Coup d'état orangiste de 1831 à Gand
Date | |
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Lieu | Gand |
Issue | Victoire des patriotes belges |
Révolutionnaires orangistes | Pompiers de Gand |
Ernest Grégoire Albert De Bast |
L. Van de Poele Benoît Rolliers Werner de Lamberts-Cortenbach |
400 | 100 |
46 morts, 60 prisonniers | 1 mort, 4 blessés |
Coordonnées | 51° 03′ 07″ nord, 3° 43′ 37″ est | |
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Le coup d'état orangiste de 1831 à Gand fait partie d'une tentative de coup d'état menée le par le mouvement orangiste à Gand, dans la province de Flandre-Orientale. Elle se déroule en pleine guerre belgo-néerlandaise, qui fait suite à la révolution belge et à l'indépendance de la Belgique du Royaume uni des Pays-Bas, proclamée unilatéralement par le gouvernement provisoire le .
L'action prévoyait des attaques simultanées à Anvers, Bruxelles et Louvain dans le but de promulguer le fils du roi des Pays-Bas Guillaume Ier, le prince d'Orange, en tant que nouveau chef de l'état belge[1].
À Gand, la tentative échoue grâce à la résistance des pompiers de la ville[2] qui, à l'époque, étaient armés et engagent le combat contre les orangistes dans la Gouvernementstraat, faisant 47[3] morts dont un dans leurs rangs.
Le meneur de l'action, le Français Ernest Grégoire, est arrêté et jugé avec d'autres orangistes. Ils seront tous acquittés.
Contexte

La révolution belge et les orangistes
En 1830, tous les belges ne se rallient pas à la révolution et ne sont pas nécessairement en faveur de l'indépendance de la Belgique du Royaume uni des Pays-Bas, telle que proclamée par le gouvernement provisoire le à la suite de l'insurrection dans les Pays-Bas méridionaux puis des Journées de Septembre. En effet, le mouvement orangiste demeure, à tout le moins, fervent partisan du roi des Pays-Bas, Guillaume Ier d'Orange-Nassau, d'où leur nom. Ils organisent dès lors une contre-révolution, particulièrement dans des bastions royalistes ou « pro-hollandais » comme l'était la ville de Gand[4] où une grande partie de la bourgeoisie industrielle est réputée pour son soutien au roi.
Le trône de Belgique
C'est également la période de l'histoire de la Belgique où le jeune état se cherche un roi, puisque la constitution de la Belgique entendait faire du pays une monarchie constitutionnelle. A ce moment c'est Louis d'Orléans, duc de Nemours et fils du roi des Français, Louis-Philippe Ier, qui est plus que pressenti pour devenir le premier roi des Belges. Le but des orangistes est alors de proclamer le prince d'Orange en tant que nouveau chef de l’État belge, malgré le décret constitutionnel du 24 novembre 1830 qui exclut perpétuellement la famille d'Orange-Nassau de tout pouvoir en Belgique. L'objectif est de réaliser cela avant le vote en faveur du duc de Nemours, en attaquant Bruxelles, mais aussi Anvers, Gand et Louvain. En effet, le prince, alors en exil à Londres possède de nombreux agents en Belgique qui lui sont toujours fidèles et entretient avec eux des correspondances où il leur intime d'établir des relations avec les troupes des nouvelles forces armées belges et leurs officiers supérieurs, ainsi qu'avec certains personnages haut placés, particulièrement à Anvers, Maastricht et dans les Flandres[5].
Gand en 1831

Début 1831, la ville de Gand abrite le quartier-général de l'un des trois corps d'armée des nouvelles forces armées belges : l'armée des Flandres, commandée par le général Ignace Louis Duvivier. Son état-major est situé sur le Kouter, à l'époque appelé la « Place d'Armes ».
La garnison de la ville loge dans la toute nouvelle citadelle de Gand et se compose :
- du 7e régiment de ligne, commandé par le colonel Jean Nicolas Marie L'Olivier
- d'un bataillon des « chasseurs Borremans », commandé par le major A. Baron[6]
- du 2e régiment de chasseurs à cheval, commandé par le colonel Constantin d'Hane-Steenhuyse.
