Peste brune

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Un uniforme brun de SA au musée régional du Brunswick.

La peste brune est un surnom donné au nazisme par analogie à la couleur brune des chemises des SA, une organisation paramilitaire du parti nazi. Cette expression compare le nazisme à une maladie contagieuse et infectieuse, la peste.

Par extension, on l'utilise parfois pour désigner d'autres mouvements politiques extrêmes comme le néo-nazisme ou le fascisme contemporain. Il sert alors à qualifier le phénomène dynamique de l'expansion des courants d'extrême droite à travers le monde.

Histoire

Manifeste de Romain Rolland du , première apparition connue de l'expression « peste brune ».

La première utilisation de cette expression serait due à Romain Rolland en réaction à l'incendie du Reichstag du [1]. Ainsi le , dans une lettre à Stefan Zweig, il s'exclame : « Comment ces malheureux social-démocrates et communistes ont-ils pu être assez dénués d'intelligence politique pour attendre à la dernière minute pour se soulever contre la peste brune ! C'est accablant. »[2] Puis dans un manifeste daté du [3],[4] et publié le dans la revue Europe[5], il écrit : « La peste brune a dépassé, du premier coup, la peste noire », la peste noire faisant référence au fascisme italien et à ses « chemises noires ».

Quelques mois plus tard, Daniel Guérin reprend cette expression pour intituler sa série de reportages La Peste brune a passé par là, publiée dans Le Populaire à partir du [6], et republiée en volume en [1]. Il y fait le récit de son tour de l'Allemagne nazie à bicyclette, comparant la situation avec celle qu'il avait rencontrée en parcourant le pays à pied en , avant la prise de pouvoir d'Hitler[7].

Utilisations de l'expression

En , dans Peste et Choléra, une biographie romancée du bactériologue Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste, l'auteur Patrick Deville utilise largement la peste comme une allégorie pour évoquer la « peste brune », la montée des fascismes en Europe[8].

Le , le ministre français de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, s'est attiré les foudres des responsables politiques d'opposition pour ses propos qualifiant certains Gilets jaunes de « peste brune »[9].

Sens médical

C'est également le nom donné à une forme de pneumonie contractée à partir de la respiration d'un air saturé en terre fertile (cf. les tempêtes de poussière aux États-Unis).

Notes et références

  1. a et b Gilles Vergnon, Les gauches européennes après la victoire nazie : Entre planisme et unité d'action, , Paris, L'Harmattan, coll. « Chemins de la mémoire », , 468-IV p. (ISBN 2-7384-5563-8), p. 15 [lire en ligne].
  2. Romain Rolland, chap. 156 « Romain Rolland à Stefan Zweig, Villeneuve (Vaud),  », dans Stefan Zweig et Romain Rolland, éd. établie, prés. et annotée par Jean-Yves Brancy, trad. des lettres allemandes par Siegrun Barat, Correspondance : , Paris, Albin Michel, , 619 p. (ISBN 978-2-226-32972-1 et 978-2-226-42100-5, lire en ligne).
  3. Jean Lacoste, « « Faut-il graisser les godillots ? » : Romain Rolland et Simone Weil face à la guerre », dans Bernard Duchatelet (dir.), Romain Rolland, une œuvre de paix (actes du colloque de Vézelay, organisé par l'association Romain-Rolland à l'occasion des Journées internationales Romain-Rolland,  – ), Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Homme et société » (no 36), , 222 p. (ISBN 978-2-85944-639-0), p. 200.
  4. Romain Rolland, chap. XXI.1 « Contre le fascisme hitlérien,  », dans Quinze ans de combat : , Paris, Rieder, coll. « Europe », , LXXX-244 p. (BNF 31238662), p. 199–200 [lire en ligne].
  5. Romain Rolland, « À propos du fascisme allemand », Europe, Paris, Rieder, no 123,‎ , p. 440 (lire en ligne).
  6. Daniel Guérin, « Le “Populaire” en Allemagne : La Peste brune a passé par là », Le Populaire, vol. 16, no 3791,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  7. Antoine Jourdan, « , Daniel Guérin traverse l'Allemagne nazie à vélo », sur RetroNews, .
  8. Élise Benchimol, « Peste & Choléra : de l'« Europe prométhéenne » à la « peste brune », l'histoire au prisme de la biographie de Yersin » (contribution à un colloque international organisé à Ratisbonne (Allemagne), les  – ), Romanische Studien , no 7 « Création(s) et réception(s) de Patrick Deville »,‎ , p. 181–194 (ISBN 978-3-95477-100-4, lire en ligne).
  9. « Après ses propos sur la «peste brune», Gérald Darmanin critiqué de toutes parts », Le Scan politique, Le Figaro, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Daniel Guérin, La Peste brune a passé par là… : À bicyclette à travers l'Allemagne hitlérienne, Paris, Librairie du Travail, , 64 p. (BNF 32203422).
    • rééd. La Peste brune a passé par là… : Un témoignage sur les débuts du régime nazi, Paris, Éditions universelles, , 104 p. (BNF 32203423).
    • rééd. Sur le fascisme, vol. I : La Peste brune, Paris, Maspero, coll. « Les Textes à l'appui », , 160 p. (BNF 33186173).
    • rééd. Sur le fascisme, vol. I : La Peste brune, Paris, Maspero, coll. « Petite collection Maspero » (no 45), , 128 p. (BNF 33033588).
    • rééd. La Peste brune, Paris, Spartacus, coll. « Spartacus / Série B » (no 152), , 135 p. (ISBN 2-902906-34-3 (édité erroné) et 2-902963-34-3).
    • rééd. Sur le fascisme (réunit La Peste brune et Fascisme et grand capital, reprod. en fac-sim. de l'édition de ), Paris, La Découverte, coll. « [Re]découverte / Documents et témoignages », , 463 p. (ISBN 2-7071-3528-3).
    • rééd. La Peste brune (préf. Alain Bihr), Paris, Spartacus, coll. « Spartacus / Série B » (no 199), , 144 p. (ISBN 979-10-94106-31-0).