Michel Ranson

Michel Ranson (1919 à Paris XIIè) est un ancien parachutiste SOE pendant la Seconde Guerre mondiale et photographe de plateau.

Biographie

Les années de formation

Fils du peintre René Gontran Ranson,[1] ancien pensionnaire du lycée Michelet à Vanves (92), Michel Ranson suit des études chorégraphiques classiques à l'Opéra et l'Opéra-comique de Paris sous la direction des maîtres de ballet Robert Quinault (surnommé en son temps le "Nijinsky français") et Gustave Ricaux, espérant devenir danseur.

Parallèlement il est formé aux arts décoratifs par son père, artiste peintre installé depuis 1933 au 189 de la rue Ordener dans la résidence parisienne « Montmartre aux artistes »[2]. Celui ci a fait, dans les années 1930, les décors et les costumes pour différentes revues parisiennes (les Folies Bergère, le Moulin Rouge, le Casino de Paris, les Bouffes Parisiens, le Lido, le Rex) mais aussi pour la Comédie française, l'Opéra et l'Opéra-Comique de Paris.[3]

Michel Ranson croise dans son sillage les peintres et les dessinateurs de la République de Montmartre[4] parmi lesquels : Poulbot, Henri Avelot, Maurice Millière, Carlègle, Joë Bridge, Moriss, Louis Icart, Charles Léandre, ainsi que différentes personnalités du monde du spectacle : l'acteur de western français Joë Hamman, le costumier Max Weldy, les danseuses Théna, Rhana (Casino de Paris) et Rosina Galli, le compositeur Darius Milhaud, l'illustrateur de livres Louis Berthomme Saint-André, le sculpteur italien Gio Colucci (1892-1974), le librettiste Franc-Nohain,[5] le dessinateur de mode Georges Lepape,[6] le chansonnier Robert Goupil (auteur de Dors, mon petit Poulbot) et sa femme Lita Recio.

Il assiste également aux différentes manifestations et festivités[7] qu'organisent les artistes de Montmartre : la course de la montée de Montmartre par la rue Lepic,[8] le Bal des Gars de la Narine, le Salon des Humoristes, les défilés costumés sur le thème de l'Antiquité ou de la Révolution française, "la prise d'assaut de La Varenne",[9] le bal costumé et masqué des Pierrots de Montmartre, la foire aux croûtes,[10] la fête de l'Arbre de Noël avec distribution de cadeaux aux "moutards de la Butte"...

Les artistes montmartrois aiment tenir banquet dans les cabarets et les restaurants de la Butte. Pour clore ces agapes, le peintre Ranson demande souvent à son jeune fils Michel de monter sur une table et d'entonner l'hymne officiel de la République de Montmartre : Mont'là-dessus! (ter) Et tu verras Montmartre.[11]

En 1937, à l'exposition internationale de Paris, Michel Ranson "s'est courageusement jeté en parachute du haut de la tour de l'esplanade des Invalides (60 mètres)", il reçoit en retour le diplôme n°30 228. Ce geste est-il prémonitoire ?

En 1939, il participe en tant qu'acteur au spectacle de Paul Gsell retraçant les séquences les plus importantes de la Révolution française (10 tableaux mis en scène par Pierre Aldebert, élève d'Abel Gance), afin d'en commémorer le cent-cinquantenaire[12] sous les auspices de la Ligue de l'enseignement, et, en tant que dessinateur pour les accessoires dudit spectacle, notamment les drapeaux des volontaires français. Les représentations ont lieu au Palais de Chaillot à Paris.

La guerre[13]

Mobilisé en 1940, il connaît la « drôle de guerre », la débâcle, le chantier de jeunesse 25 au Bousquet d'Orb / Avène-les-Bains dans l'Hérault puis, en février 1941, le retour dans la famille rassemblée à Montluçon (villa "Les Charmettes" rue de Marignon). Là, Michel Ranson conduit la farandole dans la pièce d'Alphonse Daudet L'Arlésienne au théâtre de la ville.[14]

