Sendatu
La guérison par les rituels et les plantes au pays basque / Le sendatu *
| ||
![]() Crédit image: licence CC BY-SA 4.0 🛈 Vue de la chaîne des Pyrénées depuis le pic d'Orhy situé sur la commune de Larrau. | ||
Domaine | Savoir-faire | |
---|---|---|
Lieu d'inventaire | Nouvelle-Aquitaine Pyrénées-Atlantiques Pays basque Province de Soule Larrau |
|
* Descriptif officiel Ministère de la Culture (France) | ||
Sendatu, qui signifie « guérir » en dialecte basque[Lequel ?], est une pharmacopée populaire propre à l'Aquitaine[1].
Cet article, basé sur la fiche d'inventaire du patrimoine immatériel de la France concerne les pratiques exclusivement liées au Sendatu de la commune de Larrau au cœur du Pays basque dans les Pyrénées-Atlantiques.
Origine
L’histoire du Sendatu est intimement liée à la maison Atandes. Isolée, la maison Atandes est le témoin et garant d’un savoir séculaire sur la faune et la flore des milieux naturels des Pyrénées-Atlantiques.
L’origine des « savoirs naturalistes » des éleveurs de Larrau est à rechercher dans l’organisation même du paysage : occupation des pentes, bocage en mosaïque[2], bois paysans (bois taillis[3], châtaigneraie, arbres travaillés réunis en bosquet, arbres têtards…). Cet ensemble très diversifié constitue un écosystème cultivé.
L’écosystème cultivé de Larrau est divisé en plusieurs composantes dont les origines s’inscrivent dans la durée. L’etxaltia[4] recoupe l’ager des historiens comme étant le territoire des « maisons » avec leur hortus[5] et les labours alors que plus haut et dans son prolongement, le bordaltia ou étage des granges (bordes) se superpose à l’antique saltus.
Il est caractérisé par les pâtures intermédiaires plus ou moins ouvertes y compris les « bois taillis » utilisées par les habitants de la communauté pour les parcours journaliers d’intersaison avant et après la montée aux estives des vaches et brebis. La sylva, c'est-à-dire les boisements des anciens systèmes agraires indispensables à la survie des hommes (énergie et bois d’œuvre) et source alimentaire non négligeable pour le bétail, recouvre les ombrées. Les boisements profitent des talwegs[6] pour descendre au plus près voire jusqu’aux boisements alluviaux qui bordent les gaves de Larrau en fond de vallées principales. Au-dessus, l’olhaltia[7], le lieu des cabanes de berger est le composant écologique le plus haut de l’écosystème cultivé nous le nommerons l’altus. La proximité de cette dernière partie est la deuxième caractéristique de l’écosystème cultivé de montagne. Etxaltia, bordaltia et olhaltia donnent tous trois la dimension spatiale de l’écosystème et leur superposition à l’ager, saltus et sylva matérialise la profondeur historique induite par ce modèle issu des toutes premières organisations agropastorales.
Une géologie complexe donne une forte hétérogénéité des substrats dans la bande des 400-800 mètres, alors que les massifs en bordure sont plus uniformes et en tout cas de structure simplifiée. Ces différents faciès géologiques offrent des sols, des reliefs, des microclimats et par conséquent des milieux très divers qui contribueront à l’émergence de la biodiversité recherchée par les éleveurs qui utiliseront ces ressources pour eux-mêmes et leurs troupeaux.
Le relief typiquement montagnard bien que de faible altitude est fortement érodé, sur les parties sommitales des crêtes se succèdent les zones d’accumulation (bassins de réception) suivies de leurs chenaux d’écoulement et en bas des versants par les cônes de déjection recoupés par endroits par les gaves. Les matériaux issus de ce système d’érosion, une fois accumulés sont eux aussi exploités. Ils accueillent granges et prés en haut et en bas du système.
Les sols squelettiques sur les affleurements rocheux, les clairières issues des chablis[8] toujours importants en montagne à cause des conditions météorologiques et de l’instabilité des versants ont probablement accueilli des formations climaciques[9] herbeuses plus ou moins embroussaillées dont l’homme a su tirer profit. La corrélation géologie / climat local seraient alors le facteur prépondérant qui a conduit à l’exploitation de pâtures naturelles puis à leurs agrandissements par le feu. Les pâtures évoluent qualitativement en fonction de l’altitude et passent du type lande atlantique au type pelouse d’altitude.
Des connaissances nées d’une vie en autarcie
Jusqu’au milieu du XXe siècle, à cause de la géographie accidentée de cette région, il n’était pas évident pour le corps médical (médecin ou vétérinaire) de rejoindre les habitations. L’autonomie médicinale était donc pour les locaux une condition de la survie, si ce n’est de la maison du moins de ses forces vives.
