Difang et Igay Duana

Difang et Igay Duana
Nom de naissance Difang Duana, Igay Duana
Activité principale Chanteurs, fermiers

Difang Duana () et Igay Duana (), également connus sous les noms de Kuo Ying-nan (chinois : 郭英男) et Kuo Hsiu-chu (chinois : 郭秀珠), sont des fermiers Amis de Taïwan, mari et femme, connu en tant que duo de musique folklorique spécialisé dans les chants traditionnels Amis.

Leur œuvre la plus connue est l'interprétation d'une chanson traditionnelle Amis Palang, appelée tour à tour Weeding and Paddyfield Song No. 1, Elders' Drinking Song et Jubilant Drinking Song, ou Sapiliepah a Radiw dans la langue des Amis. La chanson est enregistrée par un projet du gouvernement français et par EMI, et est ensuite samplée par le groupe Enigma pour son tube international Return to Innocence. Les accusations d'utilisation involontaire sans autorisation sont réglées à l'amiable.

Biographie

Jeunesse

Kuo Ying-nan naît en 1921 dans la tribu Falangaw de Taitung, membre des groupes de « réveil » (latihmok) dans la hiérarchie des âges des Amis[1]. C'est un ancien très respecté, connu pour ses techniques vocales et de chant, souvent cité par les ethnomusicologues comme un élément important de ces domaines[2]. En 1988, la Maison des cultures du monde de Paris accueille le « Festival de danse et de musique indigènes de l'Asie-Pacifique », auquel participent la tribu Paiwan de Sandimen du comté de Pingtung, la tribu Bunun de Wulushan du canton de Yanping du comté de Taitung, ainsi que Kuo Ying-nan et son épouse, sous la direction de Hsu Tsang-Houei, Tsai Li-hua et Hsu Ying-chou[3]. Les représentations du festival sont enregistrées dans l'album Polyphonies vocales des aborigènes de Taïwan produit par la Maison des cultures du monde à Paris[4].

Carrière

En 1988, Difang et Igay se rendent en France pour chanter dans le cadre d'une tournée organisée par l'ethnomusicologue Hsu Tsang-Houei, au cours de laquelle ils sont payés 95 francs par jour, ainsi qu'une trentaine d'autres artistes autochtones taïwanais. Leurs prestations sont enregistrées par la Maison des cultures du monde, qui dépend du ministère français de l'éducation nationale, et intégrées à une compilation « anonyme » de « chansons aborigènes taïwanaises » destinée à être utilisée à des fins éducatives. Six ans plus tard, Michael Cretu, le créateur du groupe roumano-allemand Enigma, basé à Ibiza, estimant que l'enregistrement appartient au domaine public[5], le sample dans sa chanson Return to Innocence. Après que les agences de presse taïwanaises ont identifié la performance des Duanas, le couple se voit proposer un contrat avec Magic Stone, une filiale du label discographique indépendant taïwanais Rock Records ; leur musique a été peu connue en dehors de Taïwan.

En 1998, les Duanas intentent une action en justice contre Cretu et EMI pour violation des droits d'auteur. Le couple aurait utilisé une partie de l'argent pour créer un fonds de bourses d'études pour les enfants Amis[6]. L'avocat de Magic Stone gagne également un procès contre le gouvernement français, mais celui-ci insiste pour donner l'argent à une fondation d'art populaire en fiducie, et non aux Duanas. En réponse à ces actions en justice, Robin Lee, directeur de l'association taïwanaise des propriétaires de droits d'auteur sur les enregistrements, affirme que les interprètes de musique folklorique traditionnelle n'étant pas des auteurs, ils n'avaient pas de droits d'auteur. Lee se trompait car la pratique courante consiste à indiquer que la musique est traditionnelle (pas de droit d'auteur), mais que l'arrangement est protégé par le droit d'auteur[7].

En 1993, le groupe allemand Enigma sample une partie d'une chanson intitulée Song of Joy (palafang) enregistrée par Kuo Ying-nan en France, et l'intègre à sa chanson Return to Innocence, qui est ensuite choisie comme chanson thème des Jeux olympiques d'été de 1996[8]. Cependant, Kuo Ying-nan ne les avait pas autorisés à sampler sa chanson ; et alors que l'événement est en cours, une polémique autour de la culture indigène et du droit d'auteur s'installe rapidement. L'ethnomusicologue Ming Li-Kuo souligne également le conflit entre le système de droits d'auteur et la culture de tradition orale, voire l'héritage de la culture, ainsi que l'impact potentiel sur le développement culturel[9]. Par la suite, Enigma et Kuo Ying-nan parviennent à un accord grâce à la médiation de la Magic Stone Record Company[10]. En outre, le responsable musical d'Enigma chez Virgin Music Allemagne déclare que le fondateur d'Enigma, Michael Cretu, n'avait pas l'intention de violer les droits d'auteur de qui que ce soit[11]. Kuo Ying-nan déclare que tant que les gens sauraient que cette chanson provenait des Amis de Taïwan et qu'elle était chantée par sa femme et lui-même, ils l'accepteraient tous les deux en toute bonne foi[12].

