Robert Hugues-Lambert
Nom de naissance | Hugues Robert Lambert |
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Naissance |
4e arrondissement de Paris |
Nationalité | Française |
Décès |
(à 36 ans) camp de concentration de Gross-Rosen |
Profession | Acteur |
Robert Hugues-Lambert est un acteur français, né le dans le 4e arrondissement de Paris et mort le au camp de concentration de Gross-Rosen (nom allemand de Rogoźnica, village aujourd'hui en Pologne).
Il a été acteur de théâtre et n'a tourné qu'un seul film au cinéma, Mermoz dans lequel il incarne le rôle-titre.
Biographie
Origines et formation
Robert Hugues-Lambert naît le au 75 rue Saint-Antoine, dans le 4e arrondissement de Paris, sous le nom d'état civil de « Hugues Robert Lambert »[1], de Jean Lambert, vendeur au BHV âgé de 24 ans, et de son épouse Louise Eugénie André, caissière dans le même magasin âgée de 21 ans[2],[3]. Une fois son brevet des collèges en poche, il est d'abord employé de banque et se produit également dans une troupe de théâtre amateur.
À 18 ans, il est émancipé par ses parents et suit des cours d'art dramatique avant de partir effectuer son service militaire dans les chasseurs alpins[3].
Brève carrière, vie privée et arrestation
À son retour, garçon romantique à l'âme d'artiste, Robert Hugues-Lambert erre dans Paris, en déclamant des vers de Musset dans le parc Monceau. Il décroche un engagement au théâtre de l'Odéon. Le soir de la première, il oublie de se présenter pour tenir son rôle. Il en est renvoyé[3].
Sa mère meurt en 1934 (il a 26 ans), laissant le jeune homme désespéré. Il se brouille avec son père et n'assiste pas au remariage de ce dernier.
Homosexuel assumé, il fréquente les lieux interlopes de la capitale. On le retrouve acteur, en 1942, aux côtés de Jacques Dynam dans une pièce de Jean Giono, Le Bout de la route. C'est lors d'une de ces représentations qu'il est remarqué pour un projet de film retraçant la vie de l'aviateur Jean Mermoz. La mère de l'aviateur, à qui Robert Hugues-Lambert se présente, est bouleversée par la ressemblance du comédien avec son fils disparu[3]. Il est ainsi retenu dans la distribution. Réalisé par Louis Cuny, le tournage de Mermoz débute en 1942, et le film est presque terminé lorsque, le , Robert Hugues-Lambert se rend chez Harcourt pour une séance de photos. En sortant du studio, la séance terminée, il s'arrête dans un café-restaurant fréquenté, entre autres, par des homosexuels. La police allemande fait soudain irruption pour un contrôle d'identité. Robert Hugues-Lambert, dénoncé pour être l'amant d'un officier de la Wehrmacht, est arrêté et inculpé pour « oisiveté » (et non homosexualité) puis dirigé, dès le lendemain, vers le camp de Royallieu près de Compiègne[4], dans l'Oise.
Pour achever les dernières scènes du film Mermoz, une doublure physique va devoir le remplacer (de dos) : Henri Vidal est choisi à cet effet. Mais Vidal n'a pas le même timbre de voix qu'Hugues-Lambert. Pour les raccords de voix, Louis Cuny dépêche une équipe jusqu'à son lieu de détention dans l'Oise, et avec la complicité d'un gardien du camp, réussit à enregistrer la voix d'Hugues-Lambert à l'aide d'une perche passée par-dessus l'enceinte du camp[3].
Déportation et mort
Le , Robert Hugues-Lambert, qui espérait être libéré, est pourtant déporté au camp de concentration de Buchenwald[5] (en Thuringe) sous le matricule 21623 (arrivée le ) et affecté au bloc 31[3].
Peu après son arrivée à Buchenwald, il se lie avec François Francen (1922-1943) — fils naturel de la comédienne Mary Marquet et de Firmin Gémier[3],[a] — qui va mourir peu après dans ce camp[6].
En France le , le film Mermoz est achevé, et fait l'objet d'une projection privée à Vichy. Y assistent, entre autres, Pétain lui-même, la mère de Mermoz, ainsi que le sculpteur François Cogné. Trois jours plus tard, une seconde projection a lieu à Paris, à l'opéra Garnier, dans le cadre d'une soirée de gala, au bénéfice de la Croix-Rouge. Max Bonnafous, ministre de l'Agriculture et du Ravitaillement du régime de Vichy est présent, et le Tout-Paris de l'Occupation s'y précipite, et l'absence de l'acteur principal n'y est pas évoquée[3].
