Affaire Lucien-Gilles de Vallière

Affaire de Vallière
Titre Affaire Lucien-Gilles de Vallière
Fait reproché Homicide
Chefs d'accusation assassinat, tentative de meurtre, tentative de viol aggravé, agressions sexuelles, menaces de mort, séquestration
Pays France
Ville Annemasse (Haute-Savoie)
Type d'arme cordelette, sparadrap, bombe lacrymogène
Date
Nombre de victimes 1 : Sophie Bouvier
Jugement
Statut Affaire jugée en première instance : condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 30 ans en première instance ; pourvoi en cassation reçu par la Cour de cassation (chambre criminelle) ; période de sûreté ramenée à 22 ans par le biais de la cassation sans renvoi.
Tribunal Cour d'assises d'Annecy
Cour de cassation
Formation Cour d'assises de Haute-Savoie
Cour de cassation (chambre criminelle)
Date du jugement (première instance)
(réduction de la période de sûreté)
(rejet des oppositions)
Recours Pourvoi en cassation

L'affaire Lucien-Gilles de Vallière est une affaire criminelle française.

Lucien-Gilles de Vallière a tué Sophie Bouvier, âgée de 10 ans, le , à Annemasse. Il est également l'auteur d'au moins dix autres attaques, perpétrées à Annemasse et Genève, entre 1985 et 1991.

Confondu par la police en mars 1991, Vallière fut surnommé le Monstre d'Annemasse par la presse, puis l'Assassin aux cordelettes par des documentaires judiciaires[1],[2].

Vallière est condamné, le , à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 30 ans. Il a formé un pourvoi en cassation, qui a été reçu par la Chambre criminelle, le , sous le motif que la période de sûreté de 30 ans ne pouvait s'appliquer pour les crimes antérieurs à la décision du Conseil constitutionnel n° 86-215 DC du 3 septembre 1986. Celle-ci a donc a été réduite à 22 ans, par le biais de la cassation sans renvoi[3],[4],[5],[6].

Biographie

Lucien-Gilles de Vallière est né le à Hésingue[7],[8]. Son père est un professeur de mathématiques, « froid de caractère ». Il est fils unique, couvé par sa mère.

En 1976, à l'âge de 9 ans, il est violé par un inconnu, qui l'entraîne dans une cave le force à lui pratiquer une fellation. Vallière est traumatisé par l'agression et par l’indifférence de ses parents ; il commence à se brosser les dents excessivement[8],[9],[10],[11].

Il quitte le Haut-Rhin, en 1979, pour Annemasse. Il commence à se grimer en fille, puis à se bâillonner lui-même. Ce fantasme le poursuit plusieurs années. Ses parents se séparent en 1982. Vallière décide de rester chez sa mère[8],[9],[10],[11],[12].

En 1984, sa mère découvre ses habits féminins et décide de les jeter. Vallière commence à reproduire son « scénario » sur des fillettes[8],[9],[10],[11],[12].

Il obtient son baccalauréat en juillet 1986. Il part à Genève commencer des études de chimie. Il abandonne cette formation en 1987. Il retourne vivre chez sa mère, commence des études d'informatique, qu'il suivra jusqu'à son arrestation, en 1991[8],[9],[11].

Affaire

Début de l'enquête

Le , vers 16h30, Lucien-Gilles de Vallière, âgé de 18 ans, s'introduit chez Sophie Bouvier, 10 ans, alors qu'elle est seule dans l'appartement de ses parents à Annemasse. Il l'emmène dans la chambre parentale, il la déshabille et lui fait subir des attouchements. Vallière va dans la salle d'eau, fait couler un bain et plonge la tête de Sophie dans la baignoire. Elle meurt noyée.

