Le séder de Pessa'h (hébreu : סדר פסח, ˈsedər ˈpesaχ ou ˈseɪdər ˈpajsəχ selon la prononciation ashkénaze, « ordonnancement de la pâque ») est un banquet rituel juif qui ouvre Pessa'h, la Pâque juive. Il se tient au soir du 15 nissan ainsi que le soir suivant dans la diaspora juive, et a pour but de faire revivre la sortie d'Égypte à ses participants, en particulier aux enfants pour lesquels il représente un processus initiatique au cours duquel on leur transmet l'essence du judaïsme, avec la rédemption du peuple d'Israël par Dieu qui honore ainsi l'alliance qu'il a conclue avec ses patriarches, afin que les enfants d'Israël reçoivent et observent sa Loi.
Élaboré après l'époque du Second Temple, il remplace l'offrande de l'agneau pascal, impraticable en l'absence d'un autel consacré, et prend progressivement la forme d'un symposion gréco-romain où l'accent est mis sur la narration de la sortie d'Égypte (la haggadah, qui donnera son nom au livret utilisé pour conduire le séder). Il a ensuite été enrobé de diverses coutumes babyloniennes, fait l'objet de diverses codifications au cours du Moyen Âge et a été enrichi de nombreux chants vers le XVIe siècle avant de connaître diverses réinterprétations et variations récentes.
Le séder est décrit pour la première dans le dixième chapitre du traité Pessahim, compilé vers le IIe siècle : au soir de la Pâque, on s'abstient de manger dès l'après-midi pour se préparer au festin — la Mishna ne fait cependant pas mention du jeûne des premiers-nés, institué vers le VIIIe siècle, au 21e chapitre du traité Soferim —, et même les Juifs les plus pauvres doivent être pourvus de quatre coupes de vin et manger en s'accoudant (mishna Pessahim 10:1). Lorsqu'on lui verse la première coupe — comme c'est l'usage avant chaque repas —, le maître de maison récite la bénédiction sur le vin puis sur le jour, selon l'opinion de la maison de Hillel (m. Pessahim 10:2). On apporte ensuite [des herbes] et il trempe dans la laitue, jusqu’à ce que l’on arrive aux apéritifs puis l'on amène la matsa (pain azyme), la laitue (qui fait office d'herbe amère), le harosset (une trempette pour l'herbe amère) et deux plats (m. Pessahim 10:3), représentant pour le premier l'offrande pascale et pour le second l'offrande festive qui ne peuvent plus être offerts depuis la destruction du deuxième temple de Jérusalem. C'est lorsqu'on verse la deuxième coupe, que l'enfant — passablement intrigué par ces modifications apportées au repas —, doit interroger son père et s'il n'en a pas la présence d'esprit, c'est le père qui l'instruit en quoi cette nuit diffère des autres nuits — afin de célébrer la sortie d'Égypte ; en fonction du niveau de son fils, le père l'instruit, « commençant par la disgrâce et finissant par la louange, commentant “Un Araméen errant fut mon père” (Dt 26,5–10) jusque la fin de la section » (m. Pessahim 10:4) car elle et ses commentaires encapsulent ce qu'il convient de faire savoir à l'enfant hébreu. Rabban Gamliel est cependant d'avis qu'on ne peut s'acquitter de ce devoir sans rappeler les trois symboles de la fête qui sont pessa'h, matsa oumaror (la pâque c.-à-d. l'agneau pascal, l'azyme et l'herbe amère) : pessa'h« parce que le Lieu est passé (passa'h) au-dessus des maisons de nos pères en Égypte » lors de la plaie des nouveau-nés, matsa« parce qu'ils ont été rédimés en Égypte », maror« parce que les Égyptiens ont aigri (mererou) la vie de nos pères en Égypte ». En effet, « à chaque génération et génération, l'on doit se voir comme si l'on était sorti [soi-même] d'Égypte, ainsi qu'il est dit “Tu raconteras en ce jour à ton fils ainsi : c'est à cause de ce (baʿavour zè) que Dieu a fait pour moi lorsque je sortis d'Égypte” (Ex 13,8), » et c'est pourquoi l'on doit le remercier et chanter ses louanges, par le Hallel (m. Pessahim 10:5). On s'interrompt après le second de ses psaumes et l'on intercale une bénédiction de louange sur la rédemption (m. Pessahim 10:6) avant de passer au repas. Celui-ci terminé, on lui verse une troisième coupe sur laquelle il bénitle repas et une quatrième sur laquelle il achève le Hallel et dit la bénédiction sur le chant ; entre ces deux coupes, il ne boit pas (m. Pessahim 10:7), et « l'on n'ajoute pas après la pâque d'afikoman ». Comme la pâque souille les mains après minuit, le repas doit être terminé auparavant, pour autant que les convives soient éveillés ou somnolents tout au plus (m. Pessahim 10:8-9).