La sortie très attendue du film en salles a lieu le suivant.
En Allemagne un an plus tard, le , Robert Hugues-Lambert est transféré au camp de concentration de Flossenbürg en Bavière, où il travaille à la briqueterie. On le retrouve ensuite au camp de concentration de Gross-Rosen, en Basse-Silésie. Très affaibli et souffrant d'œdèmes aux jambes, il y meurt d'épuisement quelques mois plus tard, le [2], dans l'oubli le plus total.
Postérité
Le parcours étonnant de Robert Hugues-Lambert est évoqué dans un ouvrage de René Chateau, Le Cinéma français sous l'Occupation, 1940-1944, publié en 1995[7].
En 1999, Marcel Bluwal est le premier à consacrer un long métrage à l'acteur et à l'histoire du tournage du film Mermoz, intitulé Le Plus Beau Pays du monde[8]. Mais par manque probable d'archives connues à l'époque, le premier internement de Robert Hugues-Lambert se passe, dans ce long métrage et dans l'ouvrage de René Chateau, au camp de Drancy, au lieu de celui de Royallieu près de Compiègne[3].
Certains points de l'arrestation et de la déportation de Robert Hugues-Lambert demeurent encore un mystère. En effet, il semble qu'il n'a jamais porté de triangle rose (réservé aux homosexuels), mais le triangle rouge (réservé aux prisonniers politiques)[réf. souhaitée]. Or, Robert Hugues-Lambert n'a jamais fait de politique. Le film est ressorti en 1945[réf. souhaitée]. L'hebdomadaire satirique Le Canard enchainé a porté un jugement négatif sur le film ; « Si parfois les anges ont des ailes, le metteur en scène du film a des oreilles d’âne. Pauvre Mermoz il est mort deux fois. »[réf. souhaitée]
Notes et références
Notes
- François Marquet a été légitimé par l'acteur Victor Francen (sous son nom d'état civil, « Franssen ») en 1933, au moment de son mariage avec Mary Marquet.
Références
- Les Gens du cinéma, « Fiche de Robert Hugues-Lambert », sur lesgensducinema.com (consulté le )
- Archives de Paris, mairie du 4e arrondissement, « Acte de naissance no 420 de Hugues Robert Lambert, cote 4N 202, vue 13/31 », avec mention marginale de la mort le 7 mars 1945 à Gross Rosen (Allemagne), sur archives.paris.fr (consulté le ) : «
L'an 1908, le à midi, acte de naissance de Hugues Robert Lambert, du sexe masculin, né le 1er courant, à 8 h du matin, chez ses père et mère, rue Saint-Antoine 75, à nous présenté ; fils de Jean Lambert, 24 ans, employé de commerce, et de Louise Eugénie André, 21 ans, caissière, mariés. » - Marc Epstein, « Tout le monde l'appelait «Mermoz» » , sur L'Express.fr, (consulté le )
- Archives du Service historique de la défense (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains, situé à Caen).
- Livre-Mémorial réalisé par la Fondation pour la mémoire de la déportation, éditions Tirésias, 2004.
- « Arrêté du 7 août 2009 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès / NOR : DEFD0919458A / Texte no 67 », Journal officiel de la République française no 0198, (consulté le ) : «
Franssen (François, Marcel, Jean, Roger), né le 12 février 1922 à Paris (6e) (Seine), décédé le 15 décembre 1943 à Weimar-Buchenwald (Allemagne) » - Hélène Hazera, « Un cinéma d'Occupation », sur Libération.fr, (consulté le )
- Jacques Siclier, « Le plus beau pays du monde » , sur Le Monde.fr, (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Jacques Siclier, La France de Pétain et son cinéma, Veyrier, 1981.
- René Chateau, Le Cinéma français sous l'Occupation, 1940-1944, René Chateau, 1995.
- Paul Le Caër, Mauthausen, crimes impunis, OREP, 2007.
- Patrick Buisson, 1940-1945 Années érotiques - II De la grande prostituée à la revanche des mâles, 2012
Liens externes
- Ressource relative au spectacle :
- Ressource relative à l'audiovisuel :
- Robert Hugues-Lambert sur L'Express.fr