Witold Kanowicz
Né en à Roztoki, Witold Kanowicz était un professeur de français d'origine polonaise, connu pour être devenu à son insu un artiste-peintre et plasticien célèbre. Son style se décline autour des chefs d'œuvre de l'architecture naïve portée par le Facteur Cheval et « l'art brut » de Jean Dubuffet.
Enfance
Witold Kanowicz est né en 1916 dans le petit village perdu de Roztoki dans la chaîne de montagnes des Tatras, berceau familial depuis plusieurs générations de Kanowicz. Witold passe une enfance paisible entre une mère au foyer qui s’occupe du jardin et un père qui travaille dans les scieries avoisinantes. Bon élève, le petit Witold se dissipe vite. Passionné par les paysages qui l’entourent, il s'imagine rester toute sa vie dans les Tatras dont il est amoureux.
Adolescence
À 15 ans, devant une reproduction de « La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix, Witold Kanowicz s’éprend de fascination pour tout ce qui vient de France. Il collectionne de nombreuses affiches de films français, se fait un trésor des illustrations des icônes féminines du cinéma français des années 1950, il adule en secret Brigitte Bardot, garde un fervent souvenir du magnifique Fanfan que faisait Gérard Philippe, et idolâtre Louis de Funès. Ses ambitions professionnelles se dessinent alors. L’élève Witold va chaque jour de Roztoki à Zakopane, la grande ville de la région, où il commence à apprendre le français tout en songeant, un temps, à devenir réalisateur de cinéma.
Âge adulte
En 1962, Witold Kanowicz a 25 ans. Arrivé depuis deux ans à Cracovie où il y achève des études de langue française, Witold est toujours grandement passionné par la France. À ce jour, c'est surtout l'élégance et la richesse culturelle du pays qui l'attirent. Son admiration pour les sculptures de Jean Dubuffet (connu à travers des revues feuilletées à l’institut français de Cracovie) n'a pas de limite. Il étudie chaque jour l'histoire de l'art français, se gorge des illustrations des livrets d'exposition, et rêve toujours de s'installer un jour dans ce pays qu'il admire.
Quelques années plus tard en 1965, il se marie avec Ania Ivanovna une géologue rencontrée un soir d'hiver en attendant le bus 322 qu'il prenait chaque jour vers Nova Huta, banlieue ouvrière de Cracovie, où Witold enseigne le français dans une école. Il avait été vite conquis par cette femme belle et surprenante, qui portait le nom d'une des héroïnes de Platonov, une pièce de Tchekhov qu'il avait lue des dizaines de fois. Un an plus tard, Witold et Ania s'installent au rez-de-chaussée d’un immeuble de Nova Hutta. Là, la vie prend son cours tel un fleuve qui ne déborde pas. Un an plus tard, Witold et Ania s'installent dans une charmante maison de ville à Nova Hutta. Là, la vie prend son cours tel un fleuve qui ne déborde pas. Durant l'hiver 1967, Witold et Ania Kanowicz ont un premier enfant, mort-né. Cette tragédie les rapproche et les lie à jamais. En 1968, Ania donne naissance à Herbert Kanowicz. S'en suivirent des années de bonheur, mais le souvenir de l’enfant mort ne cesse de hanter son géniteur.
L’œuvre
Au milieu des années 1960, dans une Pologne alors bien grise, le mal du premier enfant disparu obscurcissant sa vie, Witold décide de s’entourer de couleurs. Plutôt que de réserver ces dernières à des toiles comme le font les peintres, le professeur Kanowicz se met à peindre tout ce qui l’entoure : murs, portes, et avant tout le mobilier. Non avec des motifs figuratifs, telles ces guirlandes de fleurs peintes ou de scènes champêtres chères aux objets des arts populaires d’Europe centrale, mais avec de simples traits impulsifs, trempant son pinceau dans des pots de couleurs souvent vives et toujours franches. « Entrer dans le salon était une fête » se souvient son fils Herbert. Son épouse, géologue et fine cuisinière, s’accommoda de la lubie tardive de son mari, et se surprit à inventer à son tour des plats colorés. Jusqu’à ce jour où une glissade sur le verglas l’entraîna sous les roues d’un tramway aux feux jaunes faiblissant.
Le jour de l’enterrement tout le monde remarqua deux traits sur le cercueil, l‘un rouge, l’autre noir (l’époux avait fait lire Stendhal à son épouse et cette dernière chérissait le célèbre roman « Le rouge et le noir »). Ce fut la seule œuvre publique de Witold Kanowicz qui n’était pas portée sur l’exubérance et ne considérait pas les objets qu’il colorait comme des œuvres d’art.
Herbert, le fils unique, s’occupa alors de son père, qui, bientôt lui demanda de l’aider à déménager à la campagne dans le village familial des Tatras où habitait sa vieille sœur, veuve depuis longtemps. Elle l’accueillit et, dans une pièce à part, lui laissa promener ses pinceaux sur ce que bon lui semblait sauf le prie-Dieu qui venait de leur mère. Witold Kanowicz peignit donc des chaises, deux tables, une brouette, trois lampes de chevet au pied en bois tourné, même sa fiat 126 dorée y passa… Et cela avec des couleurs qui se souvenaient avoir été vives mais qui ne l’étaient plus tout à fait car il prit la manie d’ajouter une goutte de noir dans tous ses pots, période dite « noire » qui ne fut heureusement que de courte de durée.
Le 13 décembre au matin 1981, il ne se réveilla pas, si bien qu’il ignora que ce jour-là, le général Jaruzelski dont il aurait bien coloré les lunettes noires, avait proclamé l’état de guerre et enfermé plusieurs leaders de Solidarnosc. Son enterrement passa inaperçu quand un incendie ravagea l’immeuble de Nova Huta et donc fit disparaître en fumée tous les meubles et objets que Witold Kanowicz dont son fils Herbert avait hérité avec l’appartement, ce dernier déménagea de l’autre côté à Cracovie. Par bonheur, dans la maison des Tatras, subsistaient encore quelques « bizarreries », ainsi les appelait Witold, remisées en vrac dans une pièce où il les oublia. Tombé sur cette fabuleuse découverte, Herbert, fils ainé de Witold, convaincu du talent de son père, en parla à un ami amateur d’art, qui en parla à un conservateur de musée, qui en parla à une galerie et c’est ainsi qu’un jour un grand collectionneur américain lui proposa une somme rondelette pour « l’ensemble des œuvres » de Witold Kanowicz. Herbert refusa et fit don du tout à la célèbre Collection de l’Art Brut de Lausanne, en Suisse.
Liens externes
- Rencontre avec Milosz Kanowicz à Passages 2013 http://www.theatre-video.net/video/Rencontre-avec-Miloz-Kanowicz-a-Passages-2013
- Entretien avec Milosz Kanowicz, : "Comme Grand-père disait toujours : la couleur me suffit" https://www.yumpu.com/fr/document/view/20797176/bulletin-du-17-mai-2013-festival-passages/2
- Bulletin no 9 du Festival Passages http://www.festival-passages.org/publications/bulletin-du-12-mai-2013.pdf
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