En plus de cela, le maintien de l'ordre public est assuré par la Gendarmerie, nouvellement créée pour remplacer la maréchaussée royale, ainsi que par la garde civique, qui remplace l'ancienne schutterij[7] de la période néerlandaise, dissoute par la régence de la ville dès l'insurrection de 1830 dans les Pays-Bas méridionaux. Elle-même renforcée dans cette fonction par le corps des pompiers de Gand, dirigé par le Major Van de Poele. En effet, à l'époque, les corps de pompiers des grandes villes sont organisés de manière militaire bien que demeurant des unités civiles au service de la municipalité. Ils sont, dès lors, armés dans le but de soutenir et renforcer les forces de l'ordre en plus de leur mission de lutte contre l'incendie. Celui de Gand, fondé le par un décret impérial de Napoléon Bonaparte, ne fait pas exception à la règle et dispose, outre de fusils, de l'artillerie de la ville composée de deux canons[9].
La ville est un bastion orangiste notoire[10], particulièrement dans le milieu bourgeois. Elle est le siège de plusieurs journaux ralliés à cette cause, comme Le Messager de Gand.
Genèse

Le mouvement orangiste parvient à convaincre Ernest Grégoire, un Français, d'être le meneur de l'action de Gand. Ce-dernier avait été nommé au grade de lieutenant-colonel dans la jeune armée belge à titre de remerciement pour sa participation, jusqu’alors exemplaire, à la révolution belge et tout particulièrement aux Journées de Septembre à Bruxelles. Il commande depuis lors le 2e bataillon de tirailleurs du 6e régiment de ligne, en poste à Bruges. Dès le début de l'année 1831, il cherche par tous les moyens à augmenter ses effectifs afin d'obtenir plus rapidement le grade de colonel[11], mais ses enrôlements sont repérés par les autorités, comme l'atteste la lettre du major Pierre Aulard, commandant du 2e bataillon de la légion Belge-Parisienne[12], au lieutenant-colonel Huybrecht, commandant de la gendarmerie de Gand, le :
« Je suis informé par Monsieur le Chef de la police que des enrôlements se font dans cette ville et particulièrement au cabaret de l'Allemand. Je me suis adressé à M. le Général commandant des deux Flandres pour le prier de me faire connaître s'il avait connaissance de ces enrôlements ; il m'a fait l'honneur de me répondre, sous la date de ce jour qu'il n'avait accordé aucune autorisation spéciale en cette ville et que je pouvais agir comme je le trouvais convenable pour arrêter les enrôlements qui pourraient se faire d'une manière illégale. En conséquence, Monsieur le Commandant, je vous invite à vous assurer des personnes qui ne seraient pas en règle à cet égard. »
Le complot comprend presque tous les officiers supérieurs de la garde civique et de la garnison de la citadelle de Gand[13]. Il comprend également une bonne partie de l'état-major militaire de la province de Flandre-Orientale, ce inclus le général Ignace Louis Duvivier, le commandant en chef de l'une des trois armées de la nouvelle armée belge, l'armée des Flandres. En cas de succès, le prince Guillaume d'Orange, fils de Guillaume Ier, a promis qu'il viendrait en aide aux rebelles depuis la Zélande avec une armée de 6 000 hommes et que des mouvements simultanés auraient lieu à Anvers, où l'armée de l'Escaut, commandée par Jacques Van der Smissen, devait également se soulever[14].
Déroulement
Préparatifs et départ de Bruges

Dans la soirée du , un dîner fut organisé par les orangistes à Bruges pour les hommes d'Ernest Grégoire, issus du 6e régiment de ligne. Ils y avaient également invité des dames, habillées de vêtements de soie de couleur orange. Un toast y fut porté au Prince d'Orange ainsi qu'à la réussite de leur entreprise du lendemain. Les préparatifs éveillèrent les soupçons des autorités de la ville quand ils s'aperçurent que les chasseurs de Grégoire avaient reçu de l'argent et qu'ils s'enivraient dans les cabarets de Bruges[15]. Dix d'entre-eux furent en effet arrêtés à la suite d'une bagarre vers 17. L'un des officiers du bataillon de Grégoire, le capitaine d'Origny tenta de les faire libérer, mais en vain.
