Marguerite Durand (féministe)
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Marguerite Charlotte Durand |
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Féministe, journaliste, actrice, suffragette, bibliothécaire, éditrice |
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Marguerite Charlotte Durand, née le à Paris 8e[1] et morte le à Paris 5e[2], est une journaliste, actrice, femme politique et féministe française, fondatrice du journal La Fronde.
Biographie
Fille naturelle d'Anna-Alexandrine Caroline Durand[2], Marguerite Durand est élevée au couvent des Dames Trinitaires, rue Henner, dans le 9e arrondissement de Paris. En 1879, elle entre au Conservatoire, où elle obtient un premier prix de comédie en 1880. Le , elle entre à la Comédie-Française où elle se spécialise dans des rôles d’ingénue et de jeune première[3]. En 1888, elle quitte la scène et épouse Georges Laguerre, avocat[a] et député boulangiste[b]. À ses côtés, elle fréquente les milieux politiques et journalistiques de l’époque et s’initie au journalisme en publiant ses premiers articles dans La Presse, journal de propagande boulangiste que dirigeait son mari. Le journalisme devient la nouvelle passion de Marguerite.
Après le suicide du général Boulanger le , elle se détourne du boulangisme, se sépare de Georges Laguerre, dont elle divorcera le , et entre au Figaro où elle crée la rubrique « Courrier »[4].
Elle a un fils, Jacques, né le , avec l'un des directeurs du Figaro, Antonin Périvier[5], qui tente de lui enlever l’enfant à peine né, au motif qu'elle ne l’aurait pas reconnu légalement, la forçant à faire appel à l’aide juridique de Georges Clemenceau pour le récupérer[6].
Marguerite Durand a aussi cofondé le cimetière animalier d’Asnières en 1899 avec Georges Harmois.
Elle est inhumée à Paris au cimetière des Batignolles (10e division).
Marguerite Durand a défendu, à l'instar de Louise Bodin, la pacifiste et féministe Hélène Brion lors de son procès pour « propos défaitistes » en mars 1918[7].
Carrière au théâtre
- 1882, 1883 et 1885 : Le Mariage de Figaro de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, Comédie-Française Fanchette.
- : Britannicus de Jean Racine, Comédie-Française : Junie.
- 1885 et 1886 : Phèdre de Jean Racine, Comédie-Française : Ismène.
- : La Coupe enchantée de Jean de La Fontaine et Champmeslé, Comédie-Française : Lélie[8].
- 1886 : Les Corbeaux de Henry Becque, Comédie-Française : Geneviève.
- 1887 : Le Mariage de Figaro de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais : Chérubin.
Combat féministe
En , Le Figaro l’envoie au Congrès féministe international qui se tient à l’hôtel des Sociétés savantes à Paris. Elle refuse d'écrire l'article demandé sur le congrès[9], comme elle le raconte à Thilda Harlor en 1935 : « Le Figaro en 1896 m'avait chargée d'écrire un article sur le congrès féministe que des obstructions malveillantes, des quolibets et des chahuts d'étudiants signalaient bruyamment à l'attention publique. Je me rendis donc aux Société savantes où se tenait le congrès et je fus frappée par la logique du discours, le bien-fondé des revendications et la maîtrise, qui savait dominer l'orage et diriger les débats, de la présidente Maria Pognon. Je refusai d'écrire l'article de critique pour Le Figaro[c]. Mais l'idée m'était venue d'offrir aux femmes une arme de combat, un journal qui devait prouver leurs capacités en traitant non seulement de ce qui les intéressait directement, mais des questions les plus générales et leur offrir la profession de journaliste actif[10] ». Ce congrès va bouleverser sa vie car elle décide dorénavant de se consacrer à la défense des droits des femmes[11].
L’année suivante, elle fonde La Fronde, au 14, rue Saint-Georges à Paris ; le premier numéro paraît le [12]. De la direction à la rédaction en passant par la typographie, c’est un journal exclusivement élaboré par des femmes. Les articles parlent non seulement des femmes mais aussi de tout sujet lié à l’actualité : politique, littérature, sport, finance, etc. Pour couvrir certains événements, les journalistes doivent d'ailleurs parfois obtenir des autorisations spéciales ; en effet, certains lieux tels que l'Assemblée nationale[13] ou la Bourse de Paris sont à cette époque interdits aux femmes [14] ,[15].
Ce journal, surnommé « Le Temps en jupon » et qui, selon les mots de Durand, était « comme les autres journaux… pas plus amusant », favorisait les méthodes du reportage (observation et témoignage directs de l’événement). Ce fut un quotidien jusqu’en 1903[12], puis un mensuel jusqu’en 1905. De nombreuses plumes y ont collaboré telles que Séverine, Daniel Lesueur, Pauline Kergomard, Marcelle Tinayre, Lucie Delarue-Mardrus, Clémence Royer, Jeanne Chauvin, Dorothea Klumpke, etc.