La composition du Séder
Plat du Séder (1948 Pal-Bell, Maurice Ascalon)
Le Séder requiert un plateau spécifique qui doit comporter les huit éléments suivants :
Trois Matzoth[1] (du pain azyme) disposées l'une au-dessus de l'autre, chacune couverte séparément ;
Le Karpass, littéralement persil, éventuellement remplacé par d'autres herbes vertes (cerfeuil, céleri feuille, etc.), voire des légumes (pomme de terre, radis, raifort, etc.) ;
De l'eau salée pour rappeler le goût des larmes des enfants d'Israël pendant leur esclavage ;
La Bēṣa : un œuf dur, en souvenir de la destruction du Temple de Jérusalem ;
La Hazérèt : supplément d'herbes amères[2], seule la hazérèt sert au korekh (sandwich de matsa et d’herbes amères)[3] ;
Tout au long de la lecture du récit de l'Exode, ces aliments sont utilisés comme symboles pour rappeler différents aspects de l'histoire rapportée par la Torah. Quatre coupes de vin (ou jus de raisin) sont bues par chaque convive, chacune à un moment spécifique du Seder (Cinq coupes chez certains Séfarades).
Un riche dîner fait principalement de viande d'agneau rôtie est également servi pendant le Séder. On dresse la table la plus belle possible.
On mange accoudé sur le côté gauche en signe de liberté.
Le rituel du Séder
L'ordre
Programme du Séder
La Haggada indique la procédure à suivre pour la soirée qui consiste en 15 étapes :
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Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons - cc-by-sa-3.0
Matzot sur un plat ancien avec, inscrite sur le marli, la bénédiction על אכילת מצהʿal ʾakhilat maṣṣā (« [… qui nous as prescrit] la consommation d’azyme »).
Qaddeshקדש : on récite la bénédiction du Kiddoush autour de la première coupe de vin (ou de jus de raisin) ;
Our'haṣורחץ : tous se lavent les mains, sans bénédiction, avant de manger le Karpass trempé dans l'eau, car on fait la nétylla (prière sur le lavage des mains) sans bénédiction avant de manger des aliments trempés dans des liquides. Il existe un signe pour se rappeler ces liquides : yad chah'at dam - יד שחט דם ; ce sont les initiales de יין-vin, דם-sang, שמן-huile, חלב-lait, טל-rosée, דבש-miel, מים-eau ;
Karpassכרפס : les convives mangent du persil, ou du cerfeuil, ou du céleri feuille ou un autre légume (pomme de terre, radis, etc.) trempé dans de l'eau salée ;
Ya'haṣיחץ : on casse en deux parties la matza du milieu et on garde la plus grande partie comme Afiqoman pour la fin du repas ;
Magguidמגיד : récit de l'histoire de l'Exode. Le plus jeune convive montre son intérêt en posant quatre questions traditionnelles (ma nishtana) ; on boit la seconde coupe de vin (ou de jus de raisin) ;
Ra'hṣāרחצה : tous les convives procèdent à netyllat yadayim (l'ablution des mains) avec bénédiction ;
Moṣiמוציא : On récite la bénédiction המוציא לחם מן הארץ sur les trois maṣṣoth (la moitié entre les deux entières) ;
Maṣṣāמצה : puis on lâche la maṣṣa inférieure et on récite la bénédiction על אכילת מצה ;
Marorמרור : on mange les herbes amères (Laitue romaine ou endive ou raifort, etc.) trempées légèrement dans le 'harosseth ;
Korekhכורך : on déguste la maṣṣa et les herbes amères ensemble, selon la coutume de Hillel l'Ancien ;
Choul'han ʿOrekhשולחן עורך : la table servie, les convives mangent le repas du soir ;
Ṣafounצפון : on mange l'Afiqoman pour marquer la fin du dîner ;
Barekhברך : bénédictions qui suivent le repas et troisième coupe de vin (ou de jus de raisin) ;
Hallelהלל : lecture du Hallel, louanges lues traditionnellement lors des fêtes, et quatrième coupe de vin (ou de jus de raisin) ;
Nirṣāנירצה : conclusion du Seder autour de chants symboliques.
Durant le Seder, les Juifs se remémorent le passage de leurs ancêtres de l’esclavage à la liberté. Passa'h signifie « passage » :
Comme c’est surtout le mémorial d'un passage de l’esclavage à la liberté, c’est aussi une recherche de liberté individuelle, à travers les 15 étapes du Sedēr[4]. Il est important de préciser que le Sedēr correspond aux miṣwoth (les Commandements et le Décalogue).
Un séder de Pessa'h dans un kibboutz des années 1950En premier, c’est le Qiddoush (ou Kiddoush), qui veut dire « spécial, sanctification » Les Juifs doivent se rendre compte que chacun d’eux est unique (pendant qu’on récite le Qiddoush). Chacun entame son voyage vers la liberté individuelle, en se posant des questions comme : De quoi l'humanité a-t-elle le plus besoin? En quoi puis-je contribuer de manière profonde à protéger et à alimenter le monde ? Et... que vais-je faire à ce sujet ?
Les convives boivent la première coupe de vin.