La troupe parti de Bruges vers 22 h avec un peu plus de 300 hommes et, arrivée à Maldegem, elle se vit renforcée par une compagnie de soldats du 6e régiment de ligne qui grossi leurs rang sous présentation de faux ordres[16].
Une patrouille de soldats de la grande garde de Bruges fut alors mise sur pieds par le major De Pachtere, afin de maintenir l'ordre. Cependant, lorsqu'ils se mirent en route vers 23, ils se rendirent compte que les 400 hommes du bataillon de Grégoire avait quitté leur caserne sans en avoir reçu l'ordre. Le major et ses hommes se rendirent alors à la porte Sainte-Croix où le caporal de garde confirma que le bataillon venait de passer en quittant la ville en direction de Gand[17]. L'officier fit alors demi-tour pour aller en informer le général de Mahieu, commandant militaire de la province de Flandre-Occidentale. Ce-dernier décida de l'envoi immédiat vers Gand de deux gendarmes déguisés, porteurs de lettres informant les autorités gantoises de l'arrivée du bataillon[18]. Une seule de ces missives parvint à destination et il était entre 9 et 10 du matin le , lorsque le général Duvivier, commandant de l'armée des Flandres, reçut la nouvelle de l'arrivée de Grégoire dans son chef-lieu.
Arrivée en ville

Le général Duvivier informe le général Wautier de l'arrivée des rebelles et lui demande de partir à la rencontre de la troupe pour s'enquérir de la situation. Il retrouve les rebelles à Mariakerke où il s'entretient avec Grégoire et apprend ses desseins[19]. Il renvoie alors discrètement son aide de camp à Gand pour informer le général Duvivier de la situation et lui demander de fermer la porte de Bruges après avoir tourné le pont du canal de Gand-Terneuzen et fait sonner la « grande garde ». Ne pouvant fuir, il accompagne la troupe d'Ernest Grégoire vers Gand, les devançant de peu. A son arrivée, il est surpris de voir que ses ordres n'ont pas été exécutés. En effet, les portes de la ville sont ouvertes, les hommes de la garde civique de faction à la porte se trouve dans le corps de garde et une petite foule est même présente, dans laquelle se trouve l'ancien commandant de la garde civique, Van den Berghe, qui semblait attendre les rebelles en les acclame aux cris de « Vive le Prince d'Orange ! ». Certains soldats s'écrient en retour : « Vivent les Français ! » et « Vive Napoléon! »[20]. Les hommes de Grégoire s'avancent alors en distribuant des pièces de monnaie aux curieux sur leurs passage. Le général Grégoire parvient alors à s'échapper et à se rendre à l'état-major provincial, situé sur le Kouter, où il retrouve le général Duvivier. Ce dernier lui indique qu'il a bien reçu ses consignes mais ne semble pas vouloir les faire appliquer[21]. Le général Wautier se dirige alors vers la caserne Saint-Pierre où est stationné le bataillon des chasseurs de Bruxelles commandé par le Major Baron, afin de le mettre en ordre de marche, puis vers la citadelle de Gand où il fait de même avec les deux bataillon du 7e régiment d'infanterie, commandé par le colonel Jean Nicolas Marie L'Olivier. Ce dernier interpelle alors le général en lui disant[22] : « Général, mettez-vous à la tête du mouvement de Grégoire et je vous soutiendrai avec mon régiment ». Wautier de lui répondre : « C'est le général Duvivier qui commande, allez lui faire cette proposition ! ». Il prend ensuite le commandement du premier bataillon et marche vers la ville.
Pendant ce temps, la troupe de rebelles se divise en deux : Ernest Grégoire se dirige vers la maison du gouverneur de la province de Flandre-Orientale, Werner de Lamberts-Cortenbach, tandis que le capitaine Albert de Bast prend la tête de l'autre partie et se dirige vers la caserne des pompiers de Gand, dont le corps d'une centaine d'hommes n'a pas été joint au complot et doit être maîtrisé et dont il a reçu l'ordre de s'emparer de deux pièces d'artillerie[23].
