Théorème de Keeler
Le théorème de Keeler, ou théorème de Futurama, est un théorème mathématique d'algèbre générale de la théorie des groupes. Il est développé en 2010 par le mathématicien et scénariste Ken Keeler pour un épisode de la série Futurama.
Ce théorème démontre que dans un groupe fini, peu importe le nombre de permutations effectuées entre les éléments, il est possible de revenir à la configuration initiale en ajoutant deux nouveaux éléments, en sachant qu'une permutation ne peut être effectuée qu'une fois.
Contexte
Le Prisonnier de Benda
Dans le dixième épisode de la sixième saison de Futurama intitulé Le Prisonnier de Benda, le Professeur Farnsworth et Amy Wong construisent une machine pour échanger les corps ; d'autres personnages échangent également leurs corps entre eux. Cependant, ils se rendent compte que la machine ne peut pas échanger plus de deux fois la même paire de corps. Avec l'aide d'habitants de la planète des Globetrotters, les personnages peuvent revenir dans leurs corps d'origine[1],[2].
Résolution du problème
Alors qu'ils écrivaient l'épisode, les auteurs se sont rendu compte qu'ils avaient également créé un problème mathématique. Le lendemain, Ken Keeler, titulaire d'un doctorat en mathématiques[3] et scénariste principal du Prisonnier de Benda, est arrivé avec le théorème permettant de résoudre l'intrigue[4]. Pour Keeler, faire apparaître la preuve complète à l'écran est un moyen de populariser les mathématiques parmi les jeunes[1]. Grâce à ce théorème, il a gagné le Writers Guild of America Awards du « Meilleur scénario pour une série télévisée comique » en 2011 [5].
Dans son livre Les mathématiques des Simpson , Simon Singh le nomme « Théorème de Keeler »[6], bien que Keeler ne le considère comme pas assez important pour être un théorème et préfère parler de « preuve »[7].
Énoncé
L'énoncé du théorème n'a jamais été mathématiquement formulé par l'épisode, contrairement à sa preuve. Aussi, il peut exister plusieurs définitions.
Il peut se définir comme suit :
« Soit un ensemble fini et soient deux éléments qui n'appartiennent pas à . Toute permutation de peut être réduite à l'identité par une séquence de transpositions de dont chacune contient soit soit [8]. »
Il peut également être écrit comme :
« Soit . Alors il existe produit de transpositions distinctes de tel que [9]. »
Preuve
La preuve de l'énoncé est donnée dans son intégralité dans l'épisode[8]. Toute permutation pouvant être décomposée en permuations circulaires disjointes, il est possible de démontrer le théorème pour un k-cycle sans perdre sa généralité.
Soit un k-cycle du groupe symétrique qui s'écrit sous la forme .
On note la transposition des éléments et , puis on introduit deux nouveaux éléments tels qu'on obtient .
Pour tout allant de à , on pose la série de transpositions : .
On remarque que chaque transposition de est composée d'un élément de et d'un élément de , donc il n'y a aucune répétition avec les permutations ayant créé ni avec la transposition .
Ceci permet d'obtenir que . Autrement dit, inverse le k-cycle et intervertit et .
Ainsi, toute permutation de peut être inversée, en la décomposant sous forme d'un ou plusieurs k-cycles. Puis, si besoin, il est possible d'appliquer la transposition .
Applications
Généralisation
En 2016, Jennifer Elder et Oscar Vega publient Generalizing the Futurama Theorem dans lequel, en plus de donner une autre preuve au théorème de Keeler, généralisent son fonctionnement dans le cas de permutation de p-cycle où p est un nombre premier différent de 2. Dans le cas particulier d'un 3-cycle, il est possible d'inverser la permutation à l'aide d'un seul élément extérieur. Dans les autres cas, il y a toujours la possibilité d'inverser la permutation à l'aide d'éléments extérieur[10].
Amélioration
En 2012, Lihua Huang et al. développent un algorithme plus optimal quant à la permutation d'éléments, basé sur l'algorithme de Keeler. Ces deux algorithmes possèdent en fait la même complexité en [11],[12], et en 2014, ils cherchent le nombre minimal de permutation nécessaire. Dans la même étude, ils s'intéressent à l'épisode Transfert de la saison 2 de Stargate SG-1 qui propose un scénario similaire à l'épisode de Futurama[13]. En 2023, Alexandra Barta et al. trouvent une solution plus optimale pour un 3-cycle[14].
Notes et références
- (en) Reece Goodall, « Futurama and Keeler’s Theorem », sur The Boar, (consulté le ).
- ↑ (en) Alex Kasman, « Futurama (Episode: The Prisoner of Benda) (2011) », sur Mathematical Fiction (consulté le ).
- ↑ (en) Casey Chan, « Futurama Writer Invented A New Math Theorem Just To Use In The Show », sur Gizmodo, (consulté le ).
- ↑ (en) David Barr Kirtley, « Futurama’s Resident Physics Nerd on Math Jokes and Richard Nixon », sur Wired, (consulté le ).
- ↑ (en) Cole Frederick, « Did Futurama Prove a New Math Theorem? », Medium, .
- ↑ (en) Ashik Siddique, « No TV Show Has Ever Loved Math as Much as Futurama », sur Wired, .
- ↑ (en) Mihai Andrei, « The Futurama Theorem: The Math Behind a Mind-Swapping Episode », sur ZME Science, .
- (es) « El Teorema de Keeler, pertmutaciones y Futurama », sur Blog de la asignatura Álgebra Básica de la Universidad de Sevilla, (consulté le ).
- ↑ « Deux (deux ?) minutes pour Futurama », (consulté le )
- ↑ (en) Jennifer Elder et Oscar Vega Generalizing the Futurama Theorem (rapport), , 7 p. (DOI 10.48550/arXiv.1608.04809, arXiv arXiv:1608.04809, lire en ligne).
- ↑ (en) Lihua Huang, Ron Evans et Tuan Nguyen Keeler's theorem and products of distinct transpositions (rapport), , 12 p. (DOI 10.48550/arXiv.1204.6086, arXiv 1204.6086v2, lire en ligne).
- ↑ (en) Yohanssen Pratama « A survey on keeler’s theorem and application of symmetric group for swapping game » (rapport), Journal of Physics Conference Series, no 795, (DOI 10.1088/1742-6596/795/1/012048, lire en ligne).
- ↑ (en) Lihua Huang et Ron Evans Mind Switches in Futurama and Stargate (rapport), , 17 p. (lire en ligne).
- ↑ (en) Alexandra Bartas, Danny Lara, Bruce Leavitt et al. Variations on Keeler's Theorem (rapport), , 19 p. (lire en ligne).