Après, tout le monde se lave les mains, sans bénédiction.
En troisième, les convives prennent une herbe ou un légume et bénissent Dieu d’avoir créé les fruits de la terre. Il faut être reconnaissant[5]. Pour que ce légume parvienne à la table, il a dû être planté, récolté, emballé, transporté, déchargé, déballé, disposé sur l'étal et enregistré par un caissier - avant même qu’on puisse l'amener à la maison. C’est le moment où il faut réaliser que si tout le monde était content de tout ce qu’il a, il dirait : « La vie est un cadeau merveilleux ! ». Le persil ou cerfeuil trempé dans l'eau salée rappelle les larmes versées par les Hébreux en esclavage.
La quatrième étape, c’est de briser la maṣṣa du milieu. Pour le rituel du Séder, on a disposé l'un au-dessus de l'autre trois pains ronds sans levain, c’est pourquoi on précise « la massa du milieu ». Le maître de table la brise en deux part inégales, dont la plus grande, l'Afiqoman, sera consommée à la fin du repas. Si on la brise maintenant, c’est que, pour trouver la liberté, il faut savoir prévoir l’avenir, anticiper le futur. Voici venu le moment de raconter la sortie d’Égypte, l’exode, en lisant la Haggada. Pour ce faire, on reste éveillé durant une bonne partie de la nuit.
On boit la 2e coupe de vin.
Tout le monde se lave les mains, cette fois avec la bénédiction.
On bénit la matza et on la consomme. La matza, ce pain azyme, cuit rapidement, de sorte qu’il n’a pas levé, représente la rapidité avec laquelle les Hébreux sont partis d’Égypte, en se dépêchant de faire cuire leur pain sans attendre qu'il ait levé.
Durant cette étape, on mange des « herbes amères » (maror) pour se rappeler toutes les difficultés que les Hébreux ont traversées, avec l’amertume qui s’ensuivait. Les Juifs se rappellent alors que Dieu ne les a pas abandonnés, même dans les moments difficiles.
Durant la 10e étape, les convives mangent le korekh, ce sandwich fait avec la matza , des herbes amères, et du harosseth. La matza brisée et reconstituée dans le sandwich, « sandwich fait de brique et de mortier », cela représente le peuple juif, qui est toujours resté uni.
La nuit du Séder, les Juifs consomment un repas de fête pour se rappeler que la vraie liberté est la capacité de sanctifier la vie. Contrairement à d'autres religions, le judaïsme n’impose pas de grandes contraintes physiques[6]. Selon les Juifs, si Dieu a créé une telle panoplie de textures et d’arômes, c’est parce qu’il veut que ses créatures ressentent du plaisir[5].
Le dernier aliment que les convives mangent, c’est l’Afiqoman (le morceau de maṣṣa mis de côté, en guise de dessert). Ils le mangent non pas par faim, mais en souvenir du Qorban-Pessa'h (Sacrifice pascal) que Dieu avait ordonné[7] et qui ne peut plus être pratiqué depuis la destruction du Temple. Le plaisir physique, bien qu'il fasse partie intégrante de leur vie[5], doit parfois céder la place à une valeur suprême, au spirituel. De plus, le pain azyme représentant la liberté, le repas se termine avec le goût de la liberté dans la bouche.
La 13e étape est variée : d’abord, les Juifs se rappellent qu’il faut faire ce qui est juste, même si ce n’est pas dans l’idée populaire. Ensuite, ils récitent le Birkat Hamazone, la bénédiction de la fin du repas.
C’est aussi le moment où est bue la 3e coupe de vin.
Puis vient le Hallel. On reconnaît le mot dans Halelujah ( הללויה ) parce qu’Hallel signifie « louange ». Les juifs chantent des psaumes, crient et expriment leur joie d’être délivrés.
On consomme aussi la quatrième et dernière coupe de vin.
Le Sedēr se conclut par des chants. Tous les Juifs se souhaitent aussi de fêter le prochain Sedēr à Jérusalem. (LeShana habba'a biroushalaïm : L'An Prochain à Jérusalem).
Plat et mets du Seder de Pessah sur une vaisselle israélienne
Dans la tradition ashkénaze, l'Afiqoman est caché au début du repas et les enfants doivent le chercher à la fin du repas.
Lors de la lecture des dix plaies d'Égypte, on verse du vin ainsi que de l'eau dans un récipient pour chaque plaie dont les Juifs souhaitent être préservés.
Certains ont l'habitude de remplir une cinquième coupe de vin en l'honneur du prophète Eliyahou.
Dans ce cas, elle sera remplie avant le Hallel dans un verre à part. On commence le Hallel, puis on en répartit le contenu entre les convives pour ce qui sera la quatrième coupe, en complétant si nécessaire[réf. nécessaire].
Dans la culture
L'artiste québécois SoCalled a réalisé en 2005 un album intitulé The So Called Seder : A Hip Hop Haggadah dont les pistes reprennent l'ordre traditionnel de la Haggadah en samplant des extraits de musique traditionnelle.