Exsurgence
Une exsurgence (du latin surgere qui signifie « se lever ») est l'exutoire[1] d'écoulements souterrains qui proviennent de l'infiltration des eaux de pluie ou d'un cours d'eau souterrain. Les résurgences et puits artésiens sont des exsurgences particulières. Il existe des exsurgences sous-fluviales, sous-lacustres et sous-marines.
Sémantique et définitions
Ne pas confondre les mots « exsurgence » (avec un « s » après le « x ») et « exurgence ».
Le mot « exurgence », souvent employé à tort, suggère une sortie d'eau « puissante » ou « avec force », ceci en raison de l'étymon urgere par rapport à surgere pour exsurgence. Le latin urgere signifie « presser, pousser ». Le mot « exurgence » n'est qu'occasionnellement employé dans des textes spécialisés d'hydrographie. Il abonde, parfois d'une façon abusive, dans les rapports des spéléologues.
L'émergence est quant à elle un exutoire dont l’origine n’est pas connue.
Quelle que soit l'origine des écoulements souterrains, ces exutoires forment des sources dont l'eau provient d'un réseau hydrogéologique endogène d'un massif, généralement karstique.
Résurgence
Une résurgence est une exsurgence alimentée en partie par au moins un cours d'eau de surface identifié dont une partie ou la totalité s'infiltre dans le sous-sol par une ou plusieurs pertes. Dès lors que la perte ou le réseau hydrographique de surface communicant a été mis en évidence par la visite ou la coloration, l'exsurgence devient une résurgence.
Puits artésien
Un puits artésien est une exsurgence formant un puits où l'eau jaillit spontanément ou par forage. Ce phénomène a été mis en évidence pour la première fois par les moines de l'abbaye de Lillers, en Artois en 1126, d'où son nom.
Sources ou exsurgences marines
On en connait un certain nombre, souvent situées près du trait de côte[2], jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de profondeur et jusqu’à plusieurs centaines de mètres du rivage, leur débit étant parfois important[3], mais selon les hydrogéologues, il en existe bien plus[4] et les sous-estimer conduit à une mésinterprétation de nombreuses données océanographiques sur la salinité, les courants, l'écologie marine, les ressources halieutiques, la zonation des pollutions côtières et de la productivité benthique, ou encore les flux de substances dissoutes détectés entre le sédiment et la colonne d'eau. À titre d'exemple, on a montré qu'une source d'eau douce apportait dans la région de Perth (Australie-Occidentale) plusieurs fois plus de nitrates dans les eaux côtières que ce que ferait l'eau d'un fleuve polluée par le ruissellement[4].
En constituant pour les espèces benthiques et parfois pélagiques des conditions en partie estuariennes (avec moins de lumière et plus de pression parfois), elles peuvent localement susciter des écosystèmes très particuliers[5],[6] et en cela contribuent à la biodiversité marine[4]. Ainsi, on a pu trouver sur la marge sud-ouest de la baie de la Delaware, près du cap Henlopen, une zone sableuse où l'eau interstitielle était très peu salée et où vivaient dans des terriers des assemblages denses (milliers d'individus par mètre carré) du ver polychète Marenzelleria viridis, considéré comme typique de milieux plus frais et peu salés (oligohalins).
Certaines sources sous-marines d'eau douce dopent la croissance des microalgues qui, à leur tour nourrissent des organismes filtreurs, lesquels peuvent stabiliser le sédiment et nourrir des poissons, oiseaux marins, etc.[7]
On détecte parfois ces sources d'eau douce par des changements de couleur ou des anomalies de salinité et de densité de l'eau[8], et parfois via l'imagerie infrarouge [9].
Ces exsurgences ont parfois été utilisées par des marins comme source d'eau potable en pleine mer[10], mais elles sont parfois saumâtres[11].
Quelques-unes ont fait l'objet d'études comme les sources sous-marines de la baie de Kastela en Croatie[12],[13] ou la source de Cabbé-Massolins (Roquebrune-Cap-Martin, France)[8], mais ce sont des phénomènes encore peu étudiés, mal cartographiés et rarement mesurés in situ[14]. Des scientifiques (Cable et al., 1996) ont cherché, dans le golfe du Mexique, à quantifier ces apports d'eau douce au moyen d'analyses isotopiques de l'eau en utilisant dans le cas le radon 222[15].
Les sources sous-marines de la côte Dalmate (Croatie) sont nombreuses et appelées vruljés.
En 2004, l'UNESCO a publié un guide sur les exsurgences d'eau douce en mer[16].
Qualité de l'eau
Décantée dans les roches qu'elle a traversées, l'eau peut être de bonne qualité mais pas toujours car un réseau karstique n'est pas filtrant ; une pollution peut rapidement s'y transmettre (cf. source de la Loue et pollution accidentelle par les usines Pernod en 1901)[17].
Quelques exsurgences ou résurgences
- En Belgique, la résurgence de la Lesse et celle de Vaux-sous-Olne ;
- En Bosnie-Herzégovine, la résurgence de la Buna à Blagaj, et celle de la Bosna près de Sarajevo ;
- En Espagne, la résurgence du Goueil de Joueou, source officielle de la Garonne jusqu'en 1931 ;
- En France, l'exsurgence de Port-Miou (sous-marine), la fontaine intermittente de Fontestorbes, la fontaine de Vaucluse, la Loue (résurgence partielle et affluent du Doubs) ;
- En Italie, le Bacchiglione ;
- En Suisse, les sept fontaines de la Simme ;
- En Allemagne, l'Aachtopf ;
- Aux États-Unis, le Big Spring, Missouri, Jacob's Well (Texas)...