Plus tard son arrestation par la brigade spéciale de Clermond-Ferrand (police politique du régime de Vichy) le mène au camp d'internement installé sur l'aérodrome d'Aulnat (Allier) d'où il s'évade pour Paris. C'est là qu'il s'engage dans la France combattante (1942) par l'intermédiaire d'un ancien officier du Deuxième bureau, ami de son père, reconverti dans le commerce des livres rue de Maubeuge[15] (Paris Xè). Il rejoint alors l'Angleterre où il est breveté commando-parachutiste dans le SOE (Special Operations Executive). Une fois en Grande-Bretagne, Michel Ranson aurait pu se mettre au service du BCRA gaulliste ou des SAS français, en fait, pour reprendre les termes de Jean-Louis Crémieux-Brilhac,[16] Michel Ranson s'est retrouvé au SOE comme d'autres "Français entraînés là plus ou moins par hasard". Cela l'amène à exécuter plusieurs missions d'aide à la Résistance en France occupée,[17] notamment dans le Cher et le Morvan (maquis de Cosne-sur-Loire),[18] pour les réseaux Buckmaster, du nom de leur fondateur le colonel Maurice Buckmaster, chef de la section F du service secret britannique SOE.[19]

Il a été choisi pour les missions dans l'Allier pour sa bonne connaissance du terrain du fait de ses attaches familiales. Ses connaissances des lieux sont mises à profit pour préparer les bombardements du site industriel de Dunlop (pneumatiques), des sites de l'industrie métallurgique autour de Montluçon et pour retarder, autant que possible, la remontée des troupes allemandes suite au débarquement anglo-américain en Normandie. A son échelle, il doit mettre en oeuvre la phrase de Winston Churchill concernant le SOE "mettre le feu à l'Europe".

A partir du printemps-été 1944 il opère en tant qu'officier de liaison avec les parachutistes SAS[20] (Special Air Service) britanniques du 1st SAS Regiment (missions Houndsworth et Haggard) avec le matricule 2597. C'est durant cette période que son opérateur radio, Claude Bellet, tombe sous les balles ennemies le 25 août 1944, quelques mois après son recrutement.

L'auteur Pierre Lorain rappelle que "le Haut Etat-major allié devait évaluer l'action conjointe du SOE et de l'armée clandestine, qu'il avait équipée, à la réduction d'environ six mois de la durée totale de la guerre."[21]

Les combats pour la Libération le mènent jusqu'au nid d'aigle d'Hitler dans les alpes bavaroises.

Il reçoit la médaille de la Résistance française avec rosette, la Croix de guerre 1939-1945, la Croix du combattant volontaire avec barrette "Guerre 1939-1945" et la Croix d'honneur du mérite franco-britannique.[22]

Le retour à la vie civile

Après la guerre, équipé d'un simple appareil 24x36 rapporté d'Autriche, Michel Ranson démarre une carrière de photographe. D'abord comme photographe scolaire par l'intermédiaire d'un photographe de la cité de "Montmartre aux artistes", Marc Tochon, spécialisé dans la colorisation au pistolet à peintures (aérographe) de photos publicitaires grand format en noir et blanc. Michel Ranson, muni d'autorisations délivrées par les inspections académiques, parcourt la France pour réaliser des photos de classe et des portraits dans les écoles primaires. Disposant d'une bobine de 300 mètres de film cinéma, il faut chaque soir couper la longueur nécessaire afin de charger, dans l'obscurité, des petites bobines 24x36 et assurer ainsi le travail du lendemain.

Au début des années 1950 il crée sa propre agence de publicité, Publiran, dont le labo photo est improvisé sous l'escalier intérieur qui mène à la mezzanine de l'atelier d'artiste (cinq mètres sous plafond) de son père. En 1955 elle devient APREL pour Agence de Publicité et de Relations Publiques, et emménage dans des locaux plus vastes au 43 rue Berzelius Paris XVIIè.

C'est à cette époque qu'il travaille aussi comme photographe de plateau pour le cinéma :[23]

  • M'sieur la Caille d'André Pergament (1955) ;
  • C'est la faute d'Adam de Jacqueline Audry (1957) ;
  • Fumée blonde de Robert Vernay (1957 ;
  • Le Tombeur de René Delacroix (1957 ;)
  • Madame et son auto de Robert Vernay (1958) ;
  • Suspense au deuxième bureau de Christian de Saint-Maurice (1959).

et comme reporter photographe pour l'industrie : le Commissariat à l'énergie atomique à Saclay, la construction du barrage hydro-électrique de la Rance, Massey-Ferguson, l'industrie automobile.

