Autolimitation
L'autolimitation est une notion qui s'applique au jeu de l'acteur, elle a été développée par l'homme de théâtre russe Vsevolod Meyerhold (1874-1940).
La mise en scène comme un organisme
Meyerhold envisage une mise en scène comme un organisme : pour que celui-ci fonctionne correctement, l'harmonie du tout doit compter davantage que la partie, et celle-ci doit se mettre au service de ce tout. Le comédien constitue une partie de l'organisme-spectacle, pour la survie duquel le rythme est un élément essentiel. L'autolimitation consiste en une forme de conscience de soi permanente, pour le comédien en jeu agissant au sein du tout. En amont, le comédien doit avoir précisément intégré la place et l'importance du rôle de son personnage dans l'économie de chaque scène comme de la pièce tout entière. Meyerhold cherche ainsi à réduire une tendance qu'il observe chez tous les comédiens : faire durer démesurément les scènes dans lesquelles ils jouent. Cette tendance est doublement néfaste. Elle mobilise d'une part toute l'attention du spectateur sur chaque scène, y compris celles de peu d'importance, au lieu de la réserver à celles qui sont essentielles, et à l'approche desquelles le public, fatigué, n'est plus suffisamment disponible. D'autre part, une scène essentielle ne doit pas être étirée mais correctement rythmée, sous peine de perdre en intensité et de faire oublier au spectateur la conscience de ses principaux enjeux.
L'acteur comme un musicien d'orchestre
Dans ses écrits, Meyerhold emploie de façon récurrente l'image du musicien d'orchestre. Celui-ci n'outrepasse jamais son rôle : il ne prend jamais plus d'ampleur, de temps, de disponibilité de l'oreille du public que ce que sa partition lui demande dans l'économie du morceau comme de la pièce tout entière. Il ne doit pas jouer plus fort, plus longtemps, etc, que ce qui est spécifié, au risque de briser l'harmonie du tout et de faire perdre au spectateur l'essentiel de la pièce. Comme le metteur en scène ne peut, lui, se trouver sur scène et donner des indications de rythme et d'amplitude de jeu pendant le spectacle, l'acteur doit acquérir son autonomie. Les limites à offrir à son rôle sont ainsi intériorisées par le comédien, comme s'il portait en lui son propre chef d'orchestre.
Ce que l'autolimitation permet à l'acteur
Meyerhold envisage l'autolimitation comme une contrainte-tremplin[1] pour le jeu de l'acteur. En effet, celle-ci lui offre non seulement une plus grande liberté, mais une meilleure qualité de jeu du point de vue de l'intensité, de la concentration, du sens de la nuance, de la justesse et de la retenue.
Éthique de l'autolimitation
La notion d'autolimitation comporte enfin une dimension éthique. Elle s'inscrit en effet dans le cadre du respect d'un travail global construit à plusieurs, porté par un ensemble de créateurs complémentaires et ayant pour principal objectif le plaisir du public.
Bibliographie
- Meyerhold, Vsevolod, Écrits sur le Théâtre, tomes I à IV, traduction, préface et notes de Béatrice Picon-Vallin, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1973-1992
- Vsevolod Meyerhold, textes réunis, traduits et présentés par Béatrice Picon-Vallin, Paris, Actes Sud-Papiers, 2005
- Les Voies de la Création Théâtrale, tome VII, Éditions du CNRS, Paris, 1979
Notes
- ↑ La contrainte limite, mais en même temps elle permet d'aller plus loin sur le plan de la qualité.
Liens externes
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