Prise de l'« hôtel du Gouvernement » et négociations
Les pompiers gantois sont alertés de l'arrivée des complotistes par le colonel commandant d'armes Vandezande[24] qui leur ordonne de se mettre en ordre de bataille et de préparer à l'affrontement. Cependant, les chevaux nécessaires pour tirer les canons avaient été réquisitionnés la veille par la régence de la ville. Le commandant des pompiers, le major Van de Poele, décide d'arrêter deux fiacres qui passaient par là et d'en dételer les chevaux pour les mettre à ses canons[25]. À peine les deux pièces apprêtées dans la cour, qu'il voit deux pelotons commandés par De Bast se diriger vers la caserne au pas de charge. Il fait aussitôt refermer la porte et place ses hommes aux fenêtres à croisées afin de se préparer à tirer sur les assaillants[26]. Il ordonne de charger l'un des canons avec de la mitraille et de le pointer vers la porte. C'est à ce moment qu'il apprend qu'un pompier de garde à l'hôtel du Gouvernement a été maîtrisé et que Grégoire a envahi le palais du gouverneur.
En effet, de son côté, Ernest Grégoire et sa troupe sont parvenus jusqu'au bureau du gouverneur de la province de Flandre-Orientale, Werner de Lamberts-Cortenbach, avec quatre fusiliers. Dès leur arrivée, les rebelles distribuent d'importantes sommes d'argent aux prolétaires gantois afin de les rallier à leur cause, mais l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous[25]. Grégoire somme le gouverneur de reconnaître le prince d'Orange comme nouveau chef de l'état belge, l'assurant qu'il est déjà reconnu à Bruges et qu'il vient à présent le proclamer à Gand : « Il y va de votre intérêt, tous les fonctionnaires sont conservés ; six mille hommes entrent en ce moment en ville. ». Le gouverneur s’enquerre alors du sort des pompiers, qu'il sait être dépositaires de l'artillerie de la ville à la place de la garde civique. Grégoire de lui répondre « Ils sont en ce-moment occupés à remettre leurs pièces. ». La réponse du gouverneur est alors sans équivoque[27] :
« Non ! Dussé-je être seul, je n'adhère point au parti du prince d'Orange ; je ne reconnais que le gouvernement qui m'a placé ici et duquel je tiens mon mandat. »
La réponse de Grégoire le fut tout autant : « En ce cas, on va placer un autre gouverneur ! »
Du côté des pompiers, la caserne est menacée par les 300 hommes du capitaine de Bast. Le commandant Van de Poele décide de faire manœuvrer 70 de ses hommes et ses deux canons en effectuant une sortie par une petite rue adjacente, de telle manière à ce qu'ils se trouve face aux hommes de De Bast dans la Gouvernementstraat[26] . Voyant la manœuvre, ces-derniers se mettent alors en position de faire feu. Van de Poele ordonne alors de charger le deuxième canon de mitraille et décide d'aller négocier avec le chef des opposants. De Bast s'avance à son tour et Van de Poele lui demanda de retirer ses soldats de sa caserne. C'est à ce moment ce moment qu'Ernest Grégoire apparut, sorti du palais du gouverneur. Il s’avance vers le pompier et lui dit[28] : « Il y va de votre intérêt, il y va de votre vie. Tout est d'accord. Vous allez recevoir l'ordre du général Duvivier. Nous venons proclamer le prince d'Orange. » » Van de Poele répondit à haute voix[29] : « Le prince d'Orange? Je ne connais pas cet homme-là ! Et, puisque vous dites que tout est d'accord, le gouverneur civil en est-il ? Je vais envoyer l'un de mes officiers vers ce magistrat. Vous le ferez accompagner par un des vôtres, à l'effet de connaître ses intentions, et vous répondrez de mon officier sur votre tête. »
L'officier-pompier choisi pour la mission est le lieutenant Benoit Rolliers qui, accompagné d'un officier de la troupe de Grégoire, se dirige chez le gouverneur et lui demande ses ordres. Werner de Lamberts ,ignorant la situation, déclare[30] : « Un troupe étrangère a enlevé votre poste au Gouvernement ; vous devez savoir ce qui vous reste à faire. On m'a demandé de reconnaître le prince d'Orange, j'ai répondu non ! ». Entendant cela, Rolliers s'exclame « Bravo ! Nous chasserons cette canaille ! » et les deux officiers regagnèrent leurs rangs pour rendre compte à leurs supérieurs.
