Abiadi (chanson)

Abiadi ou Ya biadi Ya Nass est un chant traditionnel du registre judéo-algérien chanté en arabe [1],[2] . Sauvegardé par Messaoud l'Oranais et enregistré pour la première fois en 1934 par Reinette l'Oranaise[3] qui est une figure emblématique de la musique arabo-andalouse et algérienne.

Ce chant connu dans l'Algérois et l'Oranie, profondément enraciné dans le patrimoine culturel des Juifs d'Algérie, est souvent joué lors de célébrations religieuses et familiales comme les mariages, bar-mitsva, hennés, et brit milah.

Paroles de la chanson

Variante oranaise

Texte en arabe Texte en arabe latin Traduction en français
أبياضي يا ناس Abiadi ya nass Ô que je suis heureuse
على صباح اليوم Aala sabah alyoum De ce matin
أصبحنا فرحانين Assbahna farhanin Nous nous sommes réveillés heureux/ses
و العدو سبح مهموم Wa al aado sebah mahmoum Et l'ennemi est désormais préoccupé
بتنا في الهناء Bitna fi al hana Nous avons passé la nuit dans la joie
الليل و ما طولو Allil w ma toulou La nuit est passée sans fin
اللي فرح العروسة Alli farah al aaroussa Qui a célébré la mariée
قبل ما نردوها لكم Ogbal ma nradouha alkom Qu'on vous la ramène
يا ناس يا ناس قولوا برافو Ya nass ya nass goulou bravo Ô mes chers, dites bravo
على العروس و على شابو Aala la aarouss wa aala shabo À la mariée et à son époux
فتش على الزين حتى سبو Fatach aala azzine hta sabou Il a cherché la beauté jusqu'à ce qu'il la trouve
و فرحو له جميع أحبابو W farhou lou jmie ahbabou Et tous ses amis ont partagé sa joie

Variante algéroise

Texte en arabe Texte en arabe latin Traduction en français
يا ناس يا ناس Ya nass ya nass Ô gens, ô gens
ما تعيبوش عليا Mata3ibouche Aliya Ne me blâmez pas
عمري ما غنيت فالدنيا Omri ma ghenit fel denya Jamais je n'ai chanté dans cette vie
لو كان ماشي العروسة Lokan machi laaroussa Si ce n'était pour la mariée
عزيزة عليا Aziza aliya Précieuse à mes yeux
ما تسمعوش حسّي Matsm3ouche hessi N'écoutez pas ma voix
يا اللي دايرين بينا Ya lli dayrine bina Vous qui m'entourez
يا سيدي حبها و حبته Ya syadi hebha ou hebtou Ô mes maîtres, il l'a aimée, et elle l'a aimé
بشور أمو و بشور خواتو Bchwar omo w bchwar khwato Sur le conseil de sa mère et de ses sœurs
فتش على الزين حتى سبتو Ftach ala zine hata sebtou Il a cherché la beauté jusqu'à ce qu'il la trouve
ما سبتو غير اللي حبّتو Ma sebtou ghir lli hebtou Et il n'a trouvé que celle qu'il aimait
آح يا سيدي آحنا جينا Ah ya sidi, ahna jina Ô maître, nous sommes venus
بالفرحة فينا اللي تمنينا Bel ferha fina li tmnina Avec la joie que nous avons espérée
يا أخت العروسة ما تجيك الغبينة Ya okht el aroussa matjick elghbina Ô sœur de la fête, ne sois pas attristée
قبل عرسك حتى انتيا Qbel arsek hta ntia Avant ton mariage, réjouis-toi aussi
يا العروسة شوف الزين Ya l3roussa chouf ezzine Ô mariée, contemple ta beauté

Interprétation par Reinette l'Oranaise

Reinette l'Oranaise, de son vrai nom Sultana Daoud, est née en 1918 à Tiaret, en Algérie. Aveugle dès l'enfance, elle a étudié la musique arabo-andalouse avec de grands maîtres, ce qui l'a amenée à devenir l'une des plus grandes voix de ce genre musical. Son interprétation de "Abiadi Ya Nass" en 1934 a marqué l'histoire de la musique judéo-algérienne, et elle a contribué à faire connaître cette chanson bien au-delà de la communauté juive.

Héritage

Abiadi Ya Nass est encore régulièrement chanté lors des fêtes et cérémonies au sein de la diaspora judéo-algérienne, notamment en France et en Israël. Souvent les familles juives d'origine algérienne font appel à des orchestres algériens musulmans ou venant d'Algérie pour jouer les airs musicaux dont celui-ci. Ce chant en particulier est un rappel du patrimoine culturel et un symbole de la persistance des traditions malgré les bouleversements historiques, tels que l'exil des Juifs d'Algérie après l'indépendance en 1962. Il représente un lien fort avec le passé et la continuité des pratiques culturelles au sein de ces communautés dispersées.

Bien que l’arabe dialectal algérien dans sa variante juive, communément appelé judéo-algérien, ne soit plus parlé que par une infime minorité de personnes âgées, il reste un témoin précieux de l'histoire linguistique et culturelle de la communauté judéo-algérienne. Ce dialecte, autrefois largement utilisé, a progressivement disparu en raison de l'assimilation, l'exil et de la dispersion, notamment après l'indépendance de l'Algérie.

Références

  1. Encyclopaedia Universalis, ·, Dictionnaire des Musiques: Les Dictionnaires d'Universalis,
  2. Alain Chaoulli ·, Les Juifs au Maghreb à travers leurs chanteurs et musiciens aux XIXe et XXe s, Paris,
  3. « Reinette l’Oranaise – Ya biadi ya nas – Polyphon, c. 1934 »

Articles connexes