Outre La Fronde, Marguerite Durand participe à la création en 1903 d'un quotidien anticlérical et socialiste, L'Action, avec Henry Bérenger, journaliste à La Dépêche de Toulouse et Victor Charbonnel, prêtre défroqué, directeur de l'hebdomadaire anticlérical La Raison. Cette expérience ne dure pas au-delà de 1905, car Marguerite Durand ne peut s'entendre avec les autres dirigeants. La Fronde en a été le supplément mensuel d' à .
Elle profite de l'année 1904, année du centenaire du Code civil, pour dénoncer l'œuvre napoléonienne. Le numéro de La Fronde du rapporte ainsi ses propos : « Il n'est pas une femme qui ne doive maudire le Code, il n'est pas une femme, riche ou pauvre, grande dame ou travailleuse, qui, dans sa misère ou dans ses biens, dans sa personne, dans ses enfants, dans son travail ou son désœuvrement, n'ait eu ou n'aura à souffrir grâce au Code »[16].
En 1907, elle organise un congrès du travail féminin et tente de fonder l'Office du travail féminin[d] avec l'aide de son ami René Viviani, devenu ministre du Travail dans le gouvernement Clemenceau en . Mais faute de crédits suffisants, et du fait de la farouche opposition du syndicat CGT, cet office ne pourra remplir son rôle[17].
En 1909, elle participe à la création d'un nouveau journal, Les Nouvelles. Elle s'investit surtout dans la campagne pour le vote des femmes et défend le droit d'élire et d'être élues. Elle lance l'idée d'organiser des candidatures féminines aux élections législatives du 24 avril 1910 et se présente dans le 9e arrondissement de Paris, mais sa candidature est rejetée par le préfet de la Seine[18].
En 1914, La Fronde reparaît pour quelques numéros, entre le et le . Même si elle considère que féminisme et pacifisme sont étroitement liés, Marguerite Durand incite les femmes à participer à l'effort de guerre[19], exprimant son espoir que les responsabilités assumées par les femmes en l'absence des hommes appelés au front, leur permettront de bénéficier de droits nouveaux. Sa déception est au rendez-vous de l'armistice. Déception aussi en ce qui concerne la reconnaissance du droit pour les femmes de choisir librement le temps de leur maternité : avortement et propagande anticonceptionnelle sont interdits par la loi du [20].
De à , elle tente de relancer La Fronde qui n'est plus le projet exclusif des femmes (la rédaction est mixte), mais le porte-voix du Parti républicain-socialiste auquel elle a adhéré. Elle tente de nouveau une entrée en politique en se présentant aux élections municipales de 1927[21] avec le Parti républicain-socialiste[22].
En 1931, elle lègue à la ville de Paris toute la documentation qu’elle possède sur l’histoire des femmes, créant ainsi le premier Office de documentation féministe français, qu'elle dirige bénévolement jusqu’à sa mort en 1936. Située dans un premier temps dans la mairie du 5e arrondissement, la bibliothèque Marguerite-Durand est depuis 1989 située 79, rue Nationale dans le 13e arrondissement.
Notes et références
Notes
- Georges Laguerre, inscrit au barreau de Paris depuis 1879, est l'avocat de prévenus socialistes, anarchistes, ouvriers, y compris Louise Michel en 1883.
- Georges Laguerre est élu du Vaucluse, rattaché au groupe de la Gauche radicale. Élu la première fois en 1883, il est le cadet des députés.
- Les articles furent écrits par André Maurel lire en ligne sur Gallica.
- Le congrès du travail féminin dont le but est de « transmettre aux législateurs les justes revendications des travailleuses qui, n'étant pas électeurs […], ne peuvent être consultées quand leurs intérêts sont en jeu. »
Références
- « Archives de l’état civil de Paris en ligne, 8e arrondissement, registre des naissances, année 1864, cote V4E 897, page 21/31, acte de naissance n° 110, page de droite en haut », sur archives.paris.fr.
- « Archives de l’état civil de Paris en ligne, 5e arrondissement, registre des décès, année 1936, cote 5D 260, page 7/31, acte de décès n° 368, page de droite, troisième acte », sur archives.paris.fr
- Thomas Wieder, « "La Frondeuse. Marguerite Durand, patronne de presse et féministe", d'Élizabeth Coquart : la fronde de Marguerite », lemonde.fr, (lire en ligne).
- Debré et Bochenek 2013, p. 203-204.
- Élisabeth Coquart, La Frondeuse : Marguerite Durand, patronne de presse et féministe, Paris, Payot, , 346 p. (ISBN 978-2-228-90500-8, lire en ligne), p. 100-101.