Pour traiter les maux plus ou moins rares les éleveurs atandes[Quoi ?] ont donc progressivement constitué une pharmacopée populaire qui réunit des plantes, des parties animales ainsi que des objets et pratiques de soin liés à des rituels. Aujourd’hui, la connaissance nécessaire à la confection de ces médicaments, bien qu’en régression dans les familles car la voiture a depuis réduit les distances qui les séparaient des institutions médicales, est toujours pratiquée par les locaux ou, pour le moins, reste dans leur mémoire.
La connaissance des propriétés des plantes constitue la base de ce savoir naturaliste. Autrefois, ceux et celles qui détenaient ce savoir le transmettaient de génération en génération dans la famille proche. Ainsi chaque maison participait à l’entretien d’une connaissance qui, le plus souvent, lui était propre. Aujourd’hui[Quand ?] cet héritage s’est dilué et toutes les maisons ne détiennent pas, ou plus, de savoir particulier.
Des pratiques secrètes
La connaissance des simples et de leur procédés d’utilisation restent secrets même si dans la communauté larraintar chacun sait où aller pour soigner les affections courantes. En réalité, la part de mystère qui entoure ces connaissances et pratiques est fondamentale au bon déroulement du processus car c’est elle qui garantit la réussite du traitement.
Une culture fondée sur une connaissance aiguë de l’environnement naturel immédiat
Les éleveurs atandes, comme énoncé plus haut, vivaient dans un contexte d’autosuffisance. Ainsi, pour être entièrement autonome et compenser la faiblesse des revenus, ces hommes cumulaient plusieurs travaux ; ils pouvaient tour à tour être maçon, charpentier ou scieur de long. Cette variété des travaux, en sollicitant différentes ressources naturelles au sein de leur environnement proche, a participé à développer, puis à enrichir, des connaissances écologiques extrêmement fines et diversifiées. Ainsi, dans le Sendatu, chaque matière animale, végétale, ou minérale, chaque combinaison de ces matières, est affectée à un usage particulier.
Typologie de la pharmacopée
A l’usage des simples ont été ajoutées les connaissances des plantes utiles à la maison et aux soins des animaux, qui, s’ils sont exceptionnels ou communs, demeurent liés à la pratique de l’élevage.
La liste ci-dessous, dresse une typologie, à ce jour non exhaustive, des différents remèdes qui ont fait l’objet d’un recensement auprès des populations puis classés par maladie.
Les maladies infectieuses
La gale et la teigne
La gale des animaux et la teigne des hommes : le houx
L’utilisation du houx (ilex aquifolium, vern : gorostia) pour le traitement de la gale du veau[10] et celui de la teigne lorsqu’elle est transmise à l’homme, est commune à une large majorité de maisons atandes.
La gale des hommes : l’argent et la bougie des mort
Lorsque la gale se propage à l’homme, une autre cure, exclusivement administrée par des spécialistes, est courante dans les atandes.
La teigne : l’herbe de l’abeille et la langue de brebis
La teigne peut se traiter par une cure plus douce pour le corps. Le remède se constitue d’un mélange de deux plantes.
La mycose de l’oreille : la joubarbe
D’autres usages de plantes perdurent dans le traitement de certaines affections de la peau.
Notes et références
- ↑ Article issu de ce [PDF]
- ↑ Alternances de formations végétales (cultures, prés, landes, bois…) séparées au niveau des maisons par des haies.
- ↑ Caractérisés par des arbres régulièrement taillés (émondés).
- ↑ De etxe, la maison pour signifier l’ensemble ou étage des maisons.
- ↑ Jardin et verger attenant à la maison.
- ↑ Lignes de descente des eaux qui drainent les différents massifs vers les fonds de vallée en les incisant profondément.
- ↑ De olha, la cabane qui se substitue localement au terme cayolar pour signifier actuellement le même objet.
- ↑ Arbres abattus par le vent ou par le poids de la neige.
- ↑ Quand la formation végétale atteint son maximum de développement.
- ↑ Gale du veau ou teigne. (Thiña en langage courant [Lhande 1926] qui veut dire teigne et aussi gale et Ezkabe mentionné par Lhande et utilisé en langage lettrée pour désigner la teigne uniquement [Dictionnaire Français/Basque. Cazenave 2010])
Bibliographie
- B. Besche-Commenge, Le savoir des bergers de Casabède. Textes gascons pastoraux du haut Salat, Travaux de l’Institut d’Études Méridionales. ERA CNRS 352. Université de Toulouse Le Mirail, Ed. Fossat., 1977, 150 p.
- D. Cunchinabe et Al, Histoire de l’écosystème cultivé et de la biodiversité à Larrau : Analyse de l’impact agropastoral dans la gestion du milieu, Résultats d’Etude, ITEM-UPPA, 2011, 200 p. et annexes.
- C. Dendaletche, Grande faune, écosystème pastoral et ethnies pyrénéennes, in Essai anthropologique et écologique, Actes Coll. Int. Grande Faune, Pau, 1977, p. 1-15
- D. Galop, Les apports de la palynologie à l’histoire rurale, Études rurales, n° 7, 2000, p. 1-9
Article publié sur Wikimonde Plus
- Portail de la botanique
- Portail du patrimoine culturel immatériel