Swing state

(Redirigé depuis Swing states)
Crédit image:
Matthew Trump. Original uploader was Decumanus at en.wikipedia
licence CC BY-SA 3.0 🛈
Panneaux de campagne électorale dans le quartier résidentiel de Grosse Pointe, au Michigan, pendant l'élection présidentielle de 2004, mettant en évidence les différences d'opinion entre deux voisins.

Dans le contexte des élections présidentielles aux États-Unis, un swing state, également appelé État charnière, État pivot, État pourpre[1], État clé, État en balance ou encore État indécis, est un État des États-Unis au vote indécis et qui peut donc changer de camp, d'un scrutin à l'autre, entre les deux partis dominants et faire basculer le résultat du vote final.

Les swing states sont des États où aucun des deux grands partis américains, le Parti démocrate et le Parti républicain, ne gagne systématiquement. Ils balancent d'un côté ou l'autre, selon l'élection.

On oppose les swing states aux États « rouges et bleus », qui votent régulièrement pour les partis républicain ou démocrate.

Contrairement à un pays comme la France, où la voix de chaque citoyen compte, le fait qu'un candidat gagne d'une ou de dix millions de voix dans un État qui lui est déjà acquis ne change rien pour le résultat global.

Tout ce qui compte, c'est de savoir si l’État est favorable ou défavorable.

Ainsi, les candidats aux présidentielles américaines jugent inutile de faire campagne dans les États qui leur sont favorables ou hostiles. Les démocrates font très peu campagne à New York ou en Californie ou dans les États qui votent républicain. Les républicains font très peu campagne dans les États républicains comme l'Alabama ou le Missouri ou dans les États qui votent démocrate.

Les swing states hésitent entre les deux partis, selon les élections.

C'est ici que républicains et démocrates ont toutes les chances d'arriver en tête des suffrages exprimés et donc de remporter la totalité de leur collège électoral. La campagne présidentielle a donc tendance à se concentrer sur cette poignée d’États, qui sont souvent la clé de la victoire. Ainsi, en 2020, six à dix États sont considérés comme déterminants pour les élections et donc monopolisent la campagne électorale.

Ce mécanisme est constamment critiqué aux États-Unis, du fait de son ancienneté et de ses défauts : il ne garantit pas la victoire au vote populaire et biaise la représentativité des électeurs.

Origine

Lors des élections présidentielles américaines, chaque État est autorisé à choisir la méthode par laquelle il élit ses grands électeurs chargés d'élire le président des États-Unis. Selon les États, leur nombre varie de 1 pour 188 000 habitants (Wyoming) à 1 pour 670 800 habitants (Californie).

À l'exception du Maine et du Nebraska, les 48 autres États américains ont tous opté pour le système dit du winner-takes-all (« le vainqueur prend tout ») qui attribue l'ensemble des grands électeurs de l'État au candidat ayant reçu le plus grand nombre de suffrages. Par conséquent, un candidat n'a besoin que d'une majorité relative du « vote populaire » dans un État pour y remporter l'intégralité des grands électeurs[3]. Ainsi, si le candidat A obtient 45 % des voix, le candidat B 40 % et les petits candidats C et D le reste, l'ensemble des grands électeurs élus pour cet État sont des grands électeurs du parti du candidat A.

En 2000, le candidat démocrate battu, Al Gore avait obtenu plus de suffrages populaires que le candidat républicain George W. Bush mais moins de grands électeurs. La campagne d'un candidat tend donc à ignorer les États où il pense arriver en tête facilement dans la mesure où il remportera la totalité des grands électeurs de cet État sans y faire de campagne significative. Tout effort de campagne y est donc inutile. Une logique similaire conduit le candidat à ne pas s'investir dans un État où il est sûr de ne pas arriver en tête. La campagne électorale des candidats a donc tendance à éviter les États où un candidat est sûr d'arriver devant l'autre. Par exemple, un candidat républicain peut s'attendre à remporter facilement le Texas et plusieurs autres États du sud comme le Mississippi ou la Caroline-du-Sud, qui possèdent une culture plutôt conservatrice et un historique de vote en faveur des candidats républicains. De façon similaire, il peut s'attendre à perdre l'Illinois, le Vermont, Hawaii, le Massachusetts, la Californie, le New Jersey et l'État de New York, traditionnellement plus libéraux, quelle que soit sa campagne dans ces États[3].

Les partis n'ont pas d'intérêt à dépenser leurs ressources et leur temps de campagne dans des États qui sont sûrs de voter majoritairement pour un candidat en particulier puisque dans ces États, du fait de ce système de vote, cela ne fera pas gagner ou perdre un grand électeur de plus à aucun des deux candidats. Les partis vont donc concentrer leur campagne sur les quelques États pouvant basculer pour l'un ou l'autre des deux candidats principaux : les swing states.