Affrontement

A peine les deux émissaires avaient-ils rejoint les leurs, que les combats débutent. Les hommes de Grégoire ouvrent le feu en premier en direction de Benoit Rolliers[31], mais le coup atteignent et tuent un pompier se trouvant entre lui et le commandant et en blessent quatre autres. La riposte des soldats du feu ne se fait pas attendre : le sergent-major De Blinde s'écrie[32] : « Il faut tirer ! » et le Major Van de Poele, jusque là prudent, ordonne d'ouvrir le feu avec les deux canons ainsi que le premier peloton. Il fit recharger et avancer en même temps les hommes du deuxième peloton afin d'empêcher la troupe de rebelles de s'emparer des canons pendant qu'ils étaient rechargés. Le résultat fut sans appel : la troupe se débande et la rue se vide. La fusillade se poursuit par les croisées de l'hôtel du Gouvernement. Le commandant Van de Poele ordonne alors à ses hommes de revenir vers la caserne où il sont à nouveau attaqués par des rebelles qui se trouvaient dans le jardin de l'hôtel du Gouvernement, où ils avaient placé une échelle pour descendre dans la rue afin de prendre les pompiers par derrière. Une nouvelle fusillade s'engage alors jusqu'à ce que le caporal de pompier Brugland[33] ne parvienne à s'emparer de l'échelle, provoquant la débâcle finale de la troupe. Le commandant Van de Poele se dirige alors avec deux pelotons, vers l'intérieur du palais où il arrive, baïonnette en avant. Aidé par l'avocat Desouter, il y fait une soixantaine de prisonniers qui s'y étaient réfugiés, dont Albert de Bast. Il sécurise ensuite le site par ses deux canons qu'il laisse en protection jusqu'à l'arrivée du bataillon de la garnison de la citadelle, commandé par le général Wautier[34] ainsi qu'une deuxième colonne arrivée de Bruges, commandée par le capitaine Janquart, qui arrive par la rue de la Vallée, vers la place d'Armes où elle se rangea en bataille[3].
Suites
Le soir des évènements, le colonel Borremans arrive à Gand et propose 400 florins néerlandais au général Wautier en lui demandant de les remettre aux chasseurs de Bruxelles car il s'agissait là de l'argent du prince d'Orange. Cela confirma au général le complot dans lequel il dit avoir le seul à ne pas avoir pris part[35], ce dont doute Constantin Rodenbach[23] dans son ouvrage Épisodes de la Révolution dans les Flandres publié en 1833.
Dans le même temps, deux commissaires du gouvernement belge, Joseph Vander Linden et Sylvain Van de Weyer, arrivent de Bruxelles afin de mener une première enquête pour le Congrès national. Le général Wautier insiste pour que le général Duvivier témoigne des propositions faites par le colonel L'Olivier de rejoindre la cause des rebelles, mais celui-ci ne le mentionna même pas dans son rapport officiel des évènements[34]. Le rapport de Wautier, quant à lui, fut transmis au commissaire Vanderlinden le soir-même.
Arrestation de Grégoire
Ernest Grégoire, qui était parvenu à prendre la fuite avec environ 150 hommes, arrive le soir-même à Eeklo où il cherche une voiture pour se diriger vers la France[36], son pays natal. Il se réfugie d'abord chez un savonnier, Monsieur Bert, puis se rend à l'« hôtel de la Cigogne », où il est arrêté par la gendarmerie et la police locale sur l'ordre du Bourgmestre Stroo et du commandant de la garde civique de la ville. Il a le temps de brûler quelques papiers[37] mais on trouve sur lui des pistolets, des poignards et une lettre du prince d'Orange en personne, datée du 14 janvier à Londres[38] :
« Londres, 14 janvier 1831.
Colonel !
