Le Chant des partisans

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Le Chant des partisans
Hymne de la Résistance française
Autre(s) nom(s) Chant de la libération (fr)
surnommé « la Marseillaise de la Résistance »
Paroles Joseph Kessel
Maurice Druon
1943
Musique Anna Marly
1941

Le Chant des partisans, ou Chant de la libération, est, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’hymne de la Résistance française durant l'occupation par l'Allemagne nazie. La musique, initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à la Française Anna Marly, ancienne émigrée russe qui en 1940 a quitté la France pour Londres.

La mélodie, sifflée, devient le l'indicatif d'une émission de la France libre diffusée par la BBC. Les paroles en français sont écrites le par Joseph Kessel, également d'origine russe[a], et son neveu Maurice Druon qui venaient de rejoindre les Forces françaises libres. Germaine Sablon, alors compagne de Kessel, en est la créatrice en l'interprétant dès le lendemain dans le film de propagande Three Songs about Resistance.

Le manuscrit original, apporté clandestinement en France en juillet 1943, est classé monument historique.

Histoire

Mélodie

S'inspirant d'une mélodie populaire slave[1], la chanteuse et compositrice Anna Marly, en 1941 à Londres — où elle s’est engagée en tant que cantinière volontaire dans les Forces françaises libres (FFL) —[2], écrit paroles et musique une chanson qu'elle nomme Marche des partisans[3],[1] ou Guerilla Song, avec des paroles originales en russe, sa langue maternelle[4].

C’est au domicile de l'ancien ambassadeur russe Liouba (ou Lioubov) Krassine, à Londres, qu’Anna Marly chante Guérilla Song (chanson qu’elle a écrite pour les combattants de Stalingrad) devant Bernard (pseudonyme de résistant d’Emmanuel d’Astier). Celui-ci lui demande sur le champ de recommencer, puis lui dit « c’est ce qu’il faut pour la Résistance, il faut des paroles en français » en lui demandant de revenir le lendemain soir, avant qu’il ne reparte en France. Le lendemain Joseph Kessel est là et Bernard demande immédiatement à Anna de chanter Guerilla Song. Kessel est enthousiaste « Louba traduisait les paroles. Des papiers circulent entre les mains. Chacun donne son idée. ». Kessel et Druon écrivent la version définitive, et c’est également au domicile de Liouba que sont chantées pour la première fois les paroles françaises par Ana Marly : « Jeff (Kessel) me tendit un papier : le texte français des Partisans (...) Je l'essayai... C'était beau. Ça collait merveilleusement. »[5].

Le chant, sifflé, devient le l'indicatif de l'émission Honneur et Patrie, diffusée deux fois par jour par la radio britannique BBC[4], puis un signe de reconnaissance dans les maquis. On choisit de siffler la mélodie, d'abord pour ne pas être repéré en la chantant mais aussi car le chant reste audible malgré le brouillage de la BBC effectué par les Allemands[4],[6]. Dès sa première diffusion à l'antenne, le Chant des partisans frappe considérablement les esprits[1].

André Gillois, responsable de l'émission de la résistance française, donne à Pierre Seghers quelques détails sur la naissance du Chant des partisans[7]. Le , le sujet d'un indicatif musical est abordé au cours de la préparation de la première émission prévue pour le . Emmanuel d'Astier de La Vigerie propose de rencontrer Anna Marly qui anime alors — entre autres lieux — un petit club français de Londres. Le soir même, l'artiste les reçoit dans la petite pension qu'elle occupe, 30 Campdon Hill Garden. Elle interprète à la guitare, sans les chanter, six de ses compositions. Deux mélodies — Paris est à nous et Le Chant des partisans — sont sélectionnées et enregistrées dès le lendemain, le . André Gillois précise :

« […] elle [Anna Marly] avait réuni quelques musiciens pour former avec sa guitare un petit ensemble auquel elle avait adjoint deux siffleurs chargés des notes du début. Seulement ces professionnels sifflaient trop bien pour donner l'impression de combattants clandestins sifflotant en marchant sur les routes. Nous prîmes donc le parti, d'Astier et moi, de remplacer les spécialistes[8],[9]. »

Paroles en français

Germaine Sablon arrive à Londres le . Elle est accueillie par son ami le metteur en scène Alberto Cavalcanti qui lui propose de tourner dans Three Songs about Resistance, un film de propagande comportant trois chants, dont La Marseillaise. Il reste à en trouver deux autres et Le Chant des partisans est l'un d'eux, choisi lors d'une rencontre avec Anna Marly qui lui fait entendre la version russe.

Les paroles en français sont écrites le par Joseph Kessel — alors compagnon de Germaine Sablon — et son neveu Maurice Druon, également expatriés en Angleterre[6],[10].

C'est à Ashdown Park Hotel, hôtel du Surrey fréquenté par des Français exilés, qu'ils mettent en vers, sur un cahier d'écolier, les idées qu'ils échangent après le déjeuner. Germaine Sablon possède, sur un feuillet à part, les notes relevées en écoutant Anna Marly jouer l'air sur sa guitare[11].

