Paul Adam - Vénérable Aryadeva

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Biographie

Paul Adam consacra sa vie à la recherche du lien qui unissait les religions entre elles. Sa réflexion intérieure était centrée sur leur compréhension, le message qu'elles étaient censées transmettre, à savoir la découverte de la permanence lors d'un passage éphémère sur terre : « la Réalité [1] de l'être et de son devenir ».

Méditation, concentration et recherche furent les maîtres mots de Paul Adam, jusqu'à ce qu'il « redécouvre » cette Clef de la Connaissance, véritable tronc commun de toute tradition et religion véritables (certaines – notamment des sectes – ne possédant aucune assise). Obtenir la réalisation de ce que représente la clef, c'est pouvoir unir indéfectiblement le temps, l'espace et le mouvement dans l'instant et dans le lieu présents. C'est devenir « un » au cœur de la multiplicité (universum).

Né à Versailles le 17 février 1917, mort à Prénovel dans le Jura, le 8 juin 1970, il avait 13 ans lorsque, déjà las d'une existence qui lui semblait vide de sens, un titre l'avait attiré : Lumières d'Orient (d’ Émile Vedel). À l'ombre d'un arbre, il lut jusqu'à la nuit tombée. Un passage, tiré des enseignements du Bouddha, devait changer le cours de son existence, se résumant à : Soyez votre propre flambeau… Il comprit alors qu'il était l'artisan de son devenir et que son évolution devait passer par lui-même, à savoir sa propre compréhension. Dès lors, il commença à étudier les textes sacrés des grandes religions, allant jusqu'à apprendre leurs langues véhiculaires (onze langues) dans le but de saisir leur signification profonde. C'est ainsi qu'il se plongea dans les Veda en sanskrit, dans l'Ancien Testament en hébreu, le Coran en arabe, etc.

Lors de la signature de l'Armistice, le 22 juin 1940, Paul Adam fait partie des quelques deux millions de Français prisonniers [2] en Allemagne. Pris pour un juif qui portait le même nom, il est placé dans un camp d'extermination. Après enquête, on le sort de ce purgatoire, et il est envoyé se refaire une santé comme ouvrier agricole auprès d'une famille de paysans allemands au milieu de laquelle il apprend leur langue. On l'y retire au bout d'un an pour l'enfermer dans un camp de travail obligatoire. Ordre lui est donné de mettre sa qualification professionnelle au service de l'Allemagne. Sa connaissance de l'allemand lui permet de devenir homme de confiance, ce qu'il met à profit pour organiser un réseau d'évasion dont personne ne connaissait le responsable. Plusieurs dizaines de ses camarades d'infortune retrouvèrent ainsi la France. Lui, ne s'évadera pas. « Libre derrière les barbelés » comme il avait coutume de dire, il lit les Upanishads [3] et continue à étudier en solitaire. C'est l'arrivée des Américains qui le délivrera. Il les suivra quelque temps dans leur progression victorieuse, puis, épuisé physiquement, il sera rapatrié.

Trois ans s'écoulent à l'issue desquels la « clef » se révèle à lui, clef qui permet d'ouvrir à la compréhension les écrits religieux. Il revoit ce qu'il a appris et lu depuis l'âge de 13 ans et le vérifie avec sa pierre de touche. Tous les textes, fermés jusqu'alors, deviennent clairs. "Les symboles culturels, d'autres part, sont ceux qui ont été utilisés pour exprimer des vérités éternelles"[4].

Entre 1947 et 1950 Paul Adam croise et remplace au pied levé Alexandra David-Néel qui le félicite, lors d'une conférence donnée à la Société théosophique de Paris.