Chaque année entre 1947 et 1955, avec ses camarades SAS de l'Amicale des Anciens Parachutistes, Michel Ranson défile en tenue sur les Champs-Elysées qui sont fermés à la circulation, à l'occasion de la commémoration du 6 juin 1944.

En 1969 l'agence connait un ultime déménagement au 14 rue Sainte-Croix de la Bretonnerie Paris IVè.

Depuis, Michel Ranson a pris sa retraite en Bretagne sur les bords du canal de Nantes à Brest.

Voir aussi

Bibliographie

Pour en savoir plus sur la vie artistique à Montmartre :

  • Almanach de la République de Montmartre, Paris, 1931.
  • Catalogues d'exposition des différents salons organisés par la Société des dessinateurs humoristes depuis 1907. (A partir de 1915 ce salon se tient rue La Boétie Paris VIIIè).
  • Joë Hamman, Du Far-West à Montmartre, les Editeurs français réunis, Paris, 1962.
  • André Roussard, Les Montmartrois, Editions Roussard, Paris, 2003.

Pour en savoir plus sur le monde du music-hall et de la chorégraphie de l'entre-deux-guerres :

  • Georges Annenkov, En habillant les vedettes, éd. Robert Marin, Paris, 1951. Réédition Quai Voltaire en 1994 (les illustrations en moins).
  • Claude Lepape et Thierry Defert, Georges Lepape ou l'élégance illustrée, Paris, éd. Herscher, 1983.
  • Jacques Pessis et Jacques Crepineau, Les Folies-Bergère, Paris, Fixot, 1990.
  • Jenny Carré, 1902-1945, l'âge d'or du music-hall et de l'opérette, catalogue de l'exposition qui s'est tenue à Boulogne-Billancourt en décembre 2008 au musée des années 30, Vilo-distribution.

Pour en savoir plus sur le cent-cinquantenaire de la Révolution française, voir les publications de la Ligue française de l'enseignement de l'époque :

  • Le scénario de Paul Gsell, avec mise en scène d'Aldebert, pour les fêtes théâtrales d'intérieur.
  • Le même mais adapté aux fêtes de plein air.
  • Un recueil de planches et d'indications pratiques, indispensables pour la confection des costumes, accessoires et décors.
  • Un recueil des Hymnes des fêtes de la Révolution française, choisis par Maurice Chevais (Hymne pour une fête de la jeunesse, Hymne à la Raison, Hymne à la Liberté, Bara et Viala, Hymne pour une fête de l'agriculture, Plantation de l'arbre de la liberté).
  • Un album d'estampes et un livret historique, par A.-P. Mussat [6].
  • Des disques « scolaphone » édités par la Fédération des Œuvres laïques de Seine-et-Oise.
  • Une affiche signée "Ranson" reproduisant un drapeau tricolore de 1789 sur laquelle se détache un bonnet phrygien rouge entouré des feuilles vertes du laurier. A la base un bandeau laissé en blanc permet d'imprimer le lieu et la date de la fête locale.

Pour en savoir plus sur l'action des parachutistes français et alliés durant la Seconde Guerre mondiale :

  • Jacques Mercier, Le touriste, Julliard, Paris, 1949.
  • George Millar, Un Anglais dans le maquis, éd. Cêtre, Besançon, 1984.
  • Bataillon du ciel de Pierre Blanchar (1947) sur un scénario et des dialogues de Joseph Kessel (DVD).