« À quatre heures tout était terminé. La fille du patron, Nenette, nous a servi le thé et j'ai chanté pour la première fois Le Chant des partisans devant elle. Ensuite j'ai appelé Calvacanti au téléphone […] je suis allée au studio d'Ealing le lundi où l'enregistrement a eu lieu à onze heures et demie. »

Pierre Seghers précise :

« Le Chant des partisans, créé par Germaine Sablon dans le film de Calvacanti, semble n'avoir jamais été chanté ailleurs de toute la guerre. Je n'en ai trouvé aucune trace à la BBC avant la Libération. Il n'a donc été connu en France que par son indicatif […] diffusé deux fois par jour depuis le 17 mai 1943 jusqu'au 2 mai 1944, date de notre dernière émission[12]. »

Manuscrit

Crédit image:
licence GFDL 🛈
Lockheed 414 Hudson IV

Le manuscrit original est apporté en France le par Emmanuel d'Astier de La Vigerie et Jean-Pierre Lévy qui voyagent à bord d'un Lockheed Hudson piloté par Hugh Verity. L'appareil survole clandestinement le territoire occupé et se pose à 3 h 30 sur un terrain près d'Ambérieu-en-Bugey dont le nom de code est « Figue »[13]. Les deux hommes y sont « réceptionnés » par Paul Rivière[14], chef de la section des atterrissages et des parachutages de l'ensemble de la région Sud.

Les paroles sont publiées, sous le titre Les Partisans (chant de la Libération), dans le no 1 de la revue intellectuelle et littéraire clandestine Les Cahiers de Libération, dont l'édition originale porte le texte : « Ce volume a été achevé d'imprimer sous l'occupation nazie le [15]. »

Numérisation du manuscrit original du Chant des Partisans
Manuscrit original du Chant des Partisans

Devenu propriété de l'État, le manuscrit original est conservé au musée de la Légion d'honneur et classé monument historique au titre « objets » par un arrêté du ministère de la Culture du [16],[10],[b].

Également mise en musique par Anna Marly mais écrite par Emmanuel d'Astier de La Vigerie, La Complainte du partisan connaît un succès populaire en France dans les années 1950 mais s'efface[c] devant Le Chant des partisans, relancé par André Malraux lors de la cérémonie d'entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon le .

« […] L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des partisans que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de Rundstedt lancés de nouveau contre Strasbourg. Écoute aujourd'hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le Chant du malheur. C'est la marche funèbre des cendres que voici. […][17] »

Paroles

Le premier couplet est[d] :

 « Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
    Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne,
    Ohé ! partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme ![e]
    Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes. »
[d]

Sens du premier texte russe

Le sens des paroles originelles en russe, dues à Anna Marly[4],[19],[20] est à peu près le suivant :

« De forêt en forêt / La route longe / Le précipice
Et loin tout là-haut / Quelque part vogue la lune / Qui se hâte
Nous irons là-bas / Où ne pénètre ni le corbeau / Ni la bête sauvage
Personne, aucune force / Ne nous soumettra / Ne nous chassera
Vengeurs du peuple / Nous mettrons en pièces / La force mauvaise
Dût le vent de la liberté / Recouvrir / Aussi notre tombe…
Nous irons là-bas / Et nous détruirons / Les réseaux ennemis
Qu'ils le sachent, nos enfants / Combien d'entre nous sont tombés / Pour la liberté ! »

Interprètes

Les principaux interprètes du Chant des partisans sont [f] :

puis :

Notes et références

Notes

  1. Plus précisément, sa famille avait des origines lituanienne et russe.
  2. Selon l'article L.621-42 du Code du patrimoine, la reproduction de l'image d'un monument historique « […] n'est pas soumise à autorisation lorsque l'image est utilisée dans le cadre de l'exercice de missions de service public ou à des fins culturelles, artistiques, pédagogiques, d'enseignement, de recherche, d'information et d'illustration de l'actualité. » Il est donc possible de reproduire une image des paroles originales.
  3. La Complainte du partisan connaît en revanche une renommée internationale dans une autre langue lorsqu'elle est reprise en anglais en 1969 par le chanteur canadien anglophone Leonard Cohen, sous le titre The Partisan.
  4. a et b L'extrait est volontairement limité au premier couplet, pour éviter toute violation des droits d'auteur. Il convient en conséquence de ne rien lui ajouter, car ce type d’ajout sera systématiquement et obligatoirement retiré.
  5. Lors de la première publication du chant dans Les Cahiers de Libération, le 25 septembre 1943 en France occupée, ce vers est « Ohé ! partisans, ouvriers et paysans, c'est l'arme ! »[18].
  6. Hormis pour les deux premières interprètes, l'ordre alphabétique a été adopté pour plus de simplicité.
  7. Dans une « version du chant des partisans » [audio], chantée par Germaine Sablon, le deuxième vers du premier couplet est « Ami, entends-tu le chant lourd du pays qu'on enchaîne ».
    André Gillois raconte : « [Germaine Sablon] avait acheté chez l'épicier du village un petit cahier d'écolier dont les premières pages contiennent des leçons d'anglais. J'y lis ensuite les couplets : dans le premier « le vol noir des corbeaux » n'était encore que « le cri sourd du hibou » et « les cris sourds du pays qu'on enchaîne » étaient « le chant lourd du pays… »[22] ».
  8. Reprend le premier vers dans la chanson Le Vol noir à la suite du score du Front national aux élections européennes en .
  9. Avec une partie chantée en langue corse.
  10. Interprétée en 1998. Single deux titres Seul[26].
  11. Le , à l'occasion de la cérémonie d'entrée au Panthéon des cendres de Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay.
  12. Accompagné au piano par Christian Gaubert, enregistré en 2004.
  13. Dans l'album Chante la résistance, 1990.