Les Symboles

Le langage des symboles (ou symbologie) demeure le plus apte à suggérer ce qui ne peut être totalement expliqué [5]. C'est pourquoi on le retrouve dans toutes les religions dont l'objectif est d'indiquer une voie permettant d'établir le lien entre le passage éphémère de l'homme sur terre et sa source originelle [6]. "L'histoire du symbolisme montre que tout peut recevoir une signification : les objets naturels (comme les pierres, les montagnes et les vallées, le soleil, la lune, le vent, l'eau et le feu) ou fabriqués par l'homme (comme les maisons, les bateaux, les voitures) ou même les formes abstraites (les chiffres, le triangle, le carré, le cercle). En fait tout l'univers est un symbole en puissance" C.G.JUNG [7]. Ces voies sont une approche de l'universalité en l'être. Le mot "univers" inclut le sens d' "unité de la diversité". Mais l'Unique étant incomparable, car sans contraire, ne se formule pas. Autrement dit, il existe une frontière entre ce que l'homme perçoit et la Réalité immuable qui le façonne. Cette limite est reconnaissable par la clef des symboles. Celle-ci est composée d'un quaternaire élémentaire qui émane d'une quintessence et se résume en elle (Photius : « Ils proclamaient (Phytagoriciens) que tout est nombre et que le nombre complet est dix. Le nombre dix, la [décade], est un composé des quatre premiers nombres que nous comptons dans leur ordre. C'est pourquoi ils appelaient Tétraktys [Tétrade] le tout constitué par ce nombre. » 1 + 2 + 3 + 4 = 10 ) [8]. Il n'y a donc qu'une seule réalité pour tous les phénomènes, un seul principe pour toutes les formes et une seule clef pour tous les principes. Cette synthèse s'applique à la totalité des perceptions, de la même façon que l'on condense tous les nombres avec les quatre premiers chiffres, toute la géométrie avec le point, la ligne, la surface et le volume, toutes les couleurs avec le rouge, le jaune, le bleu et le blanc... Dès Archytas peut-être ou après Platon, les pythagoriciens associent le 1 au point, le 2 à la ligne, le 3 à la surface (la figure géométrique à deux dimensions : cercle, triangle, carré, etc.), le 4 au solide (la figure géométrique à trois dimensions : cube, sphère, pyramide, etc.). Nous retrouvons sous une autre forme ce même Quaternaire dans les Veda, textes sacrés à la base de l'hindouisme[9]. C'est avant tout dans la simplicité que se résume la complexité. L'ultime connaissance est, au-delà des perceptions, la pénétration dans l'Unité inconditionnée. Il s'agit d'une réalisation que nul ne peut transmettre. Connaître la limite du raisonnable c'est avoir conscience que la porte de l'entendement peut s'ouvrir, non pas dans un avenir hypothétique mais dans l'instant immédiat, constant et unique. C'est ce que permet de comprendre, en finalité, la clef des symboles [10].

La Clef Universelle

Le monde moderne a de plus en plus de difficultés à déchiffrer l'héritage traditionnel des sciences sacrées[11]. Les recherches en sémiotique traitent de la signification des symboles relatifs aux grandes traditions sacrées antiques et contemporaines. Très variés, les symboles peuvent être des signes graphiques, idéographiques, numériques, géométriques, linguistiques, etc. Un symbole qualifié d'universel est sémantiquement illimité. Cependant, l'originalité de ce thésaurus tient au fait qu'il existe un fondement commun à tous les symboles : la Clef (Blason du Vatican, symbole du Dieu Janus [12], la clé de la maison de David [13], les clef du royaume des ciels [14]...). Dans l'Islam - Dieu connaît les injustes ; il possède les clés du mystère que lui seul connaît parfaitement.-[15] La Shahâdah ou "profession de foi" est une clé de l'Islam et représente l'entrée effective au sein de la communauté des croyants : "Les interprétations ésotériques font de chacun des quatre mots de la Shahâdah une des quatre dents de la clef qui, à condition d'être entière, ouvre toutes les portes de la Parole de Dieu, et donc celles du Paradis." [16]. Celle-ci permet d'aboutir à la conclusion qu'il existe une unité fondamentale de la pensée, au-delà de tout particularisme.

Arrivée en Inde (1952)

Moins d'un mois après son arrivée à l'université de Nalanda, dans l'État du Bihar, sa connaissance du sanskrit, du pali et du canon bouddhique ( le Tripitaka ) lui permettent d'être ordonné[17] moine Bhikṣu dans l'Ordre du Bouddha ( le Sangha ), sous le nom de « Vénérable Aryadeva ». Il apprend à se présenter de porte en porte avec son bol afin de se nourrir. Très rapidement, il assimile les coutumes locales et commence à se familiariser avec le hindi, la langue la plus répandue avec l'anglais.

À la demande des autorités indiennes, et afin de ne pas être une charge pour la population, Paul Adam, désormais « Vénérable Aryadeva », enseigne les langues étrangères à l'Institut de sanskrit de Darbhanga[18], parmi les brahmanes de Mithila. Sa maison lui est prêtée par le Maharaja de Darbhanga avec lequel il entretient des relations d'estime.

Paul Adam est, pour un certain temps, le guide d'un journaliste de Paris-Match et de son photographe pour un reportage [19] sur le bouddhisme en particulier et sur l'Inde en général. C'est l'occasion d'un véritable périple qui les conduira aux points stratégiques de la vie du prince Siddhârta qui devait devenir le Bouddha Gautama.

Pendant quinze ans, il parcourt l'Inde du Nord et les pays limitrophes, s'aventurant derrière la frontière du Tibet chinois jusqu'au milieu des sadhu shivaïtes revêtus de cendres et porteurs du trident. Pris au milieu de tempêtes de neige dans l'Himalaya, subissant la chaleur torride des plaines de l'Inde ou confronté aux dégâts causés par la mousson, il continue avec la même sérénité à faire face à toutes les situations.