J'ai reçu ce matin votre lettre par M... Je pense que je ne puis mieux y répondre qu'en vous remerciant des sentiments que vous m'exprimez, et du zèle que vous paraissez disposé à déployer pour ma cause. La pièce ci-incluse contient ma profession de foi politique (Le document dont il est ici question, est une copie du manifeste du prince, du 11 janvier) ; communiquez-la à mes partisans, et prenez sur vous de tranquilliser les Belges, qui pourraient se considérer comme trop fortement compromis, et qui pourraient craindre des réactions. Un entier oubli du passé est garanti par l'espèce de manifeste que je vous transmets ici. Vous savez que je n'ai jamais violé mes promesses.
Signé, Guillaume, prince d'Orange. »
Le lendemain, Grégoire et ses complices furent transférés à Gand sous les huées de la foule[39].
Conséquences
Militaires
Le , le général Wautier est nommé commandant en de l'armée des Flandres à la place du général Duvivier.
Mouvement orangiste
L'échec de l'action de Gand ne dissuada pas les orangistes qui remirent le couvert lors d'une nouvelle tentative de coup d'état à Bruxelles, en mars 1831. Celui-ci échoua à nouveau, arrêté par la garde civique de la ville.
A Gand, des tracts en faveur du roi Guillaume Ier sont à nouveau distribués clandestinement. Le , la situation est si tendue que l'on craint un nouveau soulèvement orangiste. Tous les membres « commission de sûreté publique » passent la nuit à l'hôtel de ville, tandis que les pompiers patrouillent. Des émeutes éclatent régulièrement et, la nuit, des coups de feu sont tirés sur les sentinelles et les veilleurs de nuit. Le , le pillage de l'usine d'un orangiste par des membres des milices, pompiers et ouvriers confondus, dégénère, obligeant l'armée à intervenir et à rétablir l'ordre dans la ville[40]. Le , les « gendsche zyssen-men » marchent sur Bruxelles dans une nouvelle tentative de renversement du gouvernement belge. Cette tentative échoue et est suivie de nombreuses arrestations à Gand, dont celle d'un major de la garde civique, également membre de la commission de sécurité publique.
Procès
C'est le juge d'instruction Spanoghe qui instruit le dossier. Lorsqu’il demanda à Ernest Grégoire pourquoi il avait tenté un tel coup d'état avec seulement 400 hommes dans une ville qui comptait une garnison dix fois plus nombreuse, le prévenu lui répondit[23] : « J'étais sûr de mon fait ; j'ai été trompé. Je n'avais qu'une personne à craindre, c'était le commandant des pompiers. »
Lors du procès aux assises, Grégoire, De Bast, Champon , Trossaert et d'Origny furent acquittés, non pas par faute de preuves suffisantes de leur culpabilité mais plutôt à cause du grand nombre d'inculpés et de l'envie des autorités de ne pas faire couler davantage de sang[41]. Aussi, le jeune gouvernement préférait montrer une Belgique forte et unie aux puissances européennes réunies lors de la conférence de Londres et qui, jusqu'alors, avait relativement soutenu la révolution belge et l'indépendance de la Belgique, à condition qu’elle demeure cet état-tampon suffisamment solide entre la France et la Prusse.
Grégoire se retira aux Pays-Bas où il rejoignit l'armée et forma un nouveau corps de partisans dans l'optique de la future campagne des Dix-Jours.
Roi des Belges

Les attaques simultanées qui devaient avoir lieu à Anvers, Bruxelles et Louvain, n'ont pas lieu et l'échec de l'action de Gand ne permet pas de rencontrer l'objectif principal des orangistes : la promulgation du fils du roi des Pays-Bas Guillaume Ier, le prince d'Orange, en tant que nouveau chef de l'état belge. Dès le lendemain, le Congrès national vote en faveur de l'octroi du trône de Belgique à Louis d'Orléans, le fils du roi des Français, Louis-Philippe Ier. Toutefois, le , sous la pression des puissances européennes réunies lors de la conférence de Londres, Louis-Philippe refuse l'offre belge et la montée sur le trône de son fils. C'est finalement Érasme-Louis Surlet de Chokier qui sera nommé « Régent du royaume de Belgique » en attendant que le premier roi des Belges, Léopold Ier ne prête serment le .
