le Canada ou encore entre l'UE et les États-Unis[49]. À cette occasion, Greenpeace dénonce les effets d'un tel accord en matière de déforestation, sur l'extension des cultures en Amérique du Sud et leurs impacts sur le climat. Greenpeace dénonce également le cadre confidentiel d'un tel accord[49].

Les organisations agricoles regroupées au sein de la Copa-Cogeca se sont également opposées aux volumes de quotas libres de droits de douane pour certains produits agricoles proposés lors des négociations d'[11]. La FNSEA, les Jeunes agriculteurs, la Confédération Paysanne se sont également opposés à cet accord, dénonçant les conditions d'élevage en Amérique du Sud, l'utilisation de fourrages OGM, ainsi que l'impact sur la production européenne et française[50],[51],[52],[53],[54].

L'association Creative Commons s'est également opposée à l'accord à propos de dispositions étendant la durée des droits d'auteur à 70 ans après la mort de l'auteur, pour les pays ayant des durées plus courtes, ainsi que d'autres dispositions ayant trait aux droits d'auteur et aux droits intellectuels[55].

Notes et références

  1. Accord-cadre inter-régional de coopération avec l'UE, Journal officiel de l'Union européenne, EUR-Lex, (lire en ligne).
  2. Danièle Favari, Pour tout comprendre aux accords de libre-échange de nouvelle génération : Jefta, Mercosur, Alena, Tafta, Ceta, Éditions L'Harmattan, , 265 p. (ISBN 978-2-343-15447-3), p. 75
  3. a et b None 2012
  4. Emilie Buffet, « Le Mercosur prêt à négocier un accord commercial avec l’UE », sur Euroactiv, .
  5. « Accord Union européenne-MERCOSUR », sur École Supérieure de Commerce International
  6. a b et c José Ignacio Salafrance Scanchez-Neyra, « EU-Mercosur Free Trade Agreement », sur Parlement européen, .
  7. « Mercosur-European Union », sur Organisation des États américains.
  8. « Mercosur », sur Commission européenne.
  9. « Mercosur – EU Joint communiqué on the XVI negotiating round, 10-14 October 2016 », sur Commission européenne, .
  10. « Libre-échange Les partisans d'un accord UE-Mercosur font le forcing », Terre-net (avec AFP),‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. a b et c « Libre-échange UE/Mercosur : Bruxelles sous pression », sur Agrapresse, .
  12. « Accord commercial avec le Mercosur. Un accord bénéfique pour la France ? », sur Ouest-France avec AFP, (consulté le ).
  13. « L'Union européenne et le Mercosur signent un traité de libre-échange « historique » », Les Échos, .
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  15. « Amazonie : le ton monte entre Macron et Bolsonaro », La Libre Belgique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
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  21. Anne Rovan, « L’accord UE-Mercosur encore une fois repoussé » Accès libre, sur Le Figaro,
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  55. Vollmer 2017

Voir aussi

Bibliographie

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  • Timothy Vollmer, « EU-Mercosur Trade Agreement Would Harm User Rights and the Commons », sur Creative-Commons,
  • Marie-Françoise Durand et Paolo Giordano, Vers un accord entre l'Europe et le Mercosur, Presses De Sciences Po, , 452 p. (ISBN 9782724686241)
  • Mohamed Hedi Bchir, Yvan Decreux et Jean-Louis Guérin, « Accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur : une étude avec le modèle MIRAGE », Économie internationale,‎ , p. 77 - 108 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes