Royaume du Kanem-Bornou

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Royaume du Kanem-Bornou

VIIIe siècle – 1900

Drapeau

Drapeau hypothétique du Kanem, également appelé Organa, d’après le portulan d'Angelino Dulcert de 1339.
Blason
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Blason du Royaume du Kanem-Bornou.[précision nécessaire]
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Territoires du Kanem-Bornou vers 1650.
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Le Royaume à son extension maximale, superposé aux frontières des États actuels.
Informations générales
Capitale Njimi puis Dikoa
Langue(s) Kanouri, kanembou, Dazaga
Religion Islam

Démographie
Gentilé kanembou
Histoire et événements
VIIIe siècle Fondation du royaume du Kanem Magui
XIIIe siècle Apogée territorial du Kanem
1395 Fondation du royaume de Bornou
XVIe siècle Conquête du Kanem par le Bornou ; naissance du Kanem-Bornou
Bataille de Kousséri : le royaume est intégré à l'empire colonial français

Le royaume du Kanem est un État fondé vers le VIIIe siècle par le peuple Kanembou qui a perduré comme royaume indépendant de Bornou (l'Empire de Bornou) jusqu'en 1900[1]. Sa capitale était la ville de Njimi (actuelle Mao, dans le département du Kanem, au Tchad).

Il était historiquement connu des géographes arabes en tant qu'« Empire Kanem ».[précision nécessaire]

Le royaume de Bornou est un État fondé par les dirigeants du Kanem ayant fui leur royaume en 1395, qui conquirent le Kanem au XVIe siècle. Les deux royaumes ainsi réunis sont collectivement appelés royaume du Kanem-Bornou.

Étymologie

Konoum signifie, en kanembou, « le sud ». Le mot est formé du préfixe « k », qui annonce un substantif, et de l'étymon onoum, qui signifie « sud »[2]. Les kanembou sont les « gens du pays du Sud », par opposition aux Dazaga, c'est-à-dire les « gens de la montagne », sous-entendu le Tibesti.

Histoire

Groupe de guerriers Kanembu, gravure publiée en 1892.

Royaume de Kanem

Le royaume du Kanem, qui deviendra le royaume du Kanem-Bornou au XIIe siècle, établi depuis le VIIIe siècle au nord de l'actuel Tchad, est nomme pour la première fois dans les sources par Al-Yaqubi vers 872. Il y mentionne un roi qui coordonne l'exportation d'esclaves au sein du réseau commercial transsaharien[3],[4]. Au XIe siècle, Al-Bakri indique que les habitants sont des païens noirs, bien que l'islamisation pénètre pacifiquement[3].

Le royaume semble subir une importante transition au tournant du XIe siècle sous l'influence d'une nouvelle dynastie régnante musulmane[5]. Ses dirigeants ont été parmi les premiers en Afrique sub-saharienne à embrasser l'islam[6]. En effet, en 1269, Ibn Saïd indique que la majorité de la population a embrassé l'islam[7].

La Tabula Rogeriana réalisée par Al Idrissi à partir de 1154 présente la région ponctuée de localités dans un paysages fertiles. En 1229, Yaqout al-Rumi décrit les principes institutionnels du royaume dans lequel la royauté est sacrée : « Leur religion est le culte de leurs rois, car ils croient qu'ils apportent la vie et la mort, la maladie et la santé »[7].

Le royaume de Kanem atteint son apogée avec Dounama Dibalami (1220-1259), qui l'étendit vers le Fezzan et le Nil et noua des relations avec les royaumes berbères, en particulier avec les Almohades.

Durant cette période, le royaume de Kanem attaque les autres États voisins afin de se fournir en esclaves et renforcer son pouvoir économique au sein du réseau commercial. L'axe commercial qui relie la région du Bassin du Tchad à la Libye persistera jusqu'au XIXe siècle tandis que le reste du commerce transsaharien s'essoufflera à l'arrivée des européens sur les côtes d'Afrique de l'Ouest[7].

Après la mort de Dounama, le royaume traverse des conditions d'instabilités qui provoque le déplacement de la capitale en plusieurs occasions[5]. Au XIVe siècle, il est menacé par les Saos et les Boulala venus de l'est. Pour échapper à ces attaques extérieures, les souverains du Kanem durent se réfugier sur la rive ouest du lac Tchad où ils fondèrent le royaume de Bornou en 1395.

Kanem-Bornou

Aïssa Koli a été la seule souveraine régnante du royaume.

En 1472, le roi de Bornou fonde Ngazargamu qui devient la capitale du royaume durablement et devient le terminus des routes commerciales transsahariennes allant à Tripoli via Mourzouq. La ville est renforcée par un rempart[5].

Le Bornou reconquit le Kanem et devint le Kanem-Bornou au XVIe siècle. L'empire atteint son apogée sous le règne d'Idriss III Alaoma (1571-1603)[8] avec un territoire englobant des zones des actuels Tchad, Niger, Cameroun et Nigéria, y compris le royaume de Kwararafa dans ce qui est aujourd'hui la région du Middle Belt au Nigéria. Un imam de la cour de ce sultan, Aḥmad ibn Furṭū, a raconté le début de son règne. Son récit constitue une source de première main sur ce royaume à son apogée[9].

Du temps de Ahmed al-Mansour Ad-Dhahbî (1578-1603), le royaume de Bornou devient vassal des Saadiens du Maroc[10].

Au XVIIe siècle, l'empire contrôlait les routes commerciales transsahariennes, construisait des garnisons pour les protéger et signait des traités avec les dirigeants d'Afrique du Nord.

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Le royaume du Kanem-Bornou et ses voisins vers 1750.

À la fin du XVIIIe siècle, le Bornou a retrouvé une puissance certaine et étend son influence jusque sur les peuplades de la Bénoué moyenne. Sa prospérité est essentiellement basée sur le trafic des esclaves.

En 1808, le djihad peul mené par Ousman dan Fodio fait émerger le Califat de Sokoto. La capitale de Ngazargamu est capturée et pillée[5]. Muhammad al-Amin al-Kanemi parvient à fédérer et mobiliser les troupes du Bornou afin de lutter contre ce nouveau pouvoir. Il fait déplacer la capitale à Kukawa[11],[6].

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Le royaume en 1810.

Le dernier souverain de la dynastie des Sefuwa, Ali V, est finalement détrôné en 1846 par Omar IV ibn Mohamed el-Kanémi (1835-1880), qui fonde la dynastie des El-Kanemi.

Dans les années 1830, l'érudit et futur dirigeant de l'empire toucouleur Oumar Tall initie à la Tijaniyya Mohamed al-Amin al-Kanouri et son fils[6].

Chute du Kanem-Bornou

À la fin du XIXe siècle, la région est ravagée par le négrier Rabah du vieux sultanat de Sennar qui s'impose en 1893 à Hachim ibn Omar (1885-1893) comme sultan du royaume. La capitale, Kukawa, est détruite[6].

Rabah meurt en 1900 à la bataille de Kousséri, puis son fils Fadlallah est tué par les armées françaises à Gujba en 1901. Son territoire est divisé entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Les descendants de la lignée des El-Kaméni sont rétablis avec Omar ibn Hachim (1901 et 1922-1937) mais il s'agit désormais de souverains sans pouvoir, contrôlés par l'administration coloniale française.

Royaume du Kanem-Bornou aujourd'hui

Dans le cadre du système de l'Indirect Rule, le pouvoir du shehu (cheikh en kanouri) du Borno s'est retrouvé légitimé voire renforcé, à l'instar de celui de nombreux chefs, rois ou émirs, fossilisant ainsi en quelque sorte les structures monarchiques du XIXe siècle[6].

Tout comme l'émir de Kano ou le sultan de Sokoto, le shehu du Borno a su établir un modus vivendi avec le colonisateur[6].

Un palais est construit par les Britanniques pour lui à la fin des années 1900 dans la nouvelle capitale du Borno, à Yerwa, non loin de Maiduguri[6].

Économie

Le royaume de Kanem-Bornou est un foyer économique majeur du réseau transsaharien, cependant l'archéologie ne permet pas d'apprendre en détail les pratiques car les principaux objets échangés sont périssables. Des marchandises transitaient tels que des bols, bouteilles et calebasse en bois, mais également tout le matériel de harnachement et le commerce de chevaux de races nord-africaine ainsi que de dromadaires. Cependant, la principale ressource économique est l'esclave[12].

Des témoignages d'expéditions au XIXe siècle ainsi que les sources médiévales arabes mettent en lumière l'importance du royaume dans la traite orientale. Une pratique observée au XIXe siècle consistait à razzier les paysages voisins et forestiers du bassin du Tchad afin d'en asservir les populations. Cette pratique, observée par Gustav Nachtigal en 1872, altère fortement le mode de vie de ces sociétés qui s'abritent en hauteur dans des villages arboricoles. Elle est représentative de pratiques de razzias déjà évoquées dans les sources du XIIe siècle[13]. Le travail servile persiste bien après l'abolition de la traite par le colonisateur britannique et ce jusque dans les années 1920[14].

Liste des rois

Selon la tradition le royaume de Bornou est fondé par un certain Saïf originaire du Yémen. Toutefois la période historique commence avec le roi Oumé ibn Selma vers 1085. Sa dynastie perdure jusqu'en 1846 quand Ali V ibn Ibrahim est détrôné par un chef Kanémin qui se proclame roi sous le nom de Omar IV ibn Mohammed el-Kanémi (1835-1880)[15],[16]. Cette dynastie est nommée Sayfuwa [5].

Notes et références

  1. Jean-Pierre Alaux, « Pages d'histoire du Kanem, pays tchadien », sur Le Monde diplomatique, (consulté le ).
  2. A. M.-D. Lebeuf, Les populations du Tchad : nord du 10e parallèle, p. 3, L'Harmattan, Paris, 2006.
  3. a et b Fauvelle-Aymar 2018, p. 205.
  4. « Kanem », Encyclopédie Larousse en ligne.
  5. a b c d et e Fauvelle-Aymar 2018, p. 214.
  6. a b c d e f et g Vincent Hiribarren, Un manguier au Nigeria, Plon, , 300 p. (ISBN 978-2259250863).
  7. a b et c Fauvelle-Aymar 2018, p. 206.
  8. « Essai sur l'histoire pré-coloniale de la société matakam», par J.Y. Martin.
  9. Rémi Dewière, Du lac Tchad à la Mecque : Le sultanat du Borno et son monde (xvie - xviie siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Bibliothèque historique des pays d'Islam », (ISBN 979-10-351-0101-5, lire en ligne).
  10. Brahim Harakat, « Le makhzen sa'adien », Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, nos 15-16,‎ , p. 43-60 (p. 45) (DOI 10.3406/remmm.1973.1226).
  11. Fauvelle-Aymar 2018, p. 215.
  12. Fauvelle-Aymar 2018, p. 215-218.
  13. Fauvelle-Aymar 2018, p. 215-217.
  14. Fauvelle-Aymar 2018, p. 218.
  15. Anthony Stokvis (préf. H. F. Wijnman), « Chapitre II, § .1 « Bornu » », dans Manuel d'histoire, de généalogie et de chronologie de tous les États du globe, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, vol. I, Leyde, Éditions Brill, (1re éd. 1888), Partie 2. Africa, America, Polynésia, p. 483-484.
  16. Avec une chronologie légèrement différente Y. Urvoy, « Chronologie du Bornou ». Dans : Journal de la Société des Africanistes, 1941, tome 11, p. 21-32.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Rémi Dewière, Du lac Tchad à la Mecque : Le sultanat du Borno et son monde (XVIe – XVIIe siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Bibliothèque historique des pays d'Islam », (ISBN 979-10-351-0101-5, lire en ligne)
  • Dierk Lange, Contribution à l'histoire dynastique des Kānem-Bornū (des origines jusqu'au début du XIXe siècle), Université Panthéon-Sorbonne, Paris, 1974, 2 vol., 282 p. (thèse de 3e cycle d'Histoire ; avec une traduction du Dīwān al-salaṭīn Bornū, chronique des souverains de l'empire Kānem-Bornū)
  • Annie M.-D. Lebeuf, Les populations du Tchad (Nord du 10e parallèle), L'Harmattan, Paris, 2006 (ISBN 2296004474)
  • (de) Arnold Schultze Das Sultanat Bornu mit besonderer Berücksichtigung Deutsch-Bornus, thèse de doctorat, Essen, 1910, traduite en anglais en 1968 The Sultanate of Bornu, Londres, éditions Frank Cass
  • Jean-Louis Triaud, « Le Borno au centre du monde : une lecture », Journal des africanistes, nos 89-2,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • Y. Urvoy, « Chronologie du Bornou ». Dans : Journal de la Société des Africanistes, 1941, tome 11, p. 21-32.
  • François-Xavier Fauvelle-Aymar, L'Afrique ancienne: de l'Acacus au Zimbabwe : 20000 avant notre ère-XVIIe siècle, Belin, (ISBN 978-2-7011-9836-1, lire en ligne)

Liens externes