La mère de Sophie, à son travail, tente d’appeler sa fille au téléphone et s'inquiète de ne pas la joindre. Vers 17h, Guillaume Bouvier, le frère de la fillette, et son ami Jérôme, âgés de 13 ans, rentrent de l'école. Surpris de voir la porte fermée à clé, Guillaume ouvre l'appartement avec sa propre clé. Ils croisent Vallière, qui leur demande si Sophie est rentrée, puis quitte l'appartement. Le téléphone retentit de nouveau : la mère des deux enfants s'inquiète de ne pas avoir de nouvelles de Sophie. Guillaume lui demande qui est ce jeune homme qui se trouvait chez eux. Mme Bouvier, alarmée, quitte son travail. Guillaume et Jérôme, qui cherchaient Sophie, la retrouvent bâillonnée et noyée dans la baignoire. Les deux adolescents la libèrent de ses liens, appellent les urgences. On ne parvient pas à la réanimer[1],[2],[8],[9],[10],[11].

Guillaume et Jérôme aident à dresser un portrait-robot de l'assassin. Une enquête pour assassinat et abus sexuel sur mineure de moins de 15 ans est ouverte le lendemain. La presse s'empare de l'affaire et surnomme l'assassin « le monstre d'Annemasse ». Le portrait-robot est diffusé et entraîne des centaines de dénonciations[9].

Début , Jean-Luc Clouard, jeune journaliste, est placé en garde à vue. Il reconnaît être allé à Annemasse le jour du crime, dans le cadre de ses déplacements professionnels, mais nie avoir tué Sophie. Après plusieurs heures d'interrogatoires, il est mis hors cause et relâché, son emploi du temps étant confirmé[8],[9],[10].

Mi-, un homme ressemblant au portrait-robot est surpris alors qu'il épiait l'école où était scolarisée Sophie. Placé en garde à vue, il est suspecté d'assassinat et d'abus sexuel sur mineure de moins de 15 ans. Il explique sa présence devant l'école en avouant être tombé amoureux d'une mère d'élève. Concernant le crime, il affirme avoir travaillé dans la banque qui l'emploie au moment des faits. Son alibi est vérifié, confirmé par les enquêteurs, qui le libèrent[9],[10],[11].

Rapprochement avec d'autres affaires

Les enquêteurs font un rapprochement avec deux attaques antérieures commises dans des immeubles d'Annemasse.

Dans la première, Angélique, 8 ans, rentre à pied de l'école, le , lorsqu'elle est entraînée dans le sous sol de son immeuble. L'assaillant l'attache à l'aide d'une cordelette. Elle profite qu'il lui tourne le dos pour courir vers l'ascenseur. La cordelette qui lui serre le cou se coince dans la porte et bloque l’ascenseur. Angélique échappe à la strangulation, et l'assaillant s’enfuit[8],[9],[10],[11].

Dans l'autre attaque, Stéphanie, 12 ans, rentre de ses cours, le , lorsqu'elle est entraînée dans le sous-sol de son immeuble. Son assaillant tente de l’étouffer, menace de la tuer si elle crie. La fillette se met à crier, l'assaillant essaie de l'étrangler. Stéphanie feint d'être morte et s’évanouit. À son réveil quelques minutes plus tard, son assaillant a pris la fuite. Après avoir déposé plainte, Stéphanie dresse un portrait-robot, mais l'enquête n'avance pas. En , le portrait-robot de l'assassin de Sophie est montré à Stéphanie : elle l’identifie comme son agresseur[8],[9],[10],[11],[13].

Attaques postérieures

Trois années passent avant que le « monstre d'Annemasse » ne commette deux nouvelles attaques.

Sylvie, 15 ans, rentre des cours, un après-midi de janvier 1989, lorsqu'elle est attaquée par derrière dans l'entrée de son appartement. Son assaillant tente de la violer, l'adolescente se débat, un vase se brise, l'assaillant s'enfuit. Du chloroforme est retrouvé sur la scène de crime, sans que l'on puisse remonter jusqu'à l'acheteur[8],[9],[10],[11].

Nathalie, 21 ans, rentre d'une soirée en discothèque, dans la nuit du 19 au , lorsqu'elle est attaquée par derrière, près d'un pont d'Annemasse. Son assaillant tente de la violer mais renonce dès lors que la jeune femme semble consentir. Souffrant d'un léger retard mental, Nathalie s'était perdue dans les rues d'Annemasse. Elle dira aux policiers que son agresseur portait un sac à dos[8],[9],[10],[11].