Galerie

Notes et références

  1. Voir sa notice dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France : http://catalogue.bnf.fr/servlet/autorite?ID=10780286&idNoeud=1.1&host=catalogue.
  2. Cité d'artistes de Montmartre : [1].
  3. Voir sa notice dans le Dictionnaire des illustrateurs : 1905 – 1965 de Marcus Osterwalder, éd. Ides et Calendes, Neuchâtel (Suisse), 2005. Voir aussi le livre de Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique de Paris, éd. Mardaga, 2005, où il est cité pp. 233 et 267.
  4. Société artistique déclarée en 1921.
  5. FRANC-NOHAIN est membre du Cornet, tout comme le peintre Ranson. Le Cornet est une société culturelle fondée en 1896 qui rassemble des notables, des hommes de lettres et des artistes aimant partager leurs connaissances et leur humour autour d'un bon repas suivi généralement d'un spectacle. Les menus de ces repas sont souvent illustrés par les artistes conviés. En 1930 René Ranson a dédicacé ainsi l'un des menus : Le Printemps chante ; Le Joli Mois de mai ; Notre Gabaroche nous enchante ; De sa musique, c'est un fait ; Au Cornet, ses amis le vantent ; Et tout est parfait. Il s'agit de Gaston GABAROCHE, compositeur de musique. Ils publient un bulletin mensuel Le Cornet. On trouve la liste de ses membres sur le site suivant : http://www.parisian-artdiscovery.com/member-lists.html. Il existe une autre société du même genre : Les Bâtons de chaise dont Jean Auzeloux est le "bâtonnier" et Etienne Chambault le secrétaire.
  6. Georges LEPAPE est un des précurseurs de la technique dite de la "ligne claire".
  7. Pierre LABRIC, journaliste au Petit Parisien, connu pour avoir descendu en vélo les marches du premier étage de la tour Eiffel en 1923, est la cheville ouvrière des animations qui gravitent autour de la République de Montmartre (R.M.). Il a été le co-fondateur de la Commune libre de Montmartre (1920) dont il devient le deuxième maire en 1929.
  8. Il s'agit de gravir les 666 mètres qui séparent le bas de la rue Lepic de la place du Tertre. C'est à pic, qu'on monte rue Lepic. A Montmartre, pour aller chez Marthe. Mais vous arriverez toujours à pic. Pour vous taper l'apéro de marque. Qui donne un appétit pantagruélique. Pour le gueuleton préparé par Marthe. Un vrai repas gastronomique. Que vous dégusterez avec art. A Montmartre, rue Lepic. RANSON père, commissaire de la R.M., 1937.
  9. Cette animation consiste à se rendre dans la ville de La Varenne Saint-Hilaire (Val-de-Marne) en autocar pour y festoyer entre amis. Compte tenu de l'état d'esprit "républicain" des participants, le choix de cette ville est sans nul doute un clin d'oeil à l'épisode de la "fuite à Varennes" de Louis XVI en 1791.
  10. Cette foire est l'occasion pour les artistes débutants de pouvoir exposer en plein air et de vendre quelques unes de leurs oeuvres. Elle se tient boulevard de Clichy au pied de la Butte.
  11. Pour connaître les couplets complets voir le site suivant [2].
  12. Pierre CARON, directeur des Archives nationales depuis 1937, membre de la Commission pour la recherche et la publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution française, est chargé en 1939 d'organiser la commémoration du cent-cinquantenaire de la Révolution française [3].
  13. Le nom de Michel Ranson est cité p.402 du livre de David Portier, Les parachutistes SAS de la France libre (1940-1945), publié aux éditions Nimrod en 2010.
  14. La pièce, présentée par Le Bel Accord, cercle choral et artistique de la société Dunlop, comprend 75 exécutants. L'orchestre est dirigé par Pierre Tesson, directeur de l'Ecole de musique de Montluçon et la mise en scène est assurée par Fernand Varnier.
  15. La librairie GILLET.
  16. Voir le livre de Michael R. D. Foot, Des Anglais dans la Résistance : le service secret britannique d'action (SOE) en France, 1940-1944, éd. Taillandier, Paris, 2008, p. 18.
  17. Le Carnet individuel des services aériens ou carnet de vol du lieutenant Michel Ranson comptabilise 52 sauts (9 en 1942, 11 en 1943, 15 en 1944 et 17 en 1945).
  18. Musée de la Résistance dans le Morvan : [4].
  19. La mission du SOE est la subversion, le sabotage, l'instruction et l'armement clandestin de la Résistance. Le renseignement ne rentre théoriquement pas dans son domaine d'activité qui est l'apanage de l'Intelligence Service pour les britanniques et du BCRA pour les gaullistes. Curriculum vitae de Maurice Buckmaster : http://www.crdp-reims.fr/memoire/enseigner/memoire_reseaux/soe.htm.
  20. http://lerot.org/FFLSAS/index.php?ind=fflbase&action=showdoc&docno=201
  21. Voir son ouvrage Armement clandestin SOE, France 1941-1944, Pierre Lorain éditeur, Paris, 1972, p. 160.
  22. Le diplôme porte la mention "pour dévouement et services éminents rendus à la cause des alliés pendant la période de résistance à l'ennemi 1940-1944".
  23. Archives de la Cinémathèque française : [5].

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