Références

  1. a b et c Priscille Lamure, « La création du « Chant des Partisans », hymne de la Résistance », sur Retronews.fr, (consulté le ).
  2. « Naissance et destinée du Chant des partisans » [PDF], sur fndirp.asso.fr.
  3. Tribot Laspière 2019.
  4. a b c et d « Anna Marly (1917-2006) » (L’histoire de la création du Chant des partisans), sur le site cheminsdememoire.gouv.fr.
  5. a et b livre/album CD, Anna Marly, « Troubadour de la Résistance », Tallandier, Paris, 2000 (CD Le Chant des partisans et La Complainte des partisans)) (ISBN 2-235-02279-0)).
  6. a et b « Le Chant des partisans », sur archives.gouvernement.fr (consulté le ).
  7. Seghers 1992.
  8. Seghers 1992, p. 87.
  9. André Gillois, Histoire secrète des Français à Londres de 1940 à 1944, Hachette Littérature, , 397 p. (ASIN B0000DR7AX).
  10. a et b Notice no PM75000409, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  11. Seghers 1992, p. 88-89.
  12. Seghers 1992, p. 89.
  13. Hugh Verity, Nous atterrissions de nuit, France Empire, , 424 p. (ISBN 978-2-7048-0024-7) — France Empire, 1982, 1988, 1989 ; Éditions Vario, 1999, 2000, 2004 revue et augmentée (ISBN 2-913663-10-9).
  14. Seghers 1992, p. 82.
  15. no 1 des « Cahiers de Libération », sur gallica.bnf.fr, p. 16-18, « Les partisans ».
  16. « Le Chant des partisans monument historique », sur nouvelobs.com, , d’après Associated Press.
  17. Extrait du discours de André Malraux au Panthéon, reproduit dans l'article « Jean Moulin », Icare « Aviateurs et résistants, tome 2 », no 144,‎ , p. 33.
  18. no 1 des « Cahiers de Libération », p. 17.
  19. «  »
  20. Le texte originel peut être consulté sur Wikipédia en russe : ru:Песня партизан.
  21. Édition en CD en 2006, Label Marianne mélodie ASIN B0028HYNI8.
  22. Seghers 1992, p. 88.
  23. Sous le titre Chant de la Libération dans l'album Chante la liberté en 1997, Sony Déclic.
  24. 2004, Label Corelia - ASIN : B00248HU40.
  25. Dans l'album La Révolution française - Chants du patrimoine, 2007, Label 7 Productions, ASIN B0022ZDDQE.
  26. « Johnny Hallyday : Seul » (consulté le ).
  27. 2009, album Le Vin des autres, label Cavalier Hélène Martin, ASIN B002CEJM6A.
  28. En 1943 et réédition en 2009, dans l'album Armand Mestral, anthologie. Vol. I, Label Rym musique (ASIN B00257BVBI).
  29. Yves Montand - Le Chant des partisans Vidéo sous le titre Le Chant de la libération dans l'album Chansons populaires de France, 1992 pour le CD - Label : Strategic Marketing.
  30. Pacific 474 réédité chez Malibran Récital Pierre Nougaro.
  31. 1987, LP Western electric.
  32. DVD : Vivre Libre, 2003 – Vivre Libre créé en 1995 au théâtre des Bouffes du Nord.
  33. Album Histoire de France, mai 2013.
  34. L'a adaptée sous le titre Motivés, CD en 1997, éditeur Tactikollectif.

Annexes

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie

Ouvrage

Articles

  • Pierre Seghers, « Le Chant des partisans », Icare, revue de l'aviation française « Aviateurs et résistants, tome 1 », no 141,‎ , p. 82-89 (ISSN 0018-8786). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Victor Tribot Laspière, « L’histoire méconnue du Chant des partisans », France Musique,‎ (lire en ligne Accès libre). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Émission radiophonique

Articles connexes

Liens externes