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Résurgence » (voir la liste des auteurs).
- Ouverture par laquelle se produit la sortie à l'air libre d'écoulements souterrains.
- Buddemeier R.W (1996) Groundwater Discharge in the Coastal Zone: Proceedingsof an International Symposium. Loicz/R&S/96-8, iv+179 pp. LOICZ, Texel, The Netherlands.
- Burnett, W., Kontar, E., Buddemeier, R., 2000. Magnitude of submarine groundwater discharge and its influence on coastal oceanographic processes. SCOR Working Group 112: Annual Report (septembre 2000). Université d'État de Floride, Tallahassee.
- Johannes R.E (1980) The ecological significance of the submarine discharge of groundwater. Mar. Ecol. Prog. Ser., No. 3, p. 365–373, PDF 10 pages (en).
- Meric, E., Avsar, N., Yokes, M. B., Barut, I., Tas, S., Eryilmaz, M., ... & Bircan, C. (2014) « Opinions and comments on the benthic foraminiferal assemblage observed around the mineral submarine spring in Kusadası (Aydın, Turkey) » Marine Biodiversity Records, page 1 of 17. Marine Biological Association of the United Kingdom, 2014 doi:10.1017/S1755267214000840; Vol. 7; e103;
- Meriç, E., Yokeş, M. B., Avşar, N., & Bircan, C. (2009). A new observation of abnormal development in benthic foraminifers: Vertebralina–Coscinospira togetherness. Marine Biodiversity Records, 2, e167.
- Miller D.C & Ullman W.J () Ecological Consequences of Ground Water Discharge to Delaware Bay, United States ; Ground Water — Oceans ; Vol. 42, No 7 (PDF, 12 p : pages 959–97)
- Gilli, E. (1999). Détection de sources sous-marines et précision de l'impluvium par mesure des variations de salinité. L'exemple de la source de Cabbé-Massolins (Roquebrune-Cap-Martin, France). Comptes Rendus de l'Académie des Sciences-Series IIA-Earth and Planetary Science, 329(2), 109-116.
- Faour, G., Shaban, A., & Jaquet, J. M. (2004). Apport de la bande infrarouge thermique du capteur ETM+ de Landsat-7 dans la détection de la pollution de l’eau de mer sur le littoral libanais. Télédétection, 4(2), 197-209.
- « Glossaire de l'Ifremer » (consulté le )
- Gloux, B. (1973). Les sources d'eau douce ou saumâtres sousmarines. In Rapp. biblio. DEA. Lab. océano. Fac. Sc. Nice.
- Alfirevic, S. (1966). Les sources sous-marine de la Baie de Kastela. Acta Adriatica, X/12, 1-38.
- Fritz, F., & Bahun, S. (1997). The morphogenesis of submarine springs in the Bay of Kastela, Croatia. Geologia Croatica, 50(1), 105-110.
- Buddemeier, R.W., 1996. Groundwater flux to the ocean: definitions, data, applications, uncertainties. In: Buddemeier, R.W. (Ed.), Groundwater Discharge in Coastal Zone: Proceedings of an International Symposium. LOICZ Reports and Studies, vol. 8. LOICZ, Texel, The Netherlands, p. 16–21.
- Cable, J. E.; Burnett W. C.; Chanton J. P. and Weatherly, G. L., (1996). Estimating groundwater discharge into the northeastern Gulf of Mexico using radon-222. Earth and Planet. Sci. Lett., No. 144, p. 591–604
- UNESCO (2004). groundwater discharge. (ISBN 92-9220-006-2) (PDF, 35 p)
- Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 1901 sur Gallica, Observations de M. André Berthelot, pages 394-397.
Voir aussi
Bibliographie
- Buddemeier, R.W., 1996. Groundwater flux to the ocean: definitions, data, applications, uncertainties. In: Buddemeier, R.W. (Ed.), Groundwater Discharge in Coastal Zone: Proceedings of an International Symposium. LOICZ Reports and Studies, vol. 8. LOICZ, Texel, The Netherlands, p. 16–21.
- Bondarev I.P () Freshwater and brackish “oasis” fauna in the deep Black Sea
- Burnett W., Taniguchi M. & Oberdorfer J (2001) Measurement and significance ofthe direct discharge of groundwater into the coastal zone. Journal of Sea Research, No. 46/2, p. 109–116.
- Faure H, Walter R.C & Grant D.R (2002) The coastal oasis: ice age springs on emerged continental shelves ; Global and Planetary Change, 33(1), 47-56.
- Freeze, R. A. and Cherry, J. A., (1979) Groundwater. Prentice-Hall, Englewood Cliffs, N. J. 604 pp.
- Lee D.R (1977) A device for measuring seepage flux in lakes and estuaries. Limnol. Oceanogr., 22, p. 140–147.
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- Manheim F.T (1967) Evidence for submarine discharge of water on the Atlantic Continental Slope of the southern United States, and suggestions for further research. New York Academy of Sciences Transactions 29, 839–853.
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- Moosdorf N, Stieglitz T, Waska H, Dürr H.H & Hartmann J (2015) Submarine groundwater discharge from tropical islands: a review. Grundwasser, 20(1), 53-67.
- Nicod, J. (1980) Les ressources en eau de la région Provence—Alpes—Côte d'Azur. Importance et rôle des réserves souterraines. Méditerranée, 39(2-3), 23-34
- Valiela, I. and D’elia C., (1990) Groundwater inputs to coastal waters. Special Issue Biogeochemistry, No. 10, 328 pp.
- Zekster I.S, Dzhamalov R.G (1981) Apports d’eau souterraine aux océans. Nature et Resources UNESCO XVIII, 21– 23.
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