En 1998, Kuo enregistre son premier album Circle of Life à Taïwan avec l'aide du producteur belge Dan Lacksman[13], qui comprend sa chanson la plus connue, Song of Joy (palafang). L'album se vend bien à Taïwan, et se classe à la 15e place de l'IFPI[14]. Fin 1999, Kuo sort son deuxième album, Across the Yellow Earth, qui lui vaut l'année suivante le prix du meilleur album de musique ethnique lors de la 11e édition des Golden Melody Awards, et Kuo est également nommé pour le prix du meilleur interprète masculin[15],[16].

Un deuxième album, Across the Yellow Earth, sort en 2001.

Décès

Difang décède le d'une septicémie[17], après avoir lutté contre le diabète pendant de nombreuses années, et sa santé s'est considérablement détériorée après avoir été mordu par un mille-pattes en octobre de l'année précédente[17]. Igay décède peu de temps après, le , après une longue bataille contre le cancer du sein. Le diagnostic initial avait été posé le .

Discographie

  • 1988 : Non crédité (« anonyme ») enregistré dans Polyphonies vocales des aborigènes de Taïwan, Ministère de l'éducation nationale, 1988.
  • 1993 : Return to Innocence (EMI)
  • 1998 : Circle of Life (Magic Stone Records) (1re place au Japon et à Taïwan)
  • 2001 : Across the Yellow Earth (Magic Stone Records)

Notes et références

  1. (zh) 俊彥 , 阿美族馬蘭地區複音歌謠研究, 東吳大學音樂學系,‎ , 298 p.
  2. (zh) « 音樂人口述歷史-郭英男 », sur 臺灣流行音樂資料庫 (consulté le )
  3. (zh) 廖明潔, « 奧運宣傳曲侵權風波,誤打誤撞推動全世界聽到台灣阿美族的郭英男與馬蘭吟唱隊天籟歌聲 », 放言科技傳媒,‎ (lire en ligne)
  4. 簡上仁, « 【專文】美麗純真的台東歌聲 », 民報文化雜誌雙月刊, vol. 15, no 11,‎ .
  5. (en) « RTI Article », sur geocities.com, EnigmaLair.
  6. (en) Nancy Guy, « Trafficking Taiwan Aboriginal Voices », Handle with Care: Ownership and Control of Ethnographic Materials, Jaarsma, S.R. University of Pittsburgh Press,‎ , p. 195–206.
  7. Music and Technoculture, Wesleyan University Press, (ISBN 978-0-8195-6514-3, lire en ligne), p. 70
  8. (en) « Remembrance of Amis Singer Kuo Ying-Nan », sur 台灣茶黨BBS,‎ .
  9. (zh) 明立國, « 〈奧運宣傳曲的「謎」失〉 », 《中國時報人間副刊》, 中國時報,‎ .
  10. (en) Sandy Huang, « Amis singer Difang passes away », sur Taipei Times, (consulté le )
  11. (en) « RTI Article », sur geocities.com.
  12. (en) Ashley Esarey, « An Ami Couple Seeks Recognition for Their Music », sur 台灣觀光月刊 (consulté le ).
  13. (zh) 曾詩穎, « Circle of life 生命之環-Difang郭英男和馬蘭吟唱隊 », sur 臺灣原住民族圖書資訊中心,‎ (consulté le )
  14. (zh) « 郭英男逝世原住民痛失「天籟」 » [« Amis singer Kuo Ying-Nan passes away »], sur 陳建年資訊網,‎
  15. (zh) « 原住民之光 », sur 臺東縣政府原住民族行政處,‎ (consulté le ).
  16. (zh) « 第十一屆金曲獎入圍名單 », sur 文化部影視及流行音樂產業局,‎ .
  17. a et b (en) Sandy Huang, « Amis singer Difang passes away », sur Taipei Times, (consulté le ).

Liens externes