Ville de Gand
Une « commission de sûreté publique » est instaurée après les évènements afin de remplacer le conseil de régence. Elle est présidée par Charles Coppens[42] et étaient composées de François Vergauwen, des avocats De Souter, Lejeune (secrétaire), Peeters et Spillhooren, ainsi que du commandant des pompiers Van de Poele. Elle perdurera pendant cinq mois.
Au début du mois de mai, les esprits s'échauffent à nouveau lorsque le ministère décide que les pompiers gantois devront rendre leurs armes et que le gouverneur de la province de Flandre-Orientale sera remplacé. On craint également la dissolution de la commission de sécurité publique[40]. Finalement, le gouvernement belge revient sur ses pas et, quelques jours plus tard, de nouvelles troupes renforcent la garnison de la ville. A la mi-juin, des combats éclatent dans la citadelle de Gand entre artilleurs et fantassins, un artilleur est tué[43]. Des arrestations sont opérées et une partie des troupes est transférée dans d'autres garnisons.
Réactions
Gouvernement provisoire
Le le Gouvernement provisoire de Belgique publie la proclamation suivante[44] :
« Belges, un étranger que la révolution avait naturalisé parmi vous, et que vous aviez accueilli comme un frère, vient de répondre à votre confiance par une tentative de révolte !
Le lieutenant-colonel Ernest Grégoire, à la tête d'une troupe d'hommes qu'il avait séduite, s'est porté sur Gand ; il voulait y proclamer un prince dont le peuple et le congrès national ont prononcé l'exclusion.
Le courage des pompiers gantois et des chasseurs de Bruxelles, soutenu par la fidélité de la population et par l'énergie des chefs civils et militaires, a fait prompte justice de cette trahison.
La peine suivra le crime, et cet odieux attentat est le dernier effort des ennemis de notre repos et de nos libertés.
Belges, vos destinées sont sur le point d'être fixées : aussi calmes après la victoire que vous avez été courageux dans le combat, vous recevrez avec confiance la décision suprême du congrès national , et votre patriotisme saura le faire respecter.
Bruxelles, le 5 février 1831.
Baron Emmanuel Van der Linden d'Hooghvorst, Comte Félix De Mérode, Charles Rogier, Alexandre Gendebien, Sylvain Van de Weyer »
Rapport officiel du général Duvivier

Le soir des évènements, le dénéral Duvivier, commandant en chef de l'armée des Flandres rédigea le rapport suivant[45] :
« À Monsieur le Commissaire-Général de la Guerre.
À peine le général Wautier se disposait-il à exécuter l'ordre dont vous parle ma dépêche n° 230, que déjà les troupes de Grégoire, au nombre de 400 hommes à peu près, qui avaient forcé le poste de garde à la porte de Bruges, se portaient dans l'intérieur de la ville ; la moitié se dirigea vers l'hôtel-de-ville, et à peu près 150 hommes vinrent se placer devant mes bureaux. Ils ont commis quelques dégâts à l'hôtel du Gouvernement et ont forcé les bureaux du gouverneur ; mais à peine le mouvement avait-il eu lieu, que les dispositions que j'avais ordonnées s'exécutaient. Les pompiers, par quelques coups de mitraille, dispersèrent ces factieux. Pendant ce temps, je me suis porté aux casernes, je me mis à la tête du 1er bataillon des chasseurs de Bruxelles ; le reste du bataillon suivit avec enthousiasme. Je dirigeai le général Wauthier sur la citadelle, à l'effet de la mettre en grande surveillance, d'en partir avec un bataillon et deux pièces d'artillerie, à l'effet d'appuyer mon mouvement ; quelques coups de fusil ont terminé l'affaire. Cent hommes ont jeté bas leurs armes et se sont rendus prisonniers. D'autres se sont dispersés et cachés dans les maisons et enfin, je viens de recevoir l'avis que M. Grégoire est en fuite sur la route de Bruges, avec à peu près 150 hommes. J'ai envoyé à sa poursuite. Quelques officiers de Grégoire se sont rendus prisonniers. Cent hommes se sont également rendus. Parmi eux se trouve le capitaine de Bast, qui en ce moment fait des révélations près du gouverneur civil.