Arrestation et incarcération

Dans la nuit du 24 au , vers 3h du matin, les policiers sont appelés pour un cambriolage. Arrivés sur place, ils croisent Vallière, qui prend la fuite. Vallière est rattrapé, interpellé. Dans son sac, on trouve du sparadrap, des cordelettes et une bombe lacrymogène. Questionné sur sa présence dans la rue à cette heure-ci, Vallière déclare être à la recherche des personnes l'ayant agressé quelque temps auparavant.

Convaincus que l'attirail du suspect est celui du meurtrier et agresseur que l'on recherche, les gendarmes perquisitionnent l'appartement de sa mère. Dans sa chambre, ils découvrent plusieurs coupures de presse concernant le « monstre d'Annemasse », ainsi que 4 200 clichés de jeunes femmes que Vallière prenait depuis la fenêtre de sa chambre.

Les gendarmes affirment à Vallière avoir assez d'éléments contre lui. Ils l'accusent d'être l'auteur de l'assassinat de Sophie. Il reconnaît sa culpabilité, ainsi que pour les cinq attaques dont les policiers le soupçonnent. Il admet aussi avoir commis six autres attaques, à Annemasse et à Genève, entre la fin des années 1980 et janvier 1991[8],[9],[10],[11],[12].

Le , Vallière, 23 ans, est inculpé pour assassinat, tentative de meurtre, tentative de viol aggravé, agressions sexuelles, menaces de mort et séquestration puis placé en détention provisoire, à la maison d'arrêt de Grenoble-Varces[8],[9],[10],[11],[12].

Son arrestation est incompréhensible pour sa mère et deux anciennes petites-amies. Il choisit comme avocate Jane Canet-Fischer ; elle est surprise de voir un tueur en ce « garçon au visage d'ange ». Son père coupe tout lien avec lui, selon la déclaration de Me Canet-Fischer[8].

« Je ne veux plus jamais entendre parler de mon fils. D'ailleurs, ce n'est plus mon fils. Il a déshonoré mon nom. »

— M. de Vallière

La défense de Vallière s'appuie sur le fait que ses passages à l'acte sont liés à un dédoublement de la personnalité, qui entraînerait une irresponsabilité pénale et une impossibilité à être jugé. Les experts psychiatres réfutent cet argument ; ils estiment que la préparation des faits et l'attitude de Vallière vont à l'encontre d'une abolition du discernement[9],[10].

En , Vallière est condamné à sept ans de prison pour trois des agressions sexuelles aggravées[9],[10],[11].

Procès et condamnation

Jugement en première instance

Le , s'ouvre son procès, devant la cour d'assises d'Annecy, pour l'assassinat de Sophie Bouvier, la tentative de meurtre de Stéphanie et la tentative de viol de Nathalie. Il est alors âgé de 26 ans[8],[11],[12].

Vallière surprend par sa maigreur : il mesure 1,83 m pour 60 kg. Lorsque Guillaume lui demande pour quelle raison il a noyé Sophie, l'accusé répond que l'eau est un fantasme. Il explique avoir fait couler de l'eau froide, pour noyer la fillette ; puis il modifie sa version, dit avoir fait couler de l'eau tiède, pour adoucir ses derniers instants.

Au moment du procès, les débats contre les assassins et violeurs d'enfants sont nombreux, après les arrestations de Michel Sydor et Patrick Tissier, déjà condamnés pour meurtres par le passé. On évoque la future mise en application de la perpétuité incompressible en France pour ce genre de criminels.

Lors des réquisitions, l'avocat général requiert la peine maximale encourue : réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de trente ans. L'avocate de l'accusé demande des circonstances atténuantes, en raison du viol subi dans son enfance et de l'indifférence de ses parents à l'agression[8],[9],[10],[11],[12].

Le , Vallière est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 30 ans[8],[9],[10],[11],[12].