Reconnu pour son savoir, il est le premier Occidental à être reçu par les brahmanes dans le temple d'or de Bénarès ( Acharya Vinoba Bhave, le successeur de Gandhi n'a pas pu se rendre dans ce temple sous peine d'en perdre la vie). Sollicité pour prendre la parole lors de meetings traditionnels, il est l'objet d'actes de reconnaissance inhabituels pour un européen. Que ce soit dans les jungles, dans les lieux de pèlerinage, dans les plus modestes villages qu'il traverse ou dans les plus grands monastères, Paul Adam accumule les enseignements relatifs à la clef de la connaissance.

Il est photographié une sandale à la main avec le pandit Nehru lors d'une réception officielle. On le voit défiler dans les rues lors du 2500e anniversaire du Bouddha. Afin de réserver et de centraliser le précieux héritage des textes sacrés, il participe en juillet 1960 à la fondation d'une société bouddhique dans l'Himalaya, la Buddhist himalayan society, et refuse la présidence du Kamaleshvari Sarvodaya-samstan, « la société pour le bien de tous », mouvement gandhiste indien, à tendance plus politique que traditionnelle. À l'aise aussi bien avec les serpents qu'au milieu de l'hostilité de certains brahmanes sectaires, il est le confident ou celui que l'on vient consulter sur les textes sacrés. Sa correspondance avec les uns et les autres est plus riche d'enseignements traditionnels qu'elle ne contient d'informations sur lui-même. Il est si bien intégré que, lorsqu'il annonce son départ pour retourner en France, aucun de ses amis ne croit qu'il sera capable de rester loin de l'Inde.

Retour en France (1967)

C'est mal le connaître, car il aime paraphraser le Bouddha : « Partout où brillent le soleil, la lune et la Loi, je suis chez moi. » Il s'installe dans le Jura français, se marie et a un fils. Il rencontre Henry Normand qui poursuivra et diffusera son œuvre [20] et enseignements[21]. Mais il doit payer son tribut à l'Inde et à la rude existence qu'il a menée. Victime de bilharziose, il disparaît trois ans après son retour sur le sol natal, non sans avoir préparé les siens à continuer son œuvre pour la mettre à la disposition de tous.

Autodidacte, connaissant onze langues, mort à l'âge de 53 ans, Paul Adam a laissé une formidable somme de documents [22] . Depuis des millénaires, les religions affirment qu'il existe une omniscience apportant une solution à toutes les questions essentielles. L'étude comparative des grandes religions et de leurs caractéristiques fut son travail et répond au besoin des hommes de s'ouvrir sur l'intelligence universelle telle qu'elle fut perçue depuis des siècles à travers le monde. Jamais encore une telle synthèse du symbole n'a été exposée aussi clairement, que ce soit dans les spécificités de chaque tradition ou dans ce qui constitue leur tronc commun.

À travers le langage des symboles, on constatera que les textes des anciens Sages sont d'une frappante actualité et que la connaissance qu'ils louaient ne pourra jamais passer de mode. Peut-être s'étonnera-t-on que l'on ait pu en négliger les enseignements aussi longtemps…