Du reste, je n'ai qu'à me louer du bon esprit et du dévouement de toute la garnison. La population de la ville s'est également bien comportée, à quelques exceptions près. Maintenant, je prends des dispositions pour éclairer la route du Sas, afin de parer aux manœuvres possibles des Hollandais.
Le Général de Division, Signé Baron Duvivier »
Hommages

- Les pompiers de Gand reçurent un drapeau d'Honneur[46] pour leur action avec indiqué, en français, sur une face « Aux sapeurs-pompiers. La Belgique reconnaissante » et, sur l'autre, « Gand 2 février 1831 ». Outre les couleurs belges, on y retrouve les deux canons du corps, entourés de lauriers dorés.
- Le commandant des pompiers, le major Van De Pole, fut nommé colonel, tandis que le lieutenant Benoît Rolliers fut nommé capitaine. Ils reçurent plusieurs décorations pour leurs actions ainsi que l'équivalence des brevets qui leur donnent les mêmes droits que les officiers de l'armée belge[47]. Un monument est érigé en l'honneur de ce dernier à Saint-Nicolas, dans la province de Flandre-Orientale.
Bibliographie
- Louis Leconte, Les Mémoires du Lieutenant Général Baron François-Xavier de Wautier, t. 90, Bruxelles, Académie royale de Belgique, coll. « Bulletin de la Commission royale d'histoire. », (lire en ligne).
- Constantin Rodenbach, Épisodes de la Révolution dans les Flandres 1829, 1830, 1831, L. Hauman et compagnie, (lire en ligne).
- Charles White, Histoire de la révolution belge de 1830, t. II, Bruxelles, Louis Hauman et Cie, (lire en ligne), « 9 ».
- (nl) Roger Van Aerde, De Gentse pompiers redden de Belgische onafhankelijkheid, coll. « Ghendtsche Tydinghen », .
- (nl) Malik Weyns, De Gentse brandweer 1809-1950 : van gewapend pompier tot brandweerman in burger., t. II, (lire en ligne).
Notes et références
- ↑ « Pour sauver notre beau pays d'une ruine totale, nous croyons que le seul remède à nos maux actuels, c'est d'appeler au trône de la Belgique le prince d'Orange. », Le Messager de Gand,
- ↑ Henri Pirenne, Histoire de Belgique, vol. 4, Bruxelles, La renaissance du livre., , p. 15
- Rodenbach 1833, p. 204.
- ↑ Jean Steghers, Sentiment national, sentiment orangiste et sentiment français à l'aube de notre indépendance., coll. « Revue belge de Philologie et d'Histoire », (lire en ligne), partie 1, p. 71
- ↑ White 1836, p. 351.
- ↑ Leconte 1926, p. 135.
- ↑ (nl) Luc Lievens, Enkele aspecten van de Gentse burgerwacht (1830-1920), coll. « Handelingen der Maatschappij voor Geschiedenis en Oudheidkunde te Gent », (lire en ligne)
- ↑ (nl) « Historique des pompiers de Gand. », sur Zone de secours « Centrum »
- ↑ Leconte 1926, p. 122.
- ↑ Leconte 1926, p. 124.
- ↑ Académie Royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, Biographie nationale de Belgique, t. 30, Bruxelles, Établissements Émile Bruylant, (lire en ligne), p. 113
- ↑ Weyns 1997, p. 161.
- ↑ White 1836, p. 356.
- ↑ Rodenbach 1833, p. 192.
- ↑ « Gand, 3 février », Le Journal des Flandres,
- ↑ Rodenbach 1833, p. 193.
- ↑ Rodenbach 1833, p. 194.
- ↑ Leconte 1926, p. 127.
- ↑ Rodenbach 1833, p. 195.
- ↑ Leconte 1926, p. 130.
- ↑ Leconte 1926, p. 133.
- Rodenbach 1833, p. 208.
- ↑ Rodenbach 1833, p. 196.
- Weyns 1997, p. 162.
- Rodenbach 1833, p. 197.
- ↑ Rodenbach 1833, p. 200.
- ↑ Rodenbach 1833, p. 198.
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- ↑ Weyns 1997, p. 164.
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