Démission silencieuse
La démission silencieuse (en anglais, quiet quitting) est une grève du zèle menée sans coordination avec son groupe de travail[1],[2]. Elle n'est pas une tentative de quitter son emploi, mais une tentative d'effectuer un nombre minimal de tâches exigées tout en étant présent à son poste le nombre minimal d'heures de travail[3]. Les partisans de cette pratique l'appellent « agir sur son salaire » (acting your wage)[4] ou « contribution modulée » (calibrated contributing)[5], tout en soutenant que le but de cette pratique ne vise pas à perturber le fonctionnement de la place de travail dans le cadre d'un mouvement organisé, mais plutôt à prévenir l'épuisement professionnel et à maintenir l'autonomie professionnelle ainsi que l'équilibre vie privée-vie professionnelle. Un éditorial, publié dans un périodique de l'American Institute of Chemical Engineers, définit la démission silencieuse comme un rejet de la culture des longues heures de travail au détriment de ses besoins personnels (hustle culture) et comme un rejet de la croyance que la valeur du travail est corrélée au nombre d'heures travaillées[6]. Les salariés démissionnent silencieusement à cause d'un manque de motivation extrinsèque, de crainte d'épuisement professionnel ou par rancune envers leurs superviseurs ou leurs employeurs. Cette approche peut avoir des conséquences diverses : elle prévient l'épuisement professionnel, mais elle met en péril leur carrière. Même si le terme est apparu dans les années 2020, les justifications existent depuis des décennies[7].
L'origine de quiet quitting est inconnue[8]. Le terme serait peut-être inspiré du nom du mouvement Tangping (« s'allonger à plat ») qui a été mentionné en avril 2021 dans les réseaux sociaux chinois pour devenir viral sur Sina Weibo[9],[10],[11]. Plus tard cette année, des internautes chinois ont rapproché « Tangping » d'« involution », un processus présenté par l'anthropologue américain Clifford Geertz dans son livre Agricultural Involution (1963). Ce livre a été régulièrement mentionné vers la fin des années 1980 dans les recherches en sciences sociales sur la Chine, ce qui a incité des médias chinois à porter leur attention sur le terme « involution »[12]. La thèse principale de Geertz dans son livre est que les méthodes intensives de la culture du riz en Indonésie n'ont pas évolué pendant des centaines d'années, pourtant les structures sociales ont augmenté en complexité sans induire d'importants changement technologiques et politiques[13],[14]. En 2020, « involution » est l'un des buzzwords qui ont été le plus utilisés dans les médias chinois, où il est utilisé pour décrire le sentiment d'épuisement dans une société trop compétitive[13],[15].
Après que « Tangping » soit devenu un buzzword et inspire plusieurs mèmes, le magazine d'affaires ABC Money affirme en 2022 qu'il résonne de plus en plus parmi la majorité silencieuse grandissante des jeunes Chinois désillusionnés par le rêve chinois soutenu par les autorités politiques de la Chine qui encouragent une vie de sacrifice et de dur labeur sans obtenir en retour une satisfaction de vie tangible[16].
Le terme « quiet quitting » a été popularisé en 2022 aux États-Unis, principalement par le réseau social TikTok[17],[18], terme utilisé dans un article de Business Insider la même année[19]. La même année, The Gallup Organization publie les résultats d'un sondage en affirmant qu'environ la moitié de la main d’œuvre américaine fait de la démission silencieuse[20].
Des observateurs de la scène industrielle soutiennent que la pandémie de Covid-19 a favorisé la propagation de la démission silencieuse, étant plus présente parmi la génération Z à la suite de difficultés financières[21]. L'American Psychological Association a publié un rapport en 2021 où les auteurs affirment que 40 % des travailleurs américains envisagent de quitter leur emploi, que les auteurs attribuent au refus de rémunérer les salariés pour le stress et l'épuisement professionnel qu'ils vivent au travail[22].
Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Work-to-rule » (voir la liste des auteurs).
- ↑ « Column: 'Quiet quitting' is just a new name for an old reality », sur Los Angeles Times,
- ↑ (en) Jonathan Lord, « Quiet quitting is a new name for an old method of industrial action », sur The Conversation,
- ↑ Consulter :
- (en) James Tapper, « Quiet quitting: why doing the bare minimum at work has gone global », sur the Guardian, (consulté le )
- (en-GB) Pema Bakshi, « In Defence Of 'Quiet Quitting' Your Job », sur www.refinery29.com (consulté le )
- (en) Ellen Scott, « Could 'quiet quitting' your job be the answer to burnout? What you need to know », sur Metro, (consulté le )
- (en-US) Lindsay Ellis and Angela Yang, « If Your Co-Workers Are 'Quiet Quitting,' Here's What That Means », The Wall Street Journal, (lire en ligne)
- ↑ « Business », The Economist, (lire en ligne)
- ↑ Venk Reddy, Osterweis Capital Management, « Quiet Quitting? Quiet Firing? More Like Quiet Retiring », GuruFocus, (lire en ligne)
- ↑ (en) « Editorial: Reversing the Quiet Quitting Trend », sur www.aiche.org, (consulté le )
- ↑ A. Serenko, « The human capital management perspective on quiet quitting: Recommendations for employees, managers, and national policymakers », Journal of Knowledge Management, vol. 28, no 1, , p. 27–43 (DOI 10.1108/JKM-10-2022-0792, S2CID 258026195, lire en ligne)
- ↑ Tarpley Hitt, « The Libertarian Who Supposedly Coined 'Quiet Quitting' » [archive du ], sur Gawker, (consulté le )
- ↑ Perisha Kudhail, « Quiet quitting: The workplace trend taking over TikTok », BBC, (lire en ligne)
- ↑ Henry Bodkin, « Workers embrace the bare minimum in 'quiet quitting' trend », The Telegraph, (lire en ligne)
- ↑ « China's new 'tang ping' trend aims to highlight pressures of work culture », BBC,
- ↑ Ariane Picoche, « Tang ping: the Chinese millennials lying flat to protest against overwork » [archive du ], sur Welcome to the Jungle, (consulté le )
- (en-US) Yi-Ling Liu, « China's "Involuted" Generation », The New Yorker, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ 刘世定; 邱泽奇, « "内卷化"概念辨析 », 社会学研究, (lire en ligne [archive du ], consulté le )
- ↑ Qianni Wang et Shifan Ge, « How One Obscure Word Captures Urban China's Unhappiness », Sixth Tone, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Claire James, « Why Chinese youth are 'lying flat' as a form of resistance to CCP rule », ABC Money, (consulté le )
- ↑ « If Your Co-Workers Are 'Quiet Quitting,' Here's What That Means », Wall Street Journal, (lire en ligne)
- ↑ Beth Teitell, « As quiet quitting goes viral, it's turning into the pumpkin spice of 2022. », The Boston Globe, (lire en ligne, consulté le )
- ↑
- Zachary M. Seward, « The guy who inspired the 'quiet quitting' movement is back to working 50 hours a week », Quartz, (lire en ligne, consulté le )
- Aki Ito, « 'My company is not my family': Fed up with long hours, many employees have quietly decided to take it easy at work rather than quit their jobs », Business Insider, (lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en) Jim Harter, « Is Quiet Quitting Real? », sur Gallup.com, (consulté le )
- ↑ Sandro Formica et Fabiola Sfodera, « The Great Resignation and Quiet Quitting paradigm shifts: An overview of current situation and future research directions », Journal of Hospitality Marketing & Management, vol. 31, no 8, , p. 899–907 (DOI 10.1080/19368623.2022.2136601, S2CID 253077483)
- ↑ « The American workforce faces compounding pressure: APA's 2021 Work and Well-being Survey results », sur www.apa.org (consulté le )