Pourvoi en cassation

Vallière et Me Canet-Fischer forment un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation annule le verdict, le , sous le motif que la période de sûreté de trente ans ne peut s'appliquer pour les crimes antérieurs à la Décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986. La Chambre criminelle réduit la période de sûreté à vingt-deux ans : c'est la peine maximale prévue lors de la commission des faits. Vallière ne sera cependant pas rejugé pour ces faits, la Cour estimant que seule la peine nécessite d'être revue : on parle alors de cassation sans renvoi[3],[4],[5].

Mme Bouvier et Stéphanie contestent cette décision mais, le , les oppositions sont déclarées irrecevables par la Cour de cassation[6].

Vie en prison

Libérable depuis 2013, Vallière est toujours incarcéré à cette date et purge sa peine au Centre de détention de Melun[14],[15],[16].

Expertise psychiatrique

Le docteur Jean-Bernard Lemmel est l'un des psychiatres chargés de l'évaluer. Il déclare au Dauphiné libéré : « Sans être délirant ni hallucinatoire, il révélait une perversion de structure profonde, c’est d’ailleurs le seul homme que j’ai rencontré que j’ai qualifié de pervers incurable, un trouble de la personnalité assez fort qui est difficile à soigner ». Les expertises le qualifièrent également de « pervers incurable »[9].

Bibliographie

Dans son livre Dans le ventre du loup, Héloïse Guay de Bellissen revient sur le meurtre de Sophie Bouvier[1],[2].

Notes et références

  1. a b et c Jacques Pradel, « Le monstre d'Annemasse », RTL,‎ (lire en ligne)
  2. a b et c Sabine Pellission, « Littérature : le roman d’une enfance brisée », Le Dauphiné libéré,‎ (lire en ligne)
  3. a et b Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 octobre 1994, 94-80.057, Inédit (lire en ligne)
  4. a et b « Décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986 | Conseil constitutionnel », sur www.conseil-constitutionnel.fr (consulté le )
  5. a et b Décision 86-215 DC - 03 septembre 1986 - Loi relative à la lutte contre la criminalité et la délinquance - Conformité, (lire en ligne)
  6. a et b Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 mars 1995, 94-85.327, Publié au bulletin (lire en ligne)
  7. « Au sommaire de Le Dauphiné Libéré - 09 juillet 2022 », sur ePresse.fr, (consulté le )
  8. a b c d e f g h i j k l m n o p et q « Au bout de l'enquête », sur RTBF Auvio (consulté le )
  9. a b c d e f g h i j k l m n o p q r et s Marie Deghetto, « Faites entrer l'accusé : Gilles de Vallière, l'assassin aux cordelettes », Terrafemina,‎ (lire en ligne)
  10. a b c d e f g h i j k l m n o et p « Gilles De Vallière, l'assassin aux cordelettes », sur calameo.com (consulté le )
  11. a b c d e f g h i j k l m n o et p « Gilles de Vallière, le « pervers » d’Annemasse - L'intégrale », sur Europe 1, (consulté le )
  12. a b c d e f et g « Aux assises de Haute-Savoie Un homme de vingt-six ans est condamné à la prison à perpétuité pour des agressions à caractère sexuel », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Vincent Bouvet-Gerbettaz, « La libération des meurtriers et violeurs d'enfants en question », Le Dauphiné libéré,‎ (lire en ligne)
  14. « Haute-Savoie. 30 ans après, le “monstre d’Annemasse” fait toujours peur », sur www.ledauphine.com (consulté le )
  15. « PressReader.com - Digital Newspaper & Magazine Subscriptions », sur www.pressreader.com (consulté le )
  16. « Le monstre d’Annemasse, un « pervers incurable et dangereux » », sur Le Messager, (consulté le )

Documentaires télévisés

Émissions radiophoniques

  • « Le Monstre d'Annemasse » le dans L'Heure du crime présenté par Jacques Pradel sur RTL.
  • « Gilles de Vallière, le « pervers » d'Annemasse » le et le dans Hondelatte raconte présenté par Christophe Hondelatte sur Europe 1.
  • « Affaire Lucien-Gilles de Vallière : qui est vraiment le « monstre d'Annemasse » ? » le dans L'Heure du crime présenté par Jean-Alphonse Richard sur RTL.

Articles connexes