Références

  1. "Le Réel occupe de la sorte une place toute spéciale de par le caractère particulier de sa valeur métaphysique, et ceci précisément lié à la Connaissance, et donc à la « réalisation » de cette connaissance par l'individu. Le Réel peut donc être défini comme étant « une expression de la permanence absolue, dans l'Universel, de tout ce dont un être atteint la possession effective par la totale réalisation de soi-même »." - Le Dictionnaire de René Guénon - J.M. Vivenza. Ed Le Mercure Dauphinois. 2009. p. 421-422
  2. Archives : Centre national d'Information sur les prisonniers de guerre - 07 septembre 1940 / 37° R.A.D
  3. "Lire les Upanishads...dirait Shri Aurobindo, est un véritable yoga qui non seulement désigne le but (l'union au Soi) mais aussi indique le chemin et les moyens qui y mènent." "108 Upanishads" M.Buttex Ed. Dervy p. 8
  4. Le rôle des symboles : "L'Homme et ses symboles" C.G. Jung. Ed. R.Laffont p. 93
  5. "C'est parce que d'innombrables choses se situent au-delà des limites de l'entendement humain que nous utilisons constamment des termes symboliques pour représenter des concepts que nous ne pouvons ni définir, ni comprendre pleinement." "L'Homme et ses symboles" C.G.Jung. Ed. R.Laffont p. 21
  6. Note : "L'histoire étroitement lié de la religion et de l'art, qui remonte jusqu'aux temps préhistoriques, est le témoignage légué par nos ancêtres, des symboles qui ont eu un sens pour eux et les ont émus" extrait de "L'Homme et ses symboles" C.G. Jung. Ed. R.Laffont p. 232
  7. "L'Homme et ses symboles" C.G.Jung. Ed. R.Laffont p. 232
  8. Photius, Bibliothèque, codex 249 : trad., t. VII, Les Belles Lettres, 1974, 2° éd. 2003, p. 126-134
  9. Tous les êtres sont un quart de sa mesure, les trois autres sont l'immortel au ciel. Avec ses trois quartiers lHomme est monté là-haut. Mais l'autre quart est demeuré ici , d'où il a développé en tous sens les choses qui mangent et celles qui ne mangent pas. (Rig-Veda 10.90)
  10. Dans le Tao tö king (chp.XLII) : Le Tao (zéro) engendre Un. Un engendre Deux. Deux engendre Trois. Trois engendre tous les être du monde (quatre).
  11. Symboles de la science sacrée de René Guénon (Auteur).Ed. NRF 1977
  12. Encyclopædia Universalis "les deux visages de la statue évoquent le présent comme transition du passé au futur et il est paré des emblèmes du portier, le bâton et la clé" - Jean-Paul BRISSON.
  13. Esaïe 22 22
  14. Evangile de St Mathieu 16 19
  15. Le Coran VI 59
  16. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant - Dictionnaire des symboles - Ed. R.Laffont, Paris 1982. p. 214
  17. Par le Vénérable Jagdish Kashyap (1908-1976), fondateur de l'actuelle "Nouvelle Université-Monastère" de Nalanda (Mahavihara).
  18. . L'institut de Darbhanga fut créé en 1951 par la donation du Maharaja de Darbhanga Sir Kameshwara Singhjee Bahadur, pour la défense et l'étude du Sanskrit.
  19. Note : paru dans les numéros 319, 320, 321 et 456 de Paris-Match.
  20. Bibliographie :
    • 1979 : La Clef ou la symbologie universelle restituée, Tome I, éditions Tchou
    • 1982 : La Clef ou la symbologie universelle restituée, Tome II, éditions Padma
    • 1992 : La Clef ou la symbologie universelle restituée, Tome III, éditions Padma
    • 1979 : La lampe dans la caverne, éditions Tchou
    • 1985 : Les Maîtres du Tao - Lao Tseu, Lie-Tseu, Tchouang-tseu, éditions du Félin
    • 1987 : Les Fondements du christianisme - L'esprit de la gnose, éditions du Félin
    • 1991 : Science et Tradition, éditions Louise Courteau
    • 1997 : Dictionnaire des symboles universels basés sur le principe de la clef de la connaissance, Tome I, éditions Geuthner
    • 1997 : Dictionnaire des symboles universels basés sur le principe de la clef de la connaissance, Tome II, éditions Geuthner
    • 1998 : Symboles universels et traditions vivantes, les grands supports symboliques, langages des dieux, Tome III, éditions Geuthner
    • 1998 : Symboles universels et traditions vivantes, les grands supports symboliques, architecture divine, Tome IV, éditions Geuthner
    • 1998 : Symboles universels et traditions vivantes, approches traditionnelles, sacre de l'univers, Tome V, éditions Geuthner
    • 1998 : Symboles universels et traditions vivantes, approches traditionnelles, sagesse de la voie, Tome VI, éditions Geuthner
    • 2004 : L'arbre, de la terre au ciel, éditions Dervy
    • 2005 : Contes et pensées anti-stress, éditions Dervy
    • 2005 : Dictionnaire des symboles universels, Tome I, éditions Dervy
    • 2007 : Dictionnaire des symboles universels, Tome II, éditions Dervy
    • 2008 : Dictionnaire des symboles universels, Tome III, éditions Dervy
    • 2012 : Dictionnaire des symboles universels, Tome IV, éditions Dervy bibliographie
    En préparation :
    • Dictionnaire des symboles universels, Tome V
    • Le porteur de Foudre, biographie du Vénérable Aryadeva
    • ...
  21. Conférences : De 1990 à 1992, Henry Normand a donné un cycle de conférences à la Sorbonne, organisées par « Espace Expression – rencontres culturelles d'Île-de-France », sur les thèmes : Conférences données pour la Grande Loge nationale française (G.L.N.F.)
    • La clef
    • Science et Tradition
    • À l'aube d'un retour à la connaissance traditionnelle
    • Les grandes voies initiatiques en Occident
    • ...
  22. Note : Fond de la Société des Amis du Bouddhisme (Paris), publication "Les paroles du Guru" 1971, 302 p.

Voir aussi

Liens externes

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