Les Filles de noce

Les Filles de noce
Format
Livre d'histoire ()
Auteur
Date de parution
Lieu de publication
Pays
Éditeur
Nombre de pages
571

Les Filles de noce est un livre de l'historien Alain Corbin, paru en 1978 et portant sur la prostitution en France au XIXe siècle.

Il y étudie notamment la réglementation de la prostitution, l'histoire des maisons closes et la montée du discours abolitionniste. C'est la première étude historique sur ce sujet, qui n'était pas jusqu'alors considéré comme un objet d'histoire. Livre fondateur, il ouvre un nouveau champ d'études.

Un livre pionnier

Une première

Ouvrage pionnier[1], ce livre est, selon Anne-Marie Sohn, « la première étude historique de la prostitution »[2], sujet dont l'auteur affirme l'historicité[3]. Il propose une étude de la prostitution au XIXe siècle en l'insérant dans une réflexion plus globale, qui s'intéresse aux « rapports entre hommes et femmes, à l'ensemble de la sexualité et à la transformation rapide des formes urbaines », comme le relève Arlette Farge[3].

Pour réaliser cette étude, Alain Corbin mobilise des sources variées, « juridiques, administratives, littéraires, médicales ou iconographiques »[3].

Alain Corbin commence par présenter la réglementation de la prostitution dans les maisons closes, étudiant notamment le discours hygiéniste d'Alexandre Parent du Châtelet. Il décrit ensuite précisément, statistiques et cartes à l'appui, le milieu de la prostitution dans les maisons closes. Il s'intéresse ensuite au déclin de ces dernières dans la seconde moitié du XIXe siècle[4]. Il évoque également les lieux de la répression de la prostitution, l'hôpital et la prison[5]. Enfin, l'auteur montre l'essor du discours abolitionniste, surtout celui porté par Yves Guyot, et l'organisation d'un néo-réglementarisme[6]. Une dernière partie survole rapidement le XXe siècle, jusqu'à la grève des prostituées de 1975[5].

Pour Arlette Farge, « Le livre d'Alain Corbin est important, même si l'on peut regretter de ne pas entendre vraiment les femmes elles-mêmes. Les sources, bien sûr, ne les privilégient jamais[6]. ». Anne-Marie Sohn considère que « l'auteur jette les bases d'une histoire de la sexualité, du plaisir et du désir, enfin affranchie du psychologue, du démographe ou du médecin[2]. ».

Un livre fondateur

Après sa thèse sur Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, Alain Corbin nourrit des doutes sur la supposée continence sexuelle des migrants limousins vers les villes, ce qui l'amène à étudier la prostitution. C'est donc par le biais de l'étude de la « misère sexuelle » des hommes qu'il en vient à l'histoire de la prostitution[7].

À sa parution, le sujet du livre a parfois été mal perçu[8]. Alain Corbin lui-même constate plus tard que la prostitution « était alors considérée comme indigne de constituer un objet d'histoire »[9]. Elle était dédaignée par les historiens[10]. Comme le dit Michelle Perrot, « À la Sorbonne, cela paraissait pour le moins bizarre de travailler sur la prostitution ». Toutefois, Alain Corbin témoigne que « le projet du livre n’avait pas été mal reçu par Maurice Agulhon et Antoine Prost l’avait trouvé intéressant dans la mesure où il contribuait à l’histoire du social »[8]. Les Filles de noce paraissent à une époque où se développent les revendications des prostituées, ce qui met en avant ce sujet. C'est aussi le moment historiographique où paraissent les premières études sur la sexualité[11].

Dans un essai historiographique, Françoise Blum souligne l'importance de ce livre : « La parution en 1978 du livre d’Alain Corbin, Les Filles de noce, peut être considéré comme l’évènement fondateur d’un champ historiographique original : les études académiques consacrées à la prostitution »[12]. Ce nouveau champ historiographique s'est ensuite constitué et a acquis son autonomie[13],[14].

Michelle Perrot relève que Les Filles de noce est plus une histoire des hommes et de leurs fantasmes, qu'une histoire des femmes, qui sont dans ce livre plutôt des objets[15]. Toutefois, elle considère aussi que, par son sujet même, Alain Corbin a été à travers ce livre un promoteur de l'histoire des femmes[16].

Éditions

  • Alain Corbin, Les Filles de noce : Misère sexuelle et prostitution aux 19e et 20e siècles, Paris, Aubier Montaigne, coll. « Historique », , 571 p..
  • Alain Corbin, Les Filles de noce : Misère sexuelle et prostitution (19e siècle), Paris, Flammarion, coll. « Champs » (no 118), , 2e éd., 494 p. (ISBN 9782080801180, lire en ligne Accès limité).

Notes et références

  1. Jean-Louis Guereña, « Présentation », dans Jean-Louis Guereña (dir.), Sexualités occidentales : XVIIIe – XXIe siècles, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, coll. « Civilisations étrangères », (ISBN 978-2-86906-801-8, DOI 10.4000/books.pufr.31682, lire en ligne), p. 11–17.
  2. a et b Sohn 1981, p. 384.
  3. a b et c Farge 1979, p. 467.
  4. Farge 1979, p. 468.
  5. a et b Sohn 1981, p. 385.
  6. a et b Farge 1979, p. 469.
  7. Perrot 2004, p. 47.
  8. a et b Alain Corbin et Michelle Perrot, « Des femmes, des hommes et des genres », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 75, no 3,‎ , p. 167–176 (ISSN 0294-1759, DOI 10.3917/ving.075.0167, lire en ligne, consulté le ).
  9. Corbin et Heuré 2000, p. 40.
  10. Corbin et Heuré 2000, p. 42.
  11. Perrot 2004, p. 48.
  12. Blum 2013, p. 105.
  13. Corbin et Heuré 2000, p. 43.
  14. Blum 2013, p. 108.
  15. Perrot 2004, p. 50.
  16. Perrot 2004, p. 44.

Voir aussi

Bibliographie

Témoignages

  • Alain Corbin et Gilles Heuré, Historien du sensible : Entretiens avec Gilles Heuré, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », , 201 p. (ISBN 978-2-7071-3098-3).
  • Alain Corbin et Michelle Perrot, « Des femmes, des hommes et des genres », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 75, no 3,‎ , p. 167–176 (ISSN 0294-1759, DOI 10.3917/ving.075.0167, lire en ligne, consulté le ).

Recensions

Analyses historiographiques

Articles connexes