- Mary Louise Roberts, Disruptive Acts : The New Woman in Fin-de-Siecle France, Chicago, University of Chicago Press, , 364 p. (ISBN 978-0-226-36075-1, lire en ligne), p. 59.
- « film-documentaire.fr - Portail du film documentaire », sur www.film-documentaire.fr (consulté le 2 janvier 2021)
- « La Coupe enchantée », sur lesarchivesduspectacle.net (consulté le 20 juin 2017)
- Christine Bard, Dictionnaire des féministes : France, XVIIIe – XXIe siècle, Paris, PUF, 1700 p. (ISBN 978-2-13-078720-4, OCLC 972902161, lire en ligne)
- Jean Rabaut, Marguerite Durand (1864-1936) : La Fronde féministe ou Le Temps en jupons, L'Harmattan, , p. 135.
- Debré et Bochenek 2013, p. 205-206.
- Chloé Leprince, « Utérus, joli décolleté ou pedigree d'un mari : le sexisme ordinaire envers les femmes journalistes », sur franceculture.fr, (consulté le 24 mai 2017).
- « Les 33 premières députées s’affichent à l’Assemblée nationale | Les Nouvelles NEWS », sur www.lesnouvellesnews.fr (consulté le 26 février 2018)
- « La Bourse de Paris : Histoire », sur Palais Brongniart (consulté le 11 décembre 2017)
- « Quand les femmes affolent la Bourse », Des Femmes Qui Comptent, (lire en ligne, consulté le 11 décembre 2017)
- Debré et Bochenek 2013, p. 206-208.
- « Metz (A.), Marguerite Durand et l’Office du travail féminin - Archives du Féminisme », Archives du Féminisme, (lire en ligne, consulté le 24 novembre 2016).
- « Electeurs républicains, attention! : élections du 24 avril 1910 2e circonscription du 9ème arrondissement : affiche », sur Bibliothèques spécialisées Paris.fr, (consulté le 22 octobre 2017).
- Évelyne Morin-Rotureau, Combats de femmes 1914-1918, 2004, p. 5-13.
- « Supplément à tous les codes : bulletin des lois usuelles, décrets, arrêtés, circulaires, etc », sur Gallica.fr, (consulté le 22 octobre 2017).
- « Aux électeurs des Grandes carrières : affiche », sur bibliotheques-spécialisées.paris.fr, (consulté le 22 octobre 2017).
- Debré et Bochenek 2013, p. 208-210.
Voir aussi
Bibliographie
- Annie Dizier-Metz, La bibliothèque Marguerite Durand : histoire d'une femme, mémoire des femmes, Agence culturelle de Paris, 1992.
- Jean Rabaut, Marguerite Durand (1864-1936), La Fronde féministe ou Le Temps en jupons, L'Harmattan, 1996.
- Annie Metz, « La bibliothèque Marguerite Durand : les différentes étapes du passage d'une collection privée à une collection publique », dans Passions(s) et collections : actes du colloque (Chambéry, 21 et 22 octobre 1998), Paris, FFCB, , p. 101-116.
- Élisabeth Coquart, La frondeuse : Marguerite Durand, patronne de presse et féministe, Payot, 2010.
- Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek, Ces femmes qui ont réveillé la France, Paris, Arthème Fayard, , 374 p. (ISBN 978-2-213-67180-2), p. 189-211.
- Sabine Bosio-Valici, Michelle Zancarini-Fournel, Marguerite Durand, la Fronde in Femmes et fières de l'être : un siècle d'émancipation féminin, 20/21, collection animée par Olivier Wieviorka, Larousse, 2001, pp. 119-120, (ISBN 2-03-505098-7).
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes : Deutsche Biographie • Dictionnaire universel des créatrices • Swedish Nationalencyklopedin
- Ressource relative au spectacle :
- Ressource relative à la vie publique :
- « Maitron »
- Histoire de La Fronde, texte de Marguerite Durand sur marievictoirelouis.net.
- Transcription de manuscrits de Marguerite Durand (collections BMD).
- La Fronde, analyse sur clio.revues.org.
- Les informations pratiques sur la bibliothèque Marguerite Durand, sur equipement.paris.fr.
- Journaliste française du XIXe siècle
- Journaliste française du XXe siècle
- Collaborateur du Figaro
- Actrice française de théâtre
- Troupe de la Comédie-Française
- Féministe française du XIXe siècle
- Féministe française du XXe siècle
- Femme politique française
- Personnalité du Parti républicain-socialiste
- Naissance en janvier 1864
- Naissance dans le 8e arrondissement de Paris
- Décès en mars 1936
- Décès dans le 5e arrondissement de Paris
- Décès à 72 ans
- Personnalité inhumée au cimetière des Batignolles