Les effets pernicieux de cette mécanique sont dénoncés, de même que le principe du collège électoral, par le fait que les trois grands États américains que sont la Californie, le Texas et New York sont quasiment ignorés et que l'enjeu soit plus marqué dans des États marginaux avec des prises de positions fortement localisées[3]. Ainsi, pour l'élection présidentielle de 2020 et probablement pour celle de 2024, seuls une douzaine d'États ont accueilli un meeting de campagne ou des dépenses de propagande électorale[4]

Historique

XIXe siècle et XXe siècle

Dès l'élection présidentielle de 1888, les États du Connecticut, de l'Indiana, du New Jersey et de New York sont clés pour remporter le scrutin[5]. Les swing states de l'Illinois[6] et du Texas déterminent le résultat de celle de 1960.

XXIe siècle

Le statut de swing states peut changer au fil du temps. En 2008, l'Illinois, le Connecticut et New York sont quasiment sûrs d'être remportés par le candidat démocrate, alors que le Texas reviendra certainement au candidat républicain. Lors de l'élection présidentielle de 2000, le résultat de l'élection dépend entièrement de la Floride[7], alors que l'Ohio a une grande importance dans celle de 2004. En 2016, ces deux États sont toujours considérés comme des swing states.

En 2008, le candidat démocrate remporte par surprise l'Indiana, un État du Midwest considéré comme traditionnellement républicain, mais sans changer le sort de l'élection.

En 2016, le candidat républicain doit une nouvelle fois sa victoire à la Floride et à l'Ohio, mais aussi au Wisconsin et à la Pennsylvanie mais l'écart de 2 millions de voix en sa défaveur suscite une réflexion sur les swing states, qui oscillent entre camp démocrate et camp républicain, parfois jugés dotés d’un « poids politique démesuré »[8].

En vue de l'élection présidentielle de 2020, les swing states sont[9] par ordre décroissant du nombre de grands électeurs le Texas, la Floride, l'Ohio, la Géorgie, la Caroline-du-Nord, l'Arizona et l'Iowa[4]. Le , les démocrates lancent un plan de 6 millions de dollars de dépenses de campagne pour tenter de conquérir le Texas[10]. En outre, pour que Donald Trump soit réélu, il faut également qu'il remporte un ou plusieurs des États plutôt favorables à son adversaire : la Pennsylvanie, le Michigan, la Virginie, le Minnesota, le Wisconsin, le Colorado, le Nevada, ou le New Hampshire.

Concernant l’élection présidentielle de 2024, les sept swing states recensés sont les suivants par ordre alphabétique : l'Arizona, la Caroline-du-Nord, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Pennsylvanie, le Wisconsin[11].

Autres appellations

En anglais, les swing states sont quelquefois aussi surnommés :

  • Battleground state (traduction française littérale, non officielle, non utilisée: « État champ de bataille ») ;
  • Purple state (traduction française littérale et officielle, utilisable moyennant fourniture des explications ci-après : État violet), car le violet est la combinaison du rouge et du bleu, couleurs symbolisant respectivement les partis républicain et démocrate.

En français, il existe de nombreux autres synonymes et périphrases, détaillés par l'Office québécois de la langue française.

Autres pays

En science politique, une notion proche, elle aussi dérivée de celle de « swing politique » est celle de « swing circonscription »[13],[14], circonscription clé[15] ou circonscriptions très serrée ("circonscriptions changeantes" au Québec), scrutées de près par la presse régionale[14] et nationale[16],[17],[18],[19],[20],[13]. Il s’agit d’élections où les résultats finaux se jouent sur quelques territoires précis, la géographie électorale restant sensiblement identique ailleurs.

Cette notion a été développée en France pour désigner les lieux où se jouent une élection à peu de voix, comme lors des législatives de 2022, où la gauche a perdu de nombreux duels très serrés, parmi ses 182 duels de second tour contre Ensemble[21] dont 58 pour peu de voix[21], avec des recours de candidats malheureux reçus par le Conseil constitutionnel dans 75 circonscriptions, dont 8 hors de France[22] et où 393344 voix auraient suffi à la Nupes pour avoir la majorité absolue[21]. L'élection ne s'est même jouée qu'à 100 voix d'écart dans 13 circonscriptions[23], à moins de 500 voix dans 2 deux du Nord et 2 du Pas-de-Calais (Lens, Desvres, Aniche ou Cambrai)[24]. La magnitude des circonscriptions joue un rôle. Écart serré aussi prévu en 2024 dans au moins 78 circonscriptions[13], parmi lesquelles la 5e de l'Essonne[25],[26] ou encore celles de membres du gouvernement[27].

Au niveau local certains territoires ont des modes de scrutins et une géographie électorale rappellent l’élection présidentielle américaine, comme Paris avec l’élection indirecte du maire via le Conseil de Paris: l’ouest parisien vote au centre et à droite, l’est parisien à gauche, et les 5e, 12e et 14e arrondissement jouent le rôle d’arrondissement balance.

Références

  1. http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=&index=ent&__index=ent&srchtxt=swing+state&comencsrch.x=0&comencsrch.y=0&comencsrch=Lancer%7C swing state / battleground state / purple state : État-charnière (terme publié au Journal officiel de la République française par la Commission générale de terminologie et de néologie), État pivot, État pourpre (Termium, consulté le 10 avril 2015).
  2. a b et c Michel Rosenfeld, « Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la Démocratie », Cahiers du Conseil constitutionnel, no 13,‎ (lire en ligne)
  3. a et b (en) « 2024 could be the last ‘battleground-state’ presidential election », sur The Hill,
  4. « 1888 Overview », Harper's Weekly (consulté le )
  5. David Rosenbaum, « Daley Remembered as Last of the Big-City Bosses », The New York Times, (consulté le )
  6. « How we got here: A timeline of the Florida recount », CNN, (consulté le )
  7. "Clinton-Trump : cinq questions sur l’incroyable écart de 2 millions de voix", par Anne-Aël Durand, Pierre Breteau et William Audureau dans Le Monde le 24 novembre 2016 [1]
  8. (en-GB) « Biden vs Trump: US presidential election poll tracker », sur ig.ft.com (consulté le )
  9. « Biden investit 6 millions de dollars au Texas, c'est inédit et ça veut dire beaucoup », sur Le HuffPost, (consulté le )
  10. Camille Romano, « Élection présidentielle américaine : qu’est-ce qu’un swing state ? », sur Public Sénat, (consulté le )
  11. a b et c Article par par Alexandra Schwartzbrod le 19 juin 2024 dans Libération [2]
  12. a et b "Vivez-vous en Bretagne dans une « swing circo », ces circonscriptions qui peuvent basculer aux législatives ?", par Blandine Le Cain et Juliette Pirot Berson, dans Le Télégramme le 20 juin 2024
  13. "Législatives 2024 : ce que l’on sait pour l’instant sur les projections électorales dans les 577 circonscriptions" par Luc Bronner dans Le Monde le 13 juin 2024 [3]
  14. "Elections législatives : les « circos » à surveiller", article par Louis Mollier-Sabet, le 12 juin 2022 sur Public Sénat [4]
  15. "Législatives 2024 : On a suivi une opération de « phoning » pour le Nouveau Front populaire" par Emilie Petit dans 20 Minutes le 19 juin 2024 [5]
  16. "À Limoges, la « méthode Ruffin » s’adapte à une campagne éclair" par Mathieu Dejean, le 19 juin 2024 dans Médiapart []
  17. Newsday, 18 juin 2022 [6]
  18. "Dans l’Essonne, l’optimisme infaillible des « vieilles du porte-à-porte », article dans Politis le 21 juin 2024 [7]
  19. a b et c "La Nupes à 16 000 voix de la majorité relative à l’Assemblée ? L’écart était en réalité plus élevé". Article par Pierre Breteau dans Le Monde le 23 juin 2022 [8]
  20. "Législatives : 91 recours de candidats malheureux reçus par le Conseil constitutionnel", dans Le Courrier des maires le 01/07/2022 [9]
  21. Article par Robin Prudent, Brice Le Borgne, pour France Télévisions le 20/06/2022[10]
  22. Article sur France3 par Martin Vanlaton le 19/06/2024 [11]
  23. "23 circonscriptions à suivre particulièrement" par Hortense de Montalivet, BFM 22/06/2024 à[12]
  24. , la Sixième circonscription de la Haute-Garonne, la huitième circonscription de Seine-et-Marne, la septième 7e circonscription du Val-de-Marne, la huitième circonscription des Yvelines, la première circonscription des Hautes-Alpes, ref>La Dépêche le 20/06/2022 [13]
  25. comme Clément Beaune (septième circonscription de Paris), Olivier Véran (première circonscription de l'Isère) Gabriel Attal, Sabrina Agresti-Roubache (première circonscription des Bouches du Rhône), Gérald Darmanin (dixième circonscription du Nord) et Agnès Pannier-Runacher (Deuxième circonscription du Pas